Legault et la fiscalité: la « droite inefficace » !

417162-dores-avec-positions-m-legault-150x150Il y a très très longtemps, dans une galaxie politique très éloignée, François Legault se disait indépendantiste, québécois, et partisan de la « gauche efficace ».

La transformation est complète. Il est maintenant fédéraliste, « canadian », et dit « partager des valeurs avec Stephen Harper ».

Lors de son allocution à la Chambre de Commerce de Montréal ce mardi, Pauline Marois a disséqué les mesures fiscales proposées par M. Legault et a bien démontré qu’il était maintenant passé à la « droite inefficace ». J’invite mes lecteurs de centre-droit à y prêter attention, car c’est assez étonnant. Elle présente brièvement ses propositions et les compare à celles de la CAQ.

Extraits:

Globalement, notre objectif consiste à limiter la croissance des dépenses de l’État à 2,4 %. Cela veut dire qu’on va gérer de façon très serrée pour atteindre l’équilibre budgétaire. C’est un objectif très exigeant, mais j’en ai vu d’autres. Par exemple, le déficit zéro auquel j’ai participé dans le gouvernement de Lucien Bouchard. À l’époque, les dépenses ont subi une croissance négative. Je me suis fait beaucoup reprocher le déficit zéro depuis 15 ans, mais je n’ai jamais renié ces décisions qui ont demandé beaucoup de courage.

M. Legault, qui répète ce mot à toutes les deux phrases, ne manque jamais une occasion de renier le déficit zéro du gouvernement Bouchard. Cette attitude manque cruellement de courage. Pour François Legault, le courage c’est un mot, un slogan. Pour moi, c’est une réalité.

Voilà pour les dépenses : une croissance limitée à 2,4 % par année.

En matière de revenus, il y aura deux changements. Un nouveau régime de redevances minières inspiré de ce qui se fait dans plusieurs pays, comme l’Australie. Ce nouveau régime prévoit une redevance minimum liée à la valeur du minerai extrait et un impôt sur les profits excédentaires. La valeur des redevances accompagnera donc le prix du minerai sur les marchés mondiaux.

L’autre changement, c’est d’abolir la taxe santé en déplaçant les sources de revenus. On va demander aux contribuables qui gagnent 130 000 dollars et plus de faire un effort supplémentaire. On ne parle pas ici du revenu familial mais bien individuel.

Je signale que ce nouveau palier d’imposition restera moins élevé que celui d’Ottawa et à ce que je sache, personne n’accuse Stephen Harper de s’attaquer aux riches. Les gains en capital seront imposés à hauteur de 75 % au lieu de 50 %. Je ne m’en suis jamais cachée et je vous le redis très ouvertement. On va nous le reprocher dans certains milieux, mais il n’y a pas de cachette.

La CAQ dans le rétroviseur

Je vais vous surprendre. Alors que je surveillais la CAQ dans le rétroviseur de droite, figurez-vous que je me suis fait dépasser à gauche…

D’abord, M. Legault prévoit des dépenses supplémentaires de 3,6 milliards de dollars par année à terme. C’est presque quatre fois plus de dépenses que nous. Plus étonnant, M. Legault veut faire passer l’inclusion des gains en capital de 50 à 100 %. Je sais que c’est difficile à croire, mais vous pourrez vérifier à la page 4 de son cadre financier.
La totalité des dépenses fiscales de 416 millions liées aux gains en capital est soustraite. C’est une ponction deux fois plus importante que la nôtre. Ce matin, ils ont tenté de se justifier en disant que c’était 75 % comme le Parti Québécois, mais qu’ils allaient aussi imposer davantage les gains en capital des entreprises… Première nouvelle pour moi et sans doute pour toutes les entreprises québécoises.

M. Legault doit clarifier les choses aujourd’hui et nous dire où exactement il a l’intention de prendre ces 416 millions : dans la poche des particuliers ou dans celle des PME? Ce qu’on sait, c’est que la CAQ veut abolir les mesures fiscales pour les secteurs de pointe :
· 760 millions en recherche et développement;
· 233 millions pour le développement des affaires électroniques;
· 113 millions pour le multimédia.
Tous ces crédits d’impôt qui ont fait le succès économique de Montréal, la CAQ veut les faire disparaître.

