À Lire: Amazon: le rouleau compresseur du commerce

On sort un peu abasourdi de la lecture de Le monde selon Amazon, du journaliste français Benoït Bertelot. Je suis, comme vous sans doute, un utilisateur occasionnel d’Amazon. J’ai suivi, comme vous sans doute, les débats entourant l’impact du géant des ventes en ligne sur nos rues principales et nos réseaux de vente au détail.

Mais rien ne prépare complètement à l’exposition détaillée de la révolution que représente la méga-maison de commerce en ligne, tel qu’exposée de façon claire par le journaliste dans ce livre (qu’il ne faut pas confondre avec le documentaire du même nom, intéressant mais beaucoup moins complet.)

D’abord il faut reconnaître à l’entrepreneur Jeff Bezos le sens de l’innovation et sa complète dévotion à ce qui constitue, au fond, le pilier du succès dans la sphère commerciale: rendre le client heureux. Cela semble simple à comprendre, mais Bezos a fait de cette axiome une obsession qui l’a finalement transformé en homme le plus riche du monde.

Rendre la tâche facile au client qui se présente devant son écran. Faire en sorte de minimiser le nombre de clics entre son magasinage et son achat, allant jusqu’au clic unique, une fois qu’on lui a fait cracher ses informations de paiement pour storage et utilisation illimitée.

Faire en sorte que le prix offert soit le plus bas sur le marché. Et inventer pour y arriver des algorithmes qui comparent en continu les prix, et les soldes, de tous les concurrents, notamment dans l’environnement immédiat du client. Une tâche computationnelle gigantesque, mais qui fait en sorte qu’un prix sera différent selon le lieu d’achat et le moment de la journée.

Assurer le client d’une livraison la plus rapide possible et ne jamais faire de chichi s’il est mécontent de son produit, veut le retourner ou le faire rembourser. Même s’il a tort, il a raison.

Je ne savais pas que Bezos et Amazon avaient inventé le système des notations étoilées données par les clients aux produits, et souvent accompagnées de commentaires. Repris depuis par tout ce qui bouge en ligne, ces notations sont devenues essentielles pour orienter les choix. D’où l’organisation de toutes sortes de trafic pour en générer des plus positives, et tout une surveillance pour traquer ces fraudeurs.

Il y a donc de quoi applaudir dans ce qui constitue la nouvelle frontière de la qualité du rapport client-commerçant. Mais, évidemment, le côté obscur prend également toute sa place.

Comme les autres Gafam, Amazon use de ses fiscalistes pour transporter ses profits là ou ils seront les moins taxés. L’étau, surtout européen mais bientôt on l’espère de l’OCDE, se resserre peu à peu sur ces pratiques.

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Amazon paie cher ses cadres de Seattle, ce qui pousse les prix à la hausse dans la ville, et comprime les salaires de ses manutentionnaires dans ses entrepôts, ce qui pousse au surmenage. Berthelot décrit les deux mondes.

Surtout, Amazon happe un grand nombre de commerçants dans son orbite. Il vend ses propres produits, mais chacun peut se qualifier comme vendeur sur sa « place du marché » et vendre sa camelote sur le grand site. Le problème ? Chacun est ainsi à la merci d’algorithmes obscurs qui mettent — ou ne mettent pas — en valeur le produit sur le site. Pire: lorsqu’un produit indépendant a de bonnes ventes, il arrive qu’Amazon offre son propre produit identique ou similaire, mieux placé dans les offres sur les pages, et pousse ainsi le petit commerçant hors-jeu.

C’est en particulier cette pratique pour laquelle existe un terme « abus de position dominante » qui choque.

Dans son programme électoral, la candidate démocrate Elizabeth Warren propose qu’une seule entreprise ne puisse à la fois détenir une « place de marché » virtuelle et y vendre ses propres produits. C’est logique.

Comme Google et Facebook, Amazon a profité ces dernières années du laxisme dans l’application des lois anti-concentration pour acheter des concurrents — et parfois les forcer à vendre. Une pratique qui réduit la concurrence, inhibe l’innovation, nuit au consommateur.

Comme plusieurs autres, Warren forcerait des défusions et rendraient beaucoup plus strictes les règles de fusions et d’acquisitions.

Bref, on ne peut comprendre les grands enjeux du commerce actuel sans s’immerger dans la logique Amazonienne.

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