Le président de CROP nous écrit

Mes deux billets sur les errements de CROP ont convaincu le président de la maison de sondage, Alain Giguère, à nous envoyer la réponse que voici. Je la commente brièvement plus bas.

Le message et le messager
Par Alain Giguère, Président de CROP

Dans des moments d’intensité comme en vit le Québec, il y a des réalités qui dérangent. On le sait, le débat qui fait rage actuellement au Québec polarise énormément. Il faut toutefois garder une certaine perspective de manière à ce que les faits veuillent encore dire quelque chose.

Il est clair pour nous que les sondages sur le sujet sont des photos prises à des moments différents dans le temps et qu’ils reflètent de façon tout à fait fascinante l’évolution et la division des Québécois sur l’enjeu de l’heure au Québec. CROP s’est afférée à suivre cette mouvance avec sa rigueur habituelle. Le premier sondage a été réalisé au moment où ni nous ni le public ne connaissions tous les aspects de la loi 78. Nous savions qu’elle suspendait les cours, prévoyait un retour en classe en août et qu’il y aurait des amendes pour ceux qui empêcheraient le retour en classe. À ce moment, 66 % des Québécois étaient en faveur de la loi. La Presse et Le Soleil ont fait mention des limites de ces résultats.

Une semaine après, notre question sur l’appui des Québécois à la loi 78 donne un résultat de 51 %. Les Québécois ayant été informés des aspects plus « contraignants » de cette loi, l’appui a diminué. Fait intéressant, lorsqu’on décortique les questions de ce second sondage, tous les aspects qui étaient mentionnés lors du premier sondage recueillent autour de 66 % d’appui (et même plus dans certains cas). Ce sont les perceptions reliées aux libertés fondamentales des citoyens qui font baisser le résultat à 50 % (élément que nous n’avions pas sondé lors du premier sondage).

Il faut vraiment être de mauvaise foi pour voir dans ces résultats « des erreurs » de CROP. La situation a évolué, notre questionnaire aussi, les résultats conséquemment. D’ailleurs, si l’on met de côté un peu l’appui à la loi et si l’on ne s’attarde globalement qu’à l’appui aux étudiants ou au gouvernement, ce dernier obtenait 68 % d’appui lors du premier sondage, 64 % lors du deuxième. Deux sondages erronés de suite ?

Nous sommes en affaires depuis 1965, nous collaborons avec différents médias dont La Presse depuis 1969. S’il y a un aspect qui caractérise fondamentalement la culture corporative de CROP, c’est certainement cette passion du métier, de mettre en place les meilleures méthodes et outils, et ce, afin d’explorer avec le plus de finesse possible les besoins des gens, de la population, des citoyens et des consommateurs. Jamais il n’y a eu de raccourcis méthodologiques à CROP. Nous cherchons constamment les meilleures approches pour répondre le mieux possible aux interrogations de nos clients. Et si de surcroit nos travaux sont publiés, s’ils se retrouvent sur la scène publique, cette passion se transforme en obsession : celui qui nous publie, qui s’affiche avec nos résultats a droit au meilleur de nous-mêmes !

Sommes-nous infaillibles ? Qui peut le prétendre ? En affaires depuis 47 ans, il est clair que les lois de la statistique nous ont rejoints à l’occasion. Il est dit que dans notre métier nous pouvons nous tromper une fois sur vingt et CROP peut être fière d’avoir une moyenne au bâton bien en deçà de cette règle. Nous sommes plus que fiers du bilan de nos pratiques depuis toutes ces années.

Aussi engagés puissions-nous être à l’égard de nos travaux, à un moment donné ils nous échappent. Après publication, le public s’en empare et ils entrent dans l’arène politique. Ils viennent, sans qu’on le veuille, supporter le point de vue de certains acteurs, contrecarrer celui de certains autres. Les sondages encouragent ou dérangent. Ils deviennent le catalyseur des uns et le fossoyeur des autres.

Dans l’arène politique tous les coups sont permis, y compris de tenter de remettre en cause le messager, dans ce cas-ci le sondeur, quand le point de vue dérange. Nous, nous ne faisons pas de politique. Nous n’avons pas d’agenda, pas de jupon qui dépasse. Nous ne nous prenons pas pour Parsifal en quête d’absolu ! Nous faisons des sondages avec professionnalisme et passion.

Mon commentaire :

C’est une réponse qui n’en est pas tout à fait une. M. Giguère esquive complètement la question de la sous-représentation des 18-24 ans dans ses sondages — le reproche principal de mon premier billet. Il admet que CROP n’est pas infaillible. Mais il n’aborde pas le principal reproche du second billet : pourquoi, à des moments cruciaux, quand CROP sort du rang, c’est toujours en faveur du PLQ ?

J-F Lisée