Course au PLQ: Cusson et Anglade dans les sables mouvants du débat éthique

Pour moi, le moment le plus intéressant de la semaine, dans la course au leadership du Parti libéral du Québec, ne s’est pas produit lorsque le candidat Alexandre Cusson a annoncé qu’il fallait admettre que les problèmes éthiques continuaient à nuire à son parti.

Il ne s’est pas produit quand sa collègue Marwha Risquy a accusé Dominique Anglade de vivre dans le déni à ce sujet.


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Non, le moment le plus intéressant est intervenu quand le journaliste Patrick Lagacé a demandé à M. Cusson s’il pourrait envisager d’exclure Jean Charest du Parti libéral du Québec pour bien illustrer sa rupture avec le passé.

M. Cusson ne s’y attendait pas. C’était probablement la pire question à lui poser. Car si, oui, Jean Charest est pour l’opinion publique québécoise le symbole incarné de l’absence d’éthique, il reste une idole parmi les membres du parti libéral, chez ceux, donc, qui doivent élire le nouveau chef.

Pour parler franchement, si Jean Charest était candidat à la direction du PLQ aujourd’hui, il remporterait la course haut la main. Ce serait un triomphe !

Alors imaginez ce pauvre Alexandre Cusson, sommé à la radio de s’engager à larguer le libéral le plus populaire qui soit. Il a navigué comme un pro, affirmant n’avoir pas été présent à l’époque où M. Charest était aux affaires et ne pas vouloir se substituer aux tribunaux.

Une proposition forte ?

Mais il a une proposition forte. Nommer au sein du PLQ — écoutez bien — une direction de l’éthique et de la conformité. Proposer désormais un parti éthique et transparent.

Mais pourquoi ses prédécesseurs n’y avaient-ils pas pensé plus tôt, vous demandez-vous ? En fait, ils y ont pensé.

Lors de la course au leadership de 2013, les candidats misaient sur le retour de l’intégrité au PLQ. Pierre Moreau se présentait comme « M. Éthique », son idée était de rendre permanente la commission Charbonneau. L’idée de Philippe Couillard était de doter le parti d’un code d’éthique, ce qu’il a fait.

M. Cusson promet de la transparence, M. Couillard s’engageait encore plus clairement à faire du Québec « le gouvernement le plus transparent de notre histoire ». Ça n’est pas vraiment arrivé.

Bref, la question de l’intégrité, ce qui est un euphémisme pour parler de corruption, est collée au Parti libéral comme la rouille sur le Pont de Québec.

Un problème insoluble sur le court terme

On peut, comme Alexandre Cusson, dire qu’on va attaquer le problème de front. On l’a vu, ça a déjà été essayé. Et ça n’a rien fait pour éloigner le nuage noir qui assombrit la réputation du parti.

On peut, comme Dominique Anglade, centrer le message sur un autre sujet , parler d’autre chose. Mais je vous jure, c’est exactement ce que les libéraux de Couillard ont tenté de faire pendant quatre ans. Ils ont échoué.

La vérité est que ça ne dépend pas d’eux. Cela dépend d’événements qui les dépassent. Tout le mandat de Philippe Couillard a été ponctué de révélations sur des affaires de corruption qui dataient de l’ère Charest, mais qui leur collaient à la peau.

Si les enquêtes et les procès issus de l’ère Charest étaient conclus, on pourrait commencer — je dis bien commencer — à passer à autre chose. Mais ils ne sont pas conclus.

À supposer même que le procès de Nathalie Normandeau, la vice-première ministre de Jean Charest, tombe à l’eau, ce qui est possible, qui peut jurer que des accusations ne seront pas déposées contre Marc Bibeau d’ici la fin de l’année ? Contrairement à ce que disait Jean Charest dans son entrevue avec Patrice Roy, les nombreux témoignages de témoins réunis par l’UPAC constituent une solide base pour étayer une accusation.

On peut compter sur les avocats de M. Bibeau pour faire traîner les procédures pendant des années, donc pour occuper à répétition les pages des journaux, rappelant chaque fois aux électeurs les raisons pour lesquelles ils ne font pas confiance aux libéraux.

