Discours de Charest: meilleur que Khadafi!

273185-permier-ministre-jean-charest-prend-150x150Vous ne me ferez pas dire du mal du discours inaugural de Jean Charest. Non. Je l’ai beaucoup aimé ce discours. D’abord, il était très correctement écrit.

Chapeau au scribe. Ensuite, le portrait positif qu’il brossait de la situation du Québec tranchait avec le discours des pisse-vinaigres qui tiennent, ces temps-ci, le haut du crayon.

Croissance, chômage, niveau de vie, tous les feux sont au vert. Le taux de décrochage — le saviez-vous ? — est en baisse marquée. En fait, il y eut un moment où le Québec se portait tellement bien qu’on croyait entendre du Bernard Landry. Je peux même vous dire exactement à quel moment. C’est lorsque le Premier ministre a dit:

il est incontestable que le Québec est parmi ce que l’humanité a de mieux à offrir.

Je n’exprime pas ici mon désaccord. Seulement mon étonnement.

Et puis, le chef du gouvernement avait des tas de choses à annoncer. Tiens il y a ce truc qui s’appelle le « Plan Nord ». En aviez-vous entendu parler ? Cela paraît épatant. Des « dizaines de milliards d’investissements » et des « dizaines de milliers d’emplois ». Et pour les détails, M Charest est très clair:

Dans quelques semaines, nous annoncerons les détails du plan Nord.

Et puis il y en avait pour les jeunes (des tableaux électroniques dans chaque classe) pour les aînés (qui pourront rester à la maison) pour Denise Bombardier (le vouvoiement est de retour à l’école) et pour Régis Labeaume.

Mais ce qui faisait, plus que toute autre chose, la force de ce discours, son caractère remarquable, innovant et audacieux, ce qui le porte dans les hauteurs raréfiées de l’exploit rhétorique, ce qui lui donne sa qualité première, est la superbe absence de rapport au contexte.

C’est, oui, le discours le plus hors contexte qu’il m’ait été donné d’entendre. (Et c’est en cela qu’il est meilleur que celui de Khadafi qui, lui, était nul, mais parfaitement dans le contexte.)

Je m’explique. Ce discours est donné alors que la cote de crédibilité du premier ministre est aux abîmes historiques des enquêtes d’opinion. Il est prononcé par quelqu’un qui fait semblant d’être entendu, et cru.

Ce discours est donné alors que la première préoccupation des Québécois est l’état réel et appréhendé de corruption dans un grand pan de notre économie. Le premier ministre fait comme s’il s’agissait d’un problème mineur, sous contrôle.

Il est donné au moment où l’éthique du gouvernement est mise en cause de toutes parts. Le Premier ministre n’a rien à en dire.

Il est donné alors que l’opinion en entier est convaincue que le gouvernement a complètement échoué sa gestion du dossier gazier. Le Premier ministre fait comme si cette question était neuve et qu’il était lui-même vierge.

Surtout, le discours est prononcé alors que le gouvernement vient, la veille — la veille ! –  de traiter comme des moins que rien ses salariés qui doivent mettre les crapules en prison — les procureurs et les juristes — et dont la crédibilité est mille fois plus forte que la sienne. Et il fait comme si la joie régnait sur la planète Québec.

Le discours était bon. C’est le contexte qui ne l’est pas. On s’est retrouvé ce mercredi à l’Assemblée nationale avec un Jean Charest en costume de bain et en lunettes de soleil, proposant de la crème solaire aux Québécois, alors qu’autour de lui rage la tempête de neige du siècle.

Excusez-nous de vouloir garder nos tuques !