Coops: Une job steady pis un bon boss!

OnCoop_Co-opsWork_2009-01-e1327251225210C’est Yvon Deschamps qui résumait ainsi, dans les années 1970, le rêve de tout bon Québécois.

C’était avant qu’on s’habitue à ce qu’ils disparaissent, ces jobs steady, que les emplois quittent l’Amérique pour la Chine et l’Inde, avant que des génies de Wall Street inventent des produits acides qui font des trous dans les fonds de retraite et que des pays flirtent avec la faillite.

Où trouver, en ce début de XXIe siècle, cette job et ce boss? D’un peu partout sur la planète, avec des chiffres convergents, une réponse est en train de s’imposer : dans les coopératives. Ceux qui ont trouvé là leur emploi et leur patron (donc eux-mêmes) ont mieux traversé la crise que les autres. C’était déjà vrai pour la crise du début des années 2000. Aux États-Unis, alors que l’emploi avait chuté de 2% dans le secteur privé, il avait augmenté de 2% dans le secteur coopératif.

Au Québec, dans deux études réalisées en 1999, puis en 2008, le Ministère du développement économique a constaté que les nouvelles coopératives avaient un taux de survie très nettement supérieure aux nouvelles entreprises privées après cinq ans d’opération (+77% de survie) et dix ans (+54%).

Les raisons de la résilience des coopératives sont nombreuses. D’abord elles sont presque in-délocalisables. Les salariés étant les patrons, ils sont réfractaires à abolir leur emploi pour gagner un ou deux pourcent de profit de plus en déplaçant leur production en Asie. Ensuite, les salariés/patrons préféreront, en temps de crise, réduire entre eux cadences et salaires, en attendant des jours meilleurs, plutôt que de mettre la clé dans la porte.

Finalement et plus fondamentalement, puisqu’il ne s’agit pas d’entreprises soumises à la dictature de la bourse, leur valeur ne s’effondre pas lorsque les actions chutent, leurs investisseurs ne les abandonnent pas lorsque leur rendement fluctue, elles n’ont pas l’obligation, pour attirer l’actionnaire, de toujours croître et de toujours penser au court terme.

Libérées des dérives du capitalisme de casino, les coops peuvent planifier à long terme, atteindre une vitesse de croisière satisfaisante, amortir les chocs. Évidemment, comme toute entreprise, elles peuvent être poussives, peu productives, gérontocrates. Mais leur code génétique les préserve des chocs extérieurs mieux que toute police d’assurance.

C’est pourquoi l’Organisation internationale du travail concluait en 2009 que la résistance des coops ne bénéficiait pas seulement à leurs salariés-propriétaires, mais au « maintien du bien-être des communautés dans lesquelles elles opèrent. » Cette année, 2012, est l’année des coopératives, notamment parce que l’OIT et plusieurs autres estiment que d’autres grandes crises nous menacent et que l’augmentation du nombre de coopératives est un rempart contre les chocs à venir.

À la pointe de ce mouvement, une loi argentine votée en juin dernier prévoit qu’en cas de faillite ou de cessation d’activité d’une entreprise, les cadres et salariés puissent former une coopérative, continuer la production et profiter du premier droit de rachat.

En France, lors d’appel d’offres du secteur public, à prix égal ou équivalent, on choisira une coopérative plutôt qu’une entreprise privée.

Rien de tel n’existe au Québec, ce qui est plus qu’étrange.  Qu’on y songe. Le premier employeur privé aux États-Unis est : Wall-Mart. Le premier employeur privé au Québec est : le mouvement Desjardins. Le second : Le réseau des Centre de la petites enfance, une fédération d’entreprises sociales. Parmi les cinq premiers : La Coop fédérée, dans le domaine agricole.

Le Québec est à la veille d’un transfert majeur de propriété de ses petites et moyennes entreprises. Toute une génération est sur le point de prendre sa retraite. Dans les cas où les fils ou les filles d’entrepreneurs ne sont pas intéressés, on assistera à des fermetures, à des ventes à des concurrents qui, souvent, réduiront l’emploi ou encore à des transferts à des intérêts étrangers.

Il est urgent de prévoir un mécanisme où les salariés et cadres puissent se prévaloir d’un droit de premier rachat, dans un cadre coopératif. Même si cela ne fonctionne que dans un cas sur 10, ce sera toujours ça de pris. Ce sera autant de jobs steady et de bons boss de plus.

Et encore :
La plus grande entreprise de construction au Canada, PLC, est depuis 1977 propriété de ses 6 000 salariés. Elle n’est accusée ni de collusion ni de corruption et est au contraire régulièrement désignée  parmi les meilleurs employeurs et les compagnies les mieux gérées.

Cliquez ici pour un extrait de Imaginer l’après crise à ce sujet.

Et pour une conférence que j’ai prononcée sur le sujet.