Pour les PME, c’est encore pire. M. Legault voudrait abolir le taux réduit d’imposition. On parle de 468 millions de dollars en fardeau supplémentaire pour nos petites et moyennes entreprises. En tout, c’est 2 milliards en crédits d’impôt aux entreprises que la CAQ veut éliminer. Il veut prendre cet argent et le confier à Investissement Québec qui le distribuerait ensuite de façon discrétionnaire, au cas par cas. J’ai rencontré des centaines de chefs d’entreprise et jamais je ne vous ai entendus me faire une telle demande. Au contraire, vous demandez le climat d’affaires le plus compétitif possible sans avoir à défendre vos projets d’investissement au cas par cas, sans être à la merci de décisions arbitraires.

Nous sommes donc devant deux visions complètement opposées de la gestion des finances publiques et de la fiscalité des entreprises. M. Legault multiplie les promesses et les dépenses et il considère qu’il sait mieux que les dirigeants d’entreprise ou les entrepreneurs ce qui est bon pour eux. Je crois au contraire que l’État doit travailler avec les gens d’affaires et les entrepreneurs pour maximiser les politiques fiscales et vous aider à enrichir
durablement le Québec. Voilà pour les finances publiques et la fiscalité.

Étonnant, non ?

Maintenant que je vous ai mis en appétit, voici le reste du discours (sur lequel je n’ai pas travaillé, c’est pourquoi je le trouve si bon !):

L »indépendance énergétique

L’économie maintenant. Dans cette campagne, il y a un immense éléphant dans la
pièce. C’est notre déficit commercial de 25 milliards de dollars par année. Tous les
autres partis font comme s’il n’existait pas. Pourtant, on parle de 66 millions de dollars
par jour qui sortent de chez nous pour créer des emplois et de la richesse à l’étranger.

Cela représente une proportion énorme de plus de 7 % de notre PIB. On parle souvent
du déficit commercial des États-Unis qui en inquiète plus d’un. À 3,5 % du PIB, il est
deux fois moins important que le nôtre. C’est à mon sens le plus grand de nos défis
économiques. Nous devons absolument réduire ce déficit et viser à l’éliminer. C’est la
condition sine qua non de notre enrichissement.

Comment faire?
Nous proposons d’y arriver de diverses façons :
· en soutenant les secteurs de pointe qui exportent ce qui est produit ici;
· par l’indépendance énergétique;
· en investissant dans les transports en commun;
· avec une politique de souveraineté alimentaire;
· en gardant chez nous nos fleurons et leurs sièges sociaux;
· en soutenant nos PME;
· en misant sur la recherche et le développement.

Je reviendrai sur les secteurs de pointe, mais disons d’abord que le soutien le plus
puissant de l’État c’est justement les crédits d’impôt de 2 milliards que la CAQ veut faire
disparaître.

Il ne faut surtout pas faire ça, un gouvernement du Parti Québécois va les garder.
L’indépendance énergétique, maintenant. L’an dernier nous avons importé du pétrole
brut pour une valeur de 12 milliards de dollars. C’est presque la moitié de notre déficit
commercial. Nous devons remplacer ces importations de pétrole par des sources
d’énergie produite chez nous.

Ça prendra du temps, mais on doit le faire. Nous avons beaucoup d’hydro-électricité,
nous avons de l’énergie éolienne, solaire, la biomasse et un potentiel pétrolier. Nous
avons les sources d’énergie et il s’agit de voir comment nous pourrons les substituer au
pétrole importé.

Un gouvernement du Parti Québécois va donc adopter une nouvelle stratégie
énergétique. On peut imaginer les résultats si par exemple nos importations étaient
diminuées de moitié sur la base de l’année 2011 : il y aurait eu une injection de
6 milliards de dollars dans notre économie. C’est énorme.

Une des façons d’y arriver consiste à miser sur nos forces. Le transport en commun en
est une. Nous fabriquons des autobus, des voitures de train et tous nos investissements
dans le transport en commun se font chez nous.

Un bon système de transport permet d’accroître la productivité des personnes et le
mouvement des marchandises. Cela accroît notre attractivité aussi.

Comme je l’ai mentionné, un gouvernement du Parti Québécois va remettre de l’ordre
et des priorités dans les travaux d’infrastructures. Nous pourrons utiliser une partie des
immobilisations déjà inscrites au budget pour investir davantage dans le transport
collectif.
Voilà une belle façon de nous enrichir.

La souveraineté alimentaire

Je veux également qu’un gouvernement du Parti Québécois adopte une politique de
souveraineté alimentaire. En 25 ans, la proportion des aliments consommés issus du
Québec a chuté de 45 %.

