Impénitente, Sarah Palin contre-attaque

Elle s’est beaucoup appliquée. Le texte a été finement écrit. La présentation, de presque huit minutes, bien répétée. Dans sa réaction à la tuerie de Tucson, la républicaine la plus populaire aux États-Unis a choisi la voie de l’impénitence. Elle ne changera rien, à l’avenir, à son discours ou à ses métaphores.

“We will not be stopped from celebrating the greatness of of our country and our foundational freedoms by those who mock its greatness by being intolerant of differing opinion and seeking to muzzle dissent with shrill cries of imagined insults.” (Nous n’arrêterons pas de célébrer la grandeur de notre pays et nos libertés fondamentales pour se plier à ceux qui se moquent de cette grandeur, justement par leur intolérance envers les opinions contraires et leur volonté de museler la dissidence avec leurs cris stridents contre d’imaginaires insultes.)

Vrai, Sarah Palin n’a rien à se reprocher. Vrai, rien ne permet de penser que le tueur de Tucson ait été influencé par la rhétorique guerrière de droite. Mais il est aussi vrai que plusieurs leaders, de gauche et de droite, dont le propriétaire de Fox News, l’ancien directeur des communications de Ronald Reagan, Roger Ailes, ont appelé les politiciens et les commentateurs à « baisser le volume ». Palin a aussi retiré de son site la carte du pays présentant des cibles de circonscriptions, y compris celle de la représentante Giffords, blessée samedi.

Bref, Palin avait un choix. Affirmer, comme elle le fait avec force dans son message, la liberté d’expression. Constater, comme elle le fait aussi, qu’il n’y a aucun lien de cause à effet entre les discours et l’acte d’un désaxé (même l’humoriste de gauche Jon Stewart est d’accord). Mais ajouter du même souffle que cette tragédie est l’occasion de s’interroger sur l’opportunité des métaphores belliqueuses dans le discours public.

Elle a choisi au contraire de ne se retirer un millimètre de marge de manœuvre (militaire) pour les combats à venir. Cela ne va pas la desservir dans son propre camp, un sondage CBS révélant que 69% des Républicains (et 57% de l’ensemble) ne croient pas que la rhétorique politique ait eu un rôle à jouer dans l’attentat.

Elle démontre cependant son caractère: ne faire aucun compromis, n’admettre rien, foncer, foncer, foncer.

Seule ombre au tableau: elle a utilisé le terme « blood libel » pour qualifier ceux qui l’accusent d’être partiellement responsable. Or ce terme signifie l’accusation absurde faite aux juifs pendant des siècles d’utiliser le sang des chrétiens pour leurs rites secrets. Se posant en victime, elle se met dans le rôle de la juive (or, Gabrielle Giffords est juive). Et sa métaphore évoque le contraire de sa démonstration, puisque l’accusation de « blood libel » a souvent conduit à la violence contre les juifs, preuve que, souvent, les mots tuent.

Il ne faut y voir qu’une maladresse, mais Palin n’avait pas besoin de cette bévue pour brouiller son message.