Feu notre ami Philippe

Je raconte l’anecdote du point de vue de Philippe Séguin, mort aujourd’hui d’une crise cardiaque. Lorsqu’il se présente, ce jour de 1998, devant la résidence du délégué général du Québec à Paris, il préside le grand parti de droite, le RPR, et s’oppose donc au gouvernement socialiste de Lionel Jospin. Il vient à la résidence rencontrer Lucien Bouchard. Mais les journalistes québécois le harponnent sur le seuil et lui demandent s’il est d’accord avec le ministre socialiste qui vient de sortir et qui appuie le Québec dans sa querelle de la semaine avec Ottawa.

« Je n’avais pas la moindre idée du dossier en question, nous raconte-t-il, hilare comme c’était souvent son habitude, une fois installé dans son fauteuil.  Je n’ai pas l’habitude d’être d’accord avec les ministres socialistes, continue-t-il, mais puisque vos journalistes disaient qu’il appuyait le Québec, je l’ai fermement soutenu, en espérant qu’il n’ait pas dit trop de conneries ! »

Bon, je ne garantis pas que c’étaient les termes exacts, mais ils reflètent le fond, le ton et le vocabulaire. C’est à peine, ensuite, s’il a laissé Lucien Bouchard lui expliquer de quoi il s’agissait (le ministre français avait permis à une ministre québécoise de participer à une rencontre internationale sur la diversité culturelle, contre le voeu d’Ottawa) tant était évident son soutien inconditionnel au Québec. Plus qu’un allié, Philippe Séguin était un complice. Il nous manquera.