Le français à Vancouver ? Bof !

welcome-to-vancouverJe suis ahuri. Je n’en crois pas mes oreilles. De la portion congrue du français à Vancouver ? Pas du tout. Ahuri de constater qu’autant de Québécois soient ahuris de la portion congrue du français dans un grand événement organisé ailleurs au Canada. Je m’y attends. Je m’y suis fait. Je trouve ça normal. Car je crois au pouvoir déterminant de la démographie. Je ne suis pas le seul. Voici ce que le secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf, avait à dire hier au sujet du français aux Olympiques (devant une Céline Galipeau qui avait vraiment l’air ahurie):

Je pensais que nous étions dans un pays où le français étant langue officielle au même titre que l’anglais, il n’y aurait pas de problème. Mais je me suis rendu compte que nous sommes dans une province très anglophone, où il y a à peine 1,7% de francophones. [En fait, 2,5%]

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Colombie-Britannique, langue maternelle parmi les non-anglos, 2006.

Ben voilà. Il ne faut pas chercher plus loin. Le français est quasi inexistant en

Colombie-Britannique. En fait, le français n’y est pas la première langue minoritaire. Vous le savez, c’est le mandarin. Il n’est pas la deuxième langue minoritaire, c’est le pendjabi. Il n’est pas la troisième, c’est le coréen. Il n’est pas la quatrième, c’est le tagalog, langue des Philippins. Il n’est pas la cinquième, c’est le vietnamien. Il n’est pas la sixième, c’est le perse. Le français y est la septième langue minoritaire.

Bon, vous me direz, c’est la Colombie-Britannique. Un micro-climat linguistique, balayé par les vents du Pacifique. Pourtant. Le dernier recensement, celui de 2006, a confirmé qu’un cap historique a été franchi dans le Rest of Canada. Pour la première fois de son histoire, au Canada-hors-Québec, le français n’est plus la première langue minoritaire. C’est vrai en moyenne. C’est vrai aussi dans le coeur du pays: l’Ontario. Le chinois y est désormais la  langue maternelle de 18% des non-anglophones, devant le français, avec 13%.

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Ontario, langues maternelles parmi les non-anglos, 2006.

La marginalisation démographique des francophones hors-Québec sonne lentement le glas de la place spéciale dont bénéficiait le français, depuis Pierre Trudeau et Brian Mulroney, dans l’univers canadien. Combiné au reflux démographique du Québec au sein de l’ensemble canadien — hier le tiers du pays, maintenant moins du quart, bientôt un cinquième — le fait français ne peut simplement plus maintenir la magnifique fiction qu’a représentée l’idée d’un pays bilingue. Ce pays qui, hors des bureaux gouvernementaux d’Ottawa et de Toronto, n’existe dans la rue qu’à deux endroits: à Montréal et en Acadie.

Comme au moment du rejet de Meech il y a maintenant 20 ans, lorsque la majorité de l’opinion canadienne rejetait l’idée de la reconnaissance du Québec, le pays canadien réel rejette aujourd’hui l’idée que le français est un élément important de la réalité canadienne hors-Québec. Ce n’est pas de la mauvaise volonté, moins encore de la méchanceté.  Le français est absent de leur vie sociale, économique, politique, culturelle. Pourquoi en deviendraient-ils des promoteurs sereins lorsque vient le temps d’exprimer ce qu’ils sont, dans une grande cérémonie. C’est trop demander.

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Des cerveaux fédéralistes ont vu venir le danger. Ils ont même compris que ces tendances démographiques pourraient mettre en cause la permanence de la loi fédérale des langues officielles. Les sondeurs du très regretté Conseil pour l’unité canadienne avaient donc testé cette hypothèse dès 2005, incluant deux questions dans leur sondage annuel, pour mesurer quelle serait l’étendue des dégâts politiques, lorsque la chose arriverait.

Ils avaient d’abord voulu savoir si l’abandon de la loi des langues officielles constituerait un changement majeur de la nature du Canada. 81% des Québécois ont dit oui. Puis, ils ont voulu vérifier si ce changement serait perçu négativement ou positivement. 86 % des Québécois ont jugé que ce serait un changement très négatif (64%) ou négatif. (Et je suspecte plusieurs séparatistes d’avoir répondu que ce serait un changement positif. Vous les connaissez…)

L’incident de Vancouver n’est qu’un des nombreux signes avant-coureurs d’une marée montante, celle d’un pays réel où le français ne fait plus le poids.