Cher journal: Les vendredis de comté

Cher Journal,

Des internautes me grondent: je ne raconte pas assez ce que je fais. Je néglige mon journal. Ce sont les billets favoris.

Il est de coutume pour les députés de tenir le lundi leurs « journée de comté ». Je m’y suis essayé, au début, mais j’ai préféré choisir le vendredi. Je me sentais trop préoccupé, le lundi, des tâches ministérielles que je devais accomplir dans la semaine et ne me sentais pas suffisamment concentré sur mon travail de circonscription.

Une fois les quatre jours derrières moi, je peux, il me semble, davantage me consacrer aux Rosemontois et à des dossiers locaux le vendredi. C’est mon dessert de la semaine.

Ce vendredi, par exemple, a commencé par une visite à l’école secondaire publique Joseph-François-Perrault, célèbre pour sa capacité à produire de jeunes musiciens, des virtuoses (l’école a une page complète de ses anciens devenus membres d’orchestres symphoniques, de Trois-Rivières jusqu’à Milan) ou plus simplement des amants de la musique pour la vie.

L’école, très populaire et au taux de décrochage parmi les plus faibles, collabore avec l’Ochestre Métropolitain et Yannick Nézet-Séguin a dirigé les finissants à la Maison Symphonique:

Éric Dionne, le directeur, m’explique que Joseph-François-Perrault tente depuis des années de doter ses étudiants d’une salle de concert adéquate. Le projet est accepté, les sommes étaient même trouvées, avant que la moisissure d’une partie du parc immobiliser scolaire de Montréal détourne les budgets à des fins plus urgentes. L’école craint maintenant que certains de ses futurs élèves se détournent vers des écoles privées, mieux équipées, mais moins à même de faire profiter cet enseignement aux enfants de tous les milieux qui bénéficient du creuset de l’école publique.

L’école a une fondation et cherche des solutions. Je suis enrôlé dans cette cause.

Au bureau

Ensuite, bref arrêt à mon bureau de comté, pour rencontrer le directeur d’une troupe de danse, basé à Rosemont, mais qui connaît des problèmes de financement et qui pourrait fermer ses portes sous peu. On discute, on prend des notes, on examine les recours, on fera des suivis.

Mon adjointe de comté, l’inestimable Véronique Bergeron et son efficace adjointe Noémie, font ensuite avec moi le tour d’un certain nombre de cas de résidents particulièrement épineux, qui demandent un suivi avec tel cabinet, un renvoi à tel collègue, une réponse personnelle du député.

On passe en revue les demandes d’aide financières — députés et ministres ont une petite caisse discrétionnaire — et, pour les cas particulièrement nécessiteux, il arrive qu’on sollicite des collègues ministres pour qu’ils fassent leur propre effort, surtout si la cause couvre aussi des résidents de leurs circonscriptions.

Des groupes d’intervention

À midi on se déplace au centre communautaire de Rosemont L’entre-gens, où nous attend un buffet acheté chez BIS-Traiteur, qui fait de l’insertion de jeunes décrocheurs dans le quartier… et d’excellentes salades.

C’est pour une dizaine d’invités, représentant chacun un groupe d’intervention sociale, pour briser l’isolement des femmes dans Verdun, promouvoir l’apprentissage d’Internet sur toute l’île, assurer le transfert de connaissance de l’université vers les intervenants sociaux, accueillir des femmes itinérantes en grand besoin d’aide ou pour remettre des jeunes de la rue sur le bon chemin.

Ils sont là parce que les ministres régionaux, comme moi, sont informés par la première ministre des montants discrétionnaires qu’elle choisit de verser. Plutôt que de leur envoyer froidement le chèque par la poste, je préfère les inviter à partager le repas, prendre connaissance de leurs actions, de leurs succès et de leurs défis. Cela permet parfois à ces gens de se connaître entre eux et à tisser des liens. Cela permet aussi au ministre de Montréal d’avoir, constamment, un contact avec ceux qui travaillent au quotidien à améliorer le sort des plus démunis sur tout le territoire de l’île, en plus de bien connaître les organismes sociaux de ma propre circonscription.

On passe une heure et demie ensemble. C’est trop court.

A la Commission scolaire

Mais le directeur de la Commission scolaire de Montréal, Daniel Duranleau, et ses adjoints m’attendent pour une rencontre prévue de longue date. Ma collègue Marie Malavoy, de l’éducation, suit de près ces dossiers, mais je veux qu’on m’explique dans les yeux ce qui se passe, ce qui est prévu.

Le vieillissement du parc d’écoles de l’île est de toute évidence un problème sérieux. On me montre graphiques et tableaux sur ce qui est préoccupant, urgent ou très urgent. En certain cas, il n’y a rien à faire. Mieux vaut démolir et construire du neuf.

L’équipe de Duranleau fait face à une lourde tâche et, ils le savent bien, les moyens ne sont pas illimités. Mais loin d’être abattus, ils tentent d’innover, d’utiliser le fait que certaines écoles vétustes logent sur des terrains de grande valeur pour imaginer des transactions qui dégageraient des marges permettant, ici de rénover, là de construire, là encore d’accompagner le développement des nouveaux quartiers: Griffintown, l’Hippodrome.

Je voulais discuter de la salle de concert de Joseph-François-Perrault. Ils l’avaient mise à l’ordre du jour. Cela fait partie de leurs cas prioritaires, mais désargentés. On réfléchit ensemble. Ils ont quelques idées. Je leur offre mon aide. On peut imaginer une démarche.

On discute aussi du projet d’école d’Horticulture, sur les terrains du Jardin botanique, qui pourrait accompagner l’extraordinaire essor de l’agriculture urbaine que connaît l’île depuis quelques années. Du projet, aussi, de transfert aux groupes communautaires d’une école inutilisée dans la partie est de Rosemont.

Les nids-de-poule

Entre deux rencontres — la voiture étant un bureau roulant — on me met à jour sur le problème éthique qui assaille les élus montréalais. Il faut se mettre à réparer les nids-de-poule qui, telle une pandémie annuelle, contaminent chaque rue de la ville à chaque printemps.

Mais la plupart des entreprises soumissionnaires ont eu leur nom maintes fois associées à des pratiques douteuses. Faut-il leur envoyer encore un chèque ou, au nom de l’éthique politique, garder ses mains propres mais ses rues trouées ?

Depuis notre arrivée au pouvoir, nous avons toujours affirmé que les réparations d’urgence devaient être effectuées. La sécurité des citoyens est la première préoccupation. Les firmes coupables de fraude finiront bien par affronter les policiers, les juges et la justice. Pas la peine de massacrer nos essieux en plus !

Le maire Applebaum a innové en allant lui-même boucher un nid-de-poule et a fait appel aux citoyens sur le site de la Ville:

Les élus de Montréal font face à un dilemme

Chaque année, la ville fait face à un problème récurrent : les nids-de-poule. Cette année ne sera pas différente des autres. En janvier dernier, la ville a lancé un appel d’offres pour pouvoir s’approvisionner en asphalte. Le contrat de 5 M$ a été réparti parmi sept compagnies, en fonction de leur localisation. Certaines des compagnies qui ont gagné l’appel d’offres ont cependant fait l’objet de plusieurs articles et d’allégations.

Les élus du conseil municipal seront appelés à voter sur le contrat.

Dans les circonstances, le choix qui se présente n’en est pas un qui peut être pris à la légère.

Nous pouvons accorder le contrat tout en sachant que nous faisons affaire avec des compagnies quiont fait l’objet d’allégations quant à leur probité.

Ou

Nous pouvons refuser d’accorder le contrat avec pour conséquence qu’il n’y aura pas d’asphalte pour colmater les nids-de-poule qui apparaissent après le 15 avril 2013.

Je vous invite à répondre si:
OUI, vous voulez que l’on accorde le contrat qui permettra de boucher les nids-de-poule
NON, vous ne voulez pas que la ville accorde le contrat avec pour conséquence que la ville ne pourra remplir les nids-de-poule pour la saison.

Je vote Oui. Pour que les élus fassent le seul bon choix: celui du service aux citoyens. Et vous ? Vous pouvez répondre ici au sondage.

Chemin faisant, je reçois des informations demandées plutôt sur la fusion annoncée dans le budget Flaherty entre l’ACDI et le ministère des Affaires étrangères et je discute de la réaction qu’il faut adopter.

On parle aussi d’une grande annonce qu’on prépare pour lundi, dans le domaine des transports à Montréal. Et il faut que je passe chercher du pain, du lait, des céréales et le DVD des Misérables qui vient de sortir et que je veux faire voir à mes enfants. (Un chef d’œuvre. Ayez des mouchoirs à disposition.)

Une ligne bleue pour le dé-centre-ville

Dernier arrêt: le lieu de théâtre Aux Écuries, tout beau tout agrandi tout neuf, lieu de rencontre de plusieurs troupes émergentes. La directrice, Mayi-Eder Inchauspé, me conduit dans la visite, y compris de la « loge capitaliste », avec les pièces individuelles de stars, et de la « loge communiste », où chacun a une place égale.

Ensuite, on me met à jour sur une formidable idée: la ligne bleue.

Pas le projet de prolongement de la ligne bleue vers l’Est de l’île (on y travaille), mais l’apparition d’un concept: mettre en valeur les lieux de théâtre, de cinéma, d’exposition, mais aussi les restos et les commerces qui jalonnent la ligne bleue du métro, cette ligne qui traverse des quartiers résidentiels où les habitants ne soupçonnent pas la richesse de l’offre qui les attend, à quelques stations à peine.

Martin Bergeron, le fondateur, et Valérie Beaulieu, la directrice, me font part des progrès rapides du concept, du nombre d’établissements intéressés, de la carte ligne bleue qui donne droit à des rabais, de l’augmentation de l’achalandage sur le site lalignebleue.ca

Ils ont même une vidéo:

L’heure tourne. Bientôt 17h30. Encore quelques appels dans l’auto, quelques dossiers à lire, lettres à signer, courriels à prendre et retourner. Et qu’est-ce qu’on va manger ? Qu’est-ce qui va avec Les Misérables ? Cosette aime-t-elle la pizza ?

Jean-François

12 avis sur « Cher journal: Les vendredis de comté »

  1. L’idée de rencontrer les responsables des groupes communautaires est «géniale». Il me semble que les intervenant-e-s ont autant besoin de se rencontrer et d’être reconnu-e-s par leur député que de recevoir un chèque. J’espère que vous pourrez, malgré l’importance de vos tâches, continuer à le faire. BRAVO!

    MERCI pour ce journal qui nous aide à comprendre les divers défis que vous devez relever! C’est passionnant!

  2. Pour remplir les nids-de-poule, je propose l’usage de la modeste « garnotte ». Contrairement à ce que mon nom pourrait suggérer, je ne tire aucun profit de ce choix, n’ayant aucun intérêt en voirie, si ce n’est qu’on arrête de gaspiller les fonds publics auxquels je contribue, comme la plupart des citoyens honnêtes. Contrairement à l’asphalte, la « garnotte » ne fend pas lors du cycle gel-dégel, reste dans le nid-de-poule qu’elle comble, même si elle répand quelques cailloux. Par sa simplicité, elle échappe sûrement aussi à la surenchère qui semble inévitable dès qu’il s’agit d’asphalte. Pour le remplissage plus chic, il faudra faire affaire avec des firmes non collusionnées et non mafieuses, sans excuses ni passe-droit. Merci.

  3. Pour l’asphalte nécessaire aux nids-de-poule, je pense que la ville de Québec devrait prêter les tonnes de bitume nécessaire à la ville de Montréal. Certainement que sa source d’approvisionnement est au-dessus de tout soupçon. Montréal les lui rendrait plus tard.

  4. Ravie que vous parliez du programme de musique de l’école JFP! Une fière maman d’une élève qui partipera à la tournée de l’orchestre symphonique de JFP en France cet été!