J’ai beaucoup de respect pour la décision de Mme Anglade et de M Cusson de s’embarquer dans ce qui m’apparaît comme un immense champ de sables mouvants, qui s’étend jusque bien après l’échéance électorale de 2022. L’autre grand problème du PLQ est que sa marque de commerce économique est en train d’être vampirisée par le gouvernement de la CAQ. On comprend que l’ancien ministre libéral des Finances Carlos Leitao fasse brûler des lampions en espérant qu’une récession vienne ternir l’image économique de la CAQ, mais on voit mal comment ils vont reprendre le dessus sur ce thème.

L’avenir du PLQ est-il à ce point bouché que rien ne pourra les sortir de leur condition actuelle ? En politique, rien n’est jamais terminé.

L’exemple des cousins fédéraux

L’exemple le plus pertinent se trouve juste à côté, chez les cousins fédéraux du PLQ, le Parti libéral du Canada.

À partir de 2004, les libéraux fédéraux ont été frappés de plein fouet par une très divertissante affaire de corruption, appelée le scandale des commandites, qui a donné lieu à une commission d’enquête alors très suivie. À l’élection suivante, le PLC a perdu 32 sièges, et le pouvoir. À l’élection suivante, le PLC a perdu 26 sièges supplémentaire. À l’élection suivante, le PLC a perdu 43 sièges supplémentaires et avec eux le statut d’opposition officielle.

Que s’est-il passé pour que les électeurs tournent la page sur l’image d’un parti corrompu ? Simplement expliqué: il s’est passé 10 ans. Il a fallu une décennie et trois changements de chef avant qu’une nouvelle conversation puisse avoir lieu entre le parti et l’électorat. Il a fallu l’oubli. Il a fallu un long purgatoire, au sens propre autant que figuré.

Il a fallu aussi l’usure du gouvernement de Stephen Harper, le renouveau et la fraîcheur alors représentés par Justin Trudeau.

Il se trouve que j’ai eu l’occasion d’échanger avec Dominique Anglade et avec Alexandre Cusson ces dernières années. Nous avons des désaccords politiques profonds, bien sûr, mais je n’ai aucun doute que ce sont de bonnes personnes. Rien à voir avec Jean Charest.

Un miracle est toujours possible. Mais fondamentalement, ils arrivent trop tôt. Peut-être 10 ans trop tôt.



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4 avis sur « Course au PLQ: Cusson et Anglade dans les sables mouvants du débat éthique »

  1. Sables mouvants faisant, les courses se sont enlisées pour un temps aurait dit Claude Ryan dans la réponse de défense contre la Covid-19.

    Je me suis désabonné de Twitter. Cependant, je note et publie en tableaux moins intensément mais encore, l’évolution des compteurs Facebook aux pages des candidat.es sur mes Facebook et mon blogue RJJYL.

    En lien ici sous mon nom.

  2. Vous me faites relire Jean-François au site du PLQ les règles de la course à la chefferie. (chef(fe)

    https://www.chefferie.plq.org/regles

    Page 10, je comprends que la phase consultation est terminée. La date limite pour être candidat/e était le 6 mars.

    Pour un tableau au 10 mars de cette course comparée à celle du PQ en terme de j’aime à la page Facebook des candidat.es, c’est là :

    https://rjjyl.blog/2020/03/10/courses-aux-chefferies-pq-et-plq-2020-2/

    Ça sent le couronnement et ce que vous écrivez pour la suite.

  3. Les Partis politiques qui ont la possibilité de prendre le pouvoir cherchent les moyens de contourner les règles de financement du DGE. La droite avec l’aide de la haute finance et la gauche avec l’aide des syndicats.

    • Je ne peux pas voir comment le PLQ pourrait reprendre le pouvoir, j’écrirais la charge. La CAQ a fait suffisamment ce que ne pouvait pas le PQ, l’a repoussé là où vous savez, l’a peinturé dans le coin.

      Marcher dans la peinture n’est pas une solution en l’État du Québec.

      Concernant les règles de financement, il est phare de lire le mémoire d’André Larocque à la Commission des institutions à l’occasion des Consultations particulières et auditions publiques concernant le PL °39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin.

      http://assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/CI/mandats/Mandat-42361/memoires-deposes.html/ page 2, numéro 021m, pour téléchargement si désiré.

      Ailleurs, je suis les deux courses de près et j’en publie des tableaux de chiffres au Twitter à mon nom. Le PQ va bien.

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