L’obsession ontarienne (intégral)

Il faut savoir ce qu’on veut, dans la vie comme en politique, sauf si on se satisfait d’une vie contemplative. René Lévesque souhaitait faire du Québec “un pays normal”, ce qui était à la fois ambitieux mais non prétentieux, à son image. Jean Charest visait plus haut. Faire du Québec, spécifiquement, un “paradis des familles”, et plus généralement le faire “briller parmi les meilleurs”. Nous avons assisté depuis à un rapetissement des attentes, car Philippe Couillard avait lancé son action gouvernementale en se fixant comme horizon “la moyenne canadienne”. Comptable, et s’avisant peut-être que le pétrole de l’Alberta faisait gonfler cette moyenne, François Legault réduisit le champ des possibles en choisissant comme étalon-or la seule Ontario.

Les fausses bonnes idées

Il y a des moments, en politique, surtout au sommet de la pyramide, où on se sent bien seul. C’est encore plus vrai lorsque la vie s’entête à vous projeter des ennuis groupés. Le poids de la responsabilité est écrasant. Tous les regards sont pointés sur vous. Les conseils qu’on vous donne ont toujours la même caractéristique : ils sont contradictoires. De journées glauques en nuits blanches, vous tentez d’imaginer une voie de sortie. Un changement de cap ? Une retraite stratégique ? Une avenue complètement nouvelle ? Ou encore une surenchère.

Désenchantés

Saviez-vous que dans Jean-Talon, lundi, un électeur de 104 ans a participé au vote ? Également deux résidents de 103 ans et cinq de 100 ans. Il y a aussi ceux qui ne se sont pas présentés. Ainsi, le taux de participation des inscrits de 106 ans fut de 0 %. (Il n’y en avait qu’un.) Pour les 62 centenaires présents sur la liste électorale, donc présumés en état de voter, le taux de participation fut d’un peu moins de 25 %, la moitié du taux général, élevé, de 56 % pour la partielle. Je parie toutefois qu’il s’agit d’un record, qui sera battu à chaque cycle électoral à venir. L’impact politique du vieillissement se déploie devant nous, s’avançant — ce qui est désormais un spectacle rare — à la vitesse d’un glacier.

Maîtres chez nous

Les mots étaient forts. D’abord, « maîtres ». En 1962, date d’affichage du slogan, aucun Québécois (on disait « Canadiens français ») ne se pensait maître de quoi que ce soit. Les maîtres, on les connaissait : les multinationales britanniques, américaines, canadiennes. Ce serait donc complètement nouveau, presque impensable, de ne plus être qu’employés, subalternes, domestiques. Puis ce « chez nous » affirmait un espace singulier. Ce n’était plus le Canada, voire le Canada français. Il s’agissait du territoire du Québec, ni plus ni moins, qu’on prétendait maîtriser, y compris les patrons anglophones qui s’y pensaient jusque-là intouchables.