La visite de monsieur Rien

Le Prince Charles est une publicité ambulante. Homme à la fois sandwich et orchestre, il incarne plusieurs messages à la fois. D’abord, le manque de jugement. La plus grande décision de sa vie a été de saboter son mariage avec Diana pour lui préférer la sémillante Camilla. C’est original, mais assez troublant pour ne lui confier aucune fonction qui suppose une dose de bon sens.

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Sa plus grande décision: larguer Diana pour Camilla. (Photo PC)

Ensuite, l’abolition de la monarchie. En ces temps démocratiques, on ne comprend vraiment pas pourquoi cet homme beige, incolore et inodore, devrait, plutôt que 100 000 plus brillants et intéressants que lui, devenir le symbole d’un État, même si le symbole confine à l’inutilité.

Et en ces temps de vieillissement de la population, il incarne finalement le caractère hyper-archaïque de la succession héréditaire. Quand les parents mourraient à 45, 50 ans, de jeunes rois pouvaient, sur le trône, représenter la force du présent et la promesse de l’avenir. Mais maintenant qu’une saine alimentation et qu’un régime strict de crumpets et de boeuf bouilli maintient votre mère, la Reine, en vie et encore fringante à 83 ans, l’attente de la succession gruge de l’intérieur quelque promesse de renouveau interne que vous puissiez encore détenir.

Charles a déjà 61 ans et il atteindra certainement l’âge de la retraite avant de pouvoir aspirer à son premier et seul emploi: Roi.  Or la mère de sa mère lui a longtemps projeté une éprouvante bande-annonce de son avenir. Elle est morte, en 2002. Elle avait 101 ans. Si Elizabeth II tient aussi longtemps, Charles ne sera Roi qu’à 79 ans. Vous avez bien lu: premier jour de travail à 79, juste à temps pour célébrer ses 80 !

Qui dit Monarchie dit guerres de successions, tous les lecteurs des Rois Maudits vous le diront. Or on nous rapporte que même la maman de Charles pense qu’il serait bon qu’on lui fasse sauter son tour. Dans Le Devoir de jeudi dernier, Norman Spector rapportait ceci:

Dans les pages intérieures du Telegraph, le journaliste Andrew Pierce expliquait que Sa Majesté mise désormais sur le prince William — un jeune homme qui ressemble fort à sa mère, feue la princesse Diana — pour assurer l’avenir de la monarchie. De plus, M. Pierce y remarquait le contraste entre la popularité du fils et l’impopularité du père.

Mais pour sauter de Charles à son fils William, il n’y a, écrit Spector, que deux manières: que le premier meure — mais ils sont tous en bonne santé– ou que…

le Parlement de Westminster et les Parlements des 15 autres monarchies du Commonwealth, y compris celui du Canada, légifèrent pour modifier l’ordre de succession.

Spector affirme que le prince William, 26 ans, est plus populaire au Canada que son père. Je veux bien le croire. Et il n’est pas certain que l’apparition sur internet et dans les gazettes de son membre viril lui nuisent dans toutes les couches de la population.

A mon avis, le principal argument favorable au remplacement de Charles par William est cosmétique. En effet, vous n’y aviez pas pensé, mais lorsque Elizabeth nous quittera, nous devrons remplacer son effigie sur nos cents et sur nos billets de 20 dollars. L’idée de se promener les poches pleines de photos de Charles constituera une forte motivation pour se débarrasser de la monarchie. Au contraire, si la Princesse Diana était devenue Reine, je gage que plusieurs pays auraient voulu se joindre au Commonwealth pour mettre la photo de la déesse/reine sur leur monnaie et lui faire ainsi prendre de la valeur.

Mais si nous sommes pris avec Charles, et ne voulons pas de l’image de Monsieur Rien dans nos porte-feuilles, reste la rupture: la fin de notre lien avec la maison d’Angleterre. Pas si vite ! Entre autre legs admirables, le grand démocrate Pierre Elliot Trudeau a reconduit dans la constitution de 1982 (jamais ratifiée par le Québec) l’article nommant le détenteur du trône d’Angleterre chef d’État du Canada. Pour se débarrasser de Charles, explique encore Spector, il faut l’accord d’Ottawa et de toutes les provinces. Toutes ? Toutes !

Revenons au Québec. Que faut-il faire, pour la visite royale de Charles ? Pour le RRQ, manifester contre ce représentant du reliquat de l’empire ? Certes. Il n’y a pas de mauvaise occasion d’exprimer son rejet de la monarchie. Mais à l’Assemblée nationale, un parti en phase avec l’opinion pourrait profiter du passage du prince-aux-grandes-oreilles pour annoncer 1) (s’il s’agit d’un parti souverainiste) qu’un Québec souverain élirait démocratiquement son propre chef d’État; 2) (dans tous les cas) que s’il est au pouvoir au moment du décès d’Elizabeth, il déposera dans les 10 jours un amendement constitutionnel abolissant le lien monarchique entre nous et le trône d’Angleterre.