Jean Charest, le bâtisseur ?

120px-hq_pylon_-_up

S’il y a une chose que les Québécois détestent (non, hagissent), c’est la prétention et les prétentieux. C’est pourquoi ils ont transformé en saint homme l’homme politique le plus intelligent du dernier demi-siècle, René Lévesque, homme qui, conscient du penchant des Québécois et de sa propre intelligence, préfaçait presque toutes ses phrases des mots: « à mon humble avis ». (Et notez tous les mots de dégonflage insérés dans sa phrase célèbre: « on est peut-être quelque chose comme un grand peuple » !)

Alors lorsque, en mai dernier, les communicateurs du premier ministre libéral ont décidé de le présenter comme un « grand bâtisseur » du Québec, ils ont rendu leur chef vulnérable au pire des fléaux politiques: le ridicule. Mais hier, en annonçant l’achat d’Énergie Nouveau Brunswick par Hydro, il vient de poser le socle de ce qui pourrait supporter, s’il continue, sa propre statue. Un bon début mais, M Charest, un conseil:

Cet achat, structurant pour toutes sortes de bonnes raisons expliquées par les analystes, est un signe d’audace et d’ambition. Si HQ pouvait devenir le grand joueur en électricité du Nord-nord-est américain, cela ouvrirait le champ des possibles pour notre économie et pour l’environnement. Maintenant, si Jean Charest veut vraiment nous épater, qu’il complète cette ambition par une autre, parfaitement réalisable, de réduire presque à néant la dépendance québécoise au pétrole en quelques décennies.

petrole2030_vedette_verti_09-125x150Equiterre a publié à la mi-octobre Pour un Québec libéré du pétrole en 2030, (pdf ici) document fort bien documenté, qui montre comment les Québécois exportent à l’étranger, chaque année, 15 milliards de dollars d’achat pétrolier, plutôt que d’investir une partie de cette somme dans des sources locales d’énergie et de transport, donc dans l’emploi et la technologie d’ici. Le complément à la stratégie de production et d’exportation d’énergie électrique verte est la réduction, chez nous, de la consommation d’énergie noire. Alors épatez nous, M. le premier ministre !

(Post-scriptum: au sujet des « grands bâtisseurs », il vaut la peine d’aller voir le vidéo, toujours sur le site du PLQ, qui réussit le tour de force de raconter l’histoire de l’hydro-électricité au Québec sans même mentionner le nom de René Lévesque et en laissant entendre que Bernard Landry n’a rien fait en matière hydro-électrique. Ici encore, les communicateurs n’ont pas vu la frontière entre être partisan et être grotesque.)

(Photo wikicommons)