En 1985, les quatre cinquièmes des aliments consommés par les Québécois
provenaient du Québec. Aujourd’hui, c’est seulement le tiers. Il faut changer ça. Si
chaque consommateur du Québec achetait 30 dollars de plus d’aliments d’ici par
année, les ventes gonfleraient de 1 milliard de dollars en cinq ans. À 90 dollars par
année, ce serait 3 milliards de dollars de plus qui demeureraient chez nous pour créer
de la richesse ici.

Si j’étais Jean Charest ce serait plus simple : je dirais aux Québécois de rajouter
50 cents par jour…

Garder nos fleurons économiques

Je me suis aussi engagée à ce que la Caisse de dépôt et placement crée un fonds
stratégique de 10 milliards pour garder nos entreprises et nos sièges sociaux chez
nous. On a encore quelques exemples récents de nos fleurons qui risquent de
disparaître.

Rona par exemple fait l’objet d’une offre d’achat hostile. Ce serait à mon avis très
dommageable de perdre le contrôle de cette entreprise, de perdre un siège social et de
mettre en péril les ventes des fournisseurs québécois de Rona. Si acheter Rona est bon
pour les Américains, pourquoi ce ne serait pas bon pour le Québec?

Tous les pays du monde prennent des mesures pour garder le contrôle de leurs
entreprises stratégiques. Même le très conservateur gouvernement de Stephen Harper
a bloqué la transaction impliquant PotashCorp en Saskatchewan. Le gouvernement
fédéral a pu le faire en opposant son veto, tout simplement.

Le Québec pourrait en faire autant s’il était un pays souverain. Ce serait beaucoup plus
facile, mais ce n’est pas une raison pour rester les bras croisés. Je veux bien que le
Québec se lance à la conquête du monde et joue le jeu du libre-échange. On est
capable de tirer notre épingle du jeu. On l’a prouvé, mais ne soyons pas naïfs et
prenons les moyens pour jouer à armes égales, soyons vigilants.

On ne voudrait pas, par exemple, perdre un de nos fleurons parce qu’un membre de la
direction déciderait de vendre son bloc d’actions sans le dire à ses associés…
M. Leblanc parle souvent des 16 grands sièges sociaux perdus à Montréal depuis
10 ans. Pour freiner cet exode, nous proposons de revoir la Loi sur les sociétés par
actions pour faire deux choses : préciser le rôle des administrateurs et dans un
deuxième temps renforcer leur pouvoir.

Les administrateurs doivent évidemment agir dans l’intérêt des actionnaires, mais
considérer aussi les intérêts plus larges de l’entreprise, comme ses employés et ses
fournisseurs. Nous voulons renforcer le rôle des administrateurs pour rendre beaucoup
plus difficiles les offres d’achat hostiles, comme cela se fait dans plusieurs États
américains qui font davantage respecter les décisions des conseils d’administration, par
exemple en Pennsylvanie.

Si nous voulons garder le contrôle de notre économie, on doit s’en donner les moyens.
C’est ce que nous allons faire!

Le fonds stratégique aura aussi pour mandat de soutenir des secteurs vitaux pour notre
avenir économique. Je veux développer une nouvelle filière industrielle porteuse
d’avenir : celle des transports propres. On a tous les éléments au Québec et dans la
région de Montréal : l’énergie propre, la fabrication de matériel de transport, la
technologie et notre grande capacité d’innovation.

Il ne faut pas délaisser les secteurs qui connaissent des difficultés et qui demeurent
névralgiques.

La science et la recherche

Malgré les mauvaises nouvelles des derniers mois, le Québec demeure un pôle
important de la recherche dans le domaine des sciences de la vie. Il est hors de
question que le Québec perde pied dans ce secteur de notre économie. Alors que se
poursuivent les négociations de libre-échange avec l’Europe, le gouvernement fédéral
doit en être bien conscient.

Pour nous, le secteur des sciences de la vie continuera d’être très important, d’autant
plus que nous pourrons miser sur deux hôpitaux universitaires à la fine pointe de la
technologie. Ça nous aura coûté assez cher, arrangeons-nous pour que ce soit
rentable!

Il y a nos fleurons, nos PME et nos entrepreneurs. J’ai annoncé qu’un gouvernement du
Parti Québécois allait créer la Banque de développement économique du Québec. Il ne
s’agit pas d’ajouter un organisme de plus. C’est le contraire : nous allons diminuer leur
nombre en créant un guichet unique de tous nos services d’investissements et de
soutien aux PME.

Nous allons aussi demander au gouvernement fