Aux sources de l’histoire juive québécoise

51EnDmheWnLJ’avoue avoir abordé l’ouvrage de Denis Vaugeois sur la première grande famille juive québécoise avec espoir.

Je pensais qu’on y trouverait les traces d’un premier compagnonnage entre juifs et franco-catholiques, culminant avec la décision de l’Assemblée législative de faire siéger en leur sein un des premiers députés juifs de l’Empire britannique.

On apprend plein de choses, dans Les Premiers Juifs d’Amérique (Septentrion). Mais ce serait trop  que de nous demander de nous attacher à ces personnages.

Le premier juif du Québec (du Bas Canada), Aaron Hart, arrive à Montréal dans les troupes de l’envahisseur Amherst, dont il gère les finances. Il s’installe à Trois-Rivières où il devient un commerçant important, bien intégré et sans histoire.

C’est son fils Ezekiel qui brigue les suffrages. Mais les ignorants, comme moi, apprennent ici que le nouveau député partage les positions anti-patriotes et anti-francophones des anglo-montréalais, qui souhaitent en finir avec le code civil et l’usage du français. On se demande d’ailleurs pourquoi les francophones de Trois-Rivières lui accordent leurs votes.

Son élection est dans un premier temps contestée par les Patriotes (et par le gouverneur anglais). Dans un deuxième temps, toute la chambre vote une résolution accordant l’égalité des droits aux juifs, mais Vaugeois nous donne à comprendre qu’à cette étape, le geste n’est pas aussi révolutionnaire dans l’Empire qu’on pourrait le penser. Au moins, personne ne s’y oppose.

L’historien nous fait bien comprendre qu’à l’époque, et sauf pour la question posée par l’élection du premier député juif, la judaïté des membres de la famille Hart et des autres familles juives établies notamment à Montréal ne pose aucun problème. En fait, la majorité ignore que ces familles sont juives, les croyant protestantes ou catholiques. S’ils l’avaient su, ils n’auraient pas su ce que cela signifiait.

Un fils controversé

La controverse vient d’ailleurs. Le fils aîné de la famille, Moses, est un personnage en soi. Entreprenant mais constamment en procès contre ses partenaires comme ses adversaires, très actif avec les membres du sexe opposé, soupçonné d’avoir tenu un bordel à Trois-Rivières, candidat battu à plusieurs élections et courtisan empressé auprès du gouverneur pour une nomination à l’exécutif d’où il aurait pu faire reculer le français et le code civil, inventeur d’une nouvelle religion qui n’aura pas d’adeptes, Moses n’est, disons, pas l’incarnation de la confraternité et de la bonne entente.

Avant de s’engager dans le très intéressant ouvrage de Vaugeois, il faut savoir qu’on y suivra à la fois l’histoire des Hart et l’histoire de Vaugeois, faisant sa recherche sur les Hart.

Cette technique non-orthodoxe gène parfois la lecture, qu’on souhaiterait plus linéaire. Mais elle éclaire la difficulté qu’a l’historien de distinguer le vrai du faux.

Le livre est au surplus superbement illustré.