Dire du bien de Jean Charest

charest_gore-150x150Il existe une tradition bien québécoise, héritée peut-être de notre passé judéo-chrétien. Lorsqu’une personnalité publique tire sa révérence ou passe de vie à trépas, tous les autres acteurs se font un devoir de n’en dire que du bien.

La chose n’est pas toujours bien comprise ailleurs. Je me souviens d’un journaliste canadien-anglais qui ne voulait pas admettre mon refus de critiquer Pierre Trudeau le jour de son décès.

D’autres trouvent la chose hypocrite, car il est bien certain que tous ne pensent pas que du bien de celui qui pars.

Moi, je l’aime bien, cette tradition. Et je la respecte. Le truc, avions-nous convenu avec Lucien Bouchard le jour du décès de Robert Bourassa, est de ne dire du défunt que le bien qu’on en pense. On occulte la colonne « débit » et on tire très fort sur ce qui reste dans la colonne « crédit ».

Que puis-je dire, aujourd’hui, de Jean Charest? Qu’il est un des meilleurs communicateurs politiques de sa génération ? Certes. Qu’il a, en privé, un formidable sens de l’humour ? Absolument. Qu’il a fait preuve d’une résilience peu commune, proche de celle de Pauline Marois ? Sans aucun doute.

Mais c’est trop facile.

Je vais vous faire un aveu. J’ai récemment voulu remettre un prix à Jean Charest. Comme vous le savez peut-être, le CÉRIUM remet le prix de la « Personnalité internationale de l’année » au Québécois qui s’est le plus illustré dans le rayonnement du Québec. Il y a quatre finalistes et un gagnant.

Au début de 2012, quelqu’un avait soumis au jury le nom de Steven Guilbeault, d’Équiterre. La raison ? Il avait, ces dernières années, fait savoir au reste de la planète que le Québec et le Canada n’avaient nullement la même vision de l’écologie. Il avait, en un sens réel, protégé notre réputation.

Jean Charest sera peut-être surpris d’apprendre que, dans cette réunion d’un très illustre jury, je fus celui qui indiqua que la responsabilité considérable d’avoir préservé la réputation écologique internationale du Québec incombait d’abord au Premier ministre Jean Charest au niveau des gouvernements étrangers, et de Steven Guilbeault ensuite pour les milieux écologistes.

Ce n’est pas une mince affaire, lorsqu’on connaît la difficulté qu’ont les États non-souverains de communiquer sur la scène mondiale, que d’avoir réussi de tour de force d’aviser la planète entière qu’en terme d’environnement, il y a un Québec vert dans un Canada de plus en plus brun.

Je pris donc sur moi de proposer aux autres membres du jury de mettre dans la listes des finalistes le couple, inusité mais complémentaire, Charest/Guilbeault.

La mise au voix ne leur fut pas favorable, à mon grand regret. On ne peut pas gagner toutes ses batailles, Jean Charest le sait aujourd’hui mieux que quiconque.

Mais je suis heureux de pouvoir témoigner aujourd’hui qu’il y a, véritablement, une colonne « crédit » au bilan de Jean Charest et que les tenants de la tradition peuvent rester crédibles en disant du bien de Jean Charest en ce jour où on fait volontairement semblant qu’on ne se souvient plus de ce qu’on lui reproche. Cela nous reviendra bien assez vite !

(J’avais aussi salué la performance internationale
de M. Charest dans ce billet de décembre 2009.)