La maladie infantile de la CAQ

La futur-feue Action Démocratique du Québec aurait bien voulu, en se fondant dans le nouveau parti de François Legault, que le mot « Démocratique » soit inséré quelque part dans son nom: Coalition Avenir Québec.

Legault a dit non. Il n’en était pas question. Et cela est juste et bon. Car s’il y a un trou béant dans la création de ce nouveau parti, c’est bien l’absence totale d’esprit démocratique. C’est sa maladie infantile. C’eut été une imposture que d’inscrire le mot démocratique dans la CAQ.

Mais on ne croyait pas devoir y apposer le terme « anti-démocratique ». Or c’est bien ce qui vient à l’esprit dans l’opération de fusion en cours avec l’ADQ.

Ces jours-ci, les quelques 2000 membres restants de l’ADQ sont appelés à se prononcer sur la fusion avec la CAQ. La direction leur a envoyé toute l’information nécessaire et un argumentaire favorable à la proposition. Bien.

Mais s’il y a référendum, il devrait y avoir un camp du Non. Et il y a des opposants à cette fusion qui ont des arguments à faire valoir. Et le camp du refus n’est pas dirigé par n’importe qui, mais par le président de la Commission politique du parti. Pourtant, la direction de l’ADQ leur a refusé l’accès à la liste des membres.

Comme dans le bon vieux temps où Paul Desrochers, l’organisateur de Robert Bourassa en 1970, avait refusé de donner la liste des membres du PLQ aux autres candidats au leadership, jusqu’à la veille du choix des délégués qui choisiraient le chef !

Au PLQ, au moins, lorsque Mario Dumont et Jean Allaire ont claqué la porte, en 1992, pour ensuite fonder l’ADQ, ils ont eu le droit de s’exprimer, sur le plancher d’un congrès. Ils furent mis en minorité, c’est sur. Mais ils ont eu leur moment.

L’ADQ refuse aujourd’hui de réunir des délégués pour discuter de la disparition de leur parti. Refuse donc de donner leur moment aux militants qui s’opposent à cet hara-kiri politique et idéologique.

Bref, le Oui va gagner, et l’ADQ va se fusionner à la CAQ, dans un processus foncièrement antidémocratique. François Legault reste coi. Il trouve ça normal.

Aucun engagement requis !

C’est fâcheux, car ce bris de démocratie dans le socle de la CAQ (Deltell dirigera l’aile parlementaire), s’ajoute à une fondation qui n’a rien de démocratique.

Le directeur du Devoir, Bernard Descoteaux, l’exprimait bien au lendemain de la conférence de presse de création de la CAQ:

Ce qui me frappait , c’est qu’il n’y avait pas de population derrière François Legault. Normalement, quand tu fondes un parti, c’est que tu es porté par beaucoup de monde. C’était une conférence de presse. C’était comme quelqu’un qui fonde une nouvelle compagnie.

Une compagnie, le mot est juste.François Legault avait d’ailleurs comparé le jour du lancement de la CAQ à celui où le premier avion de la compagnie Air Transat, qu’il avait cofondé, avait quitté terre.

Il y a donc l’entrepreneur, Legault,  qui fait une tournée de promotion de son produit, qui réunit autour de lui des salariés venant d’autres entreprises (ADQ, PQ, PLC), pour qui Rebello est une « acquisition » et qui fait un appel de CV pour choisir, parmi les postulants, les meilleurs candidats. Et il y a de la demande: plus de 600 CV reçus !

Il y aura, plus tard cette année, un congrès pour abriller tout cela d’un couverture simili-populaire. Mais ces membres, d’où viennent-ils ? D’un site internet où ils peuvent acheter obtenir leur carte de membre: gratuitement !

Pas cinq, pas dix dollars: 0 sous ! C’est ce que vaut une carte de membre de la CAQ. C’est ce que vaux aussi une carte Air Miles, Métro ou Optimum. Aucun engagement requis.

On aurait voulu faire exprès pour souligner la nature commerciale, mise-en-marché, du nouveau parti qu’on n’aurait pas fait mieux.

La démocratie, à la CAQ, c’est mal parti. Merci à François Legault de n’avoir pas insulté notre intelligence en mettant ce beau mot dans le nom de son entreprise politique.

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Ajout: Dans un commentaire publié plus bas, la direction des communications de l’ADQ insiste pour dire qu’aucun argumentaire n’a été transmis aux membres par la direction, seulement la résolution adoptée par le comité exécutif de l’ADQ approuvant la fusion, le bulletin de vote et une lettre assez neutre du chef. Dont acte. Mais comme vous pouvez le lire dans ma réponse au commentaire, la résolution du comité tient lieu d’argumentaire.