  5. Concernant les contrats d’asphalte, malheureusement la réponse ne peut pas être aussi simple que oui ou non et il n’y a pas possibilité de laisser un commentaire dans le sondage.
    Quand il s’agit de sécurité, je pense que la question ne se pose même pas, il faut reboucher les nids de poule, c’est trop dangereux de les laisser. Par contre la question est comment le faire. Est-ce que les 7 compagnies qui ont remporté une partie de l’appel d’offre font toutes l’objet d’allégations? Est-ce que les prix par nid de poule dans chacun des arrondissements sont identiques et équivalents à ceux des autres villes de l’île de Montréal? Ne peut-on pas disqualifier les compagnies qui font l’objet d’allégations et octroyer les contrats aux autres? Pourquoi ne pas également revoir les termes des contrats en demandant par exemple que les compagnies douteuses travaillent à livre ouvert et donnent le détails de leurs couts (C’est assez courant dans les contrat de construction dans le privé). Il peut aussi y avoir un peu plus d’inspection du travail réellement fait pour s’assurer que ce qui est payé correspond à la réalité.
    Pour conclure, je pense que ces nids de poule doivent absolument être réparés, mais qu’il est encore possible pour la ville de le faire proprement, avec ou sans les entreprises douteuse, en s’assurant que l’on ne payera pas le prix fort. C’est juste un peu plus de travail pour le personnel de la ville qui est en charge de la rédaction et le suivi de ces contrats (en espérant qu’eux même aient les mains propres).
    En espérant que le ministère jettera un oeil sur la façon dont ces contrats auront été passés…

    • Trop simpliste comme sondage, je suis d’accord avec votre réflexion.

  6. Je suis vraiment déçu par votre prise de position dans le dossier des nids de poule! Si nous devons passer outre et donner des contrats à des entreprises douteuses pour un dossier si peu profond comme celui-ci, que ferez-vous lorsqu’il sera question du pont Champlain, l’échangeur Turcot, la construction d’un hôpital. Si je comprends bien, c’est nous ne nous fermerons plus les yeux jamais…. à moins que cela dérange notre confort. Et quel malhonnêteté que la deuxième option pour le sondage, il n’y aura plus d’asphalte après le 15 avril! Je crois que la recherche de solution à été moins intense que celle pour se dédouaner.
    Michel Caron

  7. J’aime ce que je lis dans votre journal. Cela rend votre travail plus humain et je suis heureuse de voir que vous faites du terrain pour aller rencontrer les acteurs de tous les niveaux. Les besoins sont infinis mais pas les ressources financières et humaines. Merci pour tout ce travail

  8. Vous êtes le ministre le plus paradoxal du gouvernement actuel. Vous êtes capable de nous représenter à l’étranger d’une manière dont nous sommes très fiers et du même coup, vous êtes capable d’écouter les problèmes de votre circonscription. On reconnait vos racines de fils d’ouvrier qui malgré les hauteurs atteintes est près du «vrai monde». Bravo pour le travail que vous réalisez et continuez de nous faire part du dur métier de député et ministre.

  9. Je suis heureux de constater que vous faites l’éloge de l’école Joseph-François-Perrault qui, effectivement, fait un excellent travail.

    Je suis moins heureux de constater que la ministre Malavoy s’apprête à mettre la clé sous la porte de l’école alternative de la Roselière, à Chambly. http://www.radio-canada.ca/regions/Montreal/2013/03/09/002-parents-ecole-chambly.shtml

    Habituellement, lorsqu’une école décide d’utiliser des techniques d’enseignement innovantes, et qu’elle obtient des résultats probants, au lieu de s’en inspirer, on s’empresse de lui mettre des bâtons dans les roues. Cela me conforte que Joseph-François-Perrault ne soit pas menacée dans l’immédiat.

  10. Bravo pour ce riche résumé .Comme ça on est vraiment au courant du travail pas très facile de nos députés .Oui l’école Joseph François Perrault mérite sincèrement à être aidé .C’est une école modéle du secteur public en quartier défavorisé à Montréal .Un grand défi pour le renforcement et l’amélioration du secteur public francophone .

  11. Félicitations à l’école Joseph-François-Perreault. Je n’en connaissais ni l’existence ni le programme et c’est vraiment très encourageant de voir ces jeunes futurs musiciens pris ainsi en main.
    Merci pour l’information sur la ligne bleue. Je n’avais jamais réalisé que le cinéma Beaubien est proche de la ligne !!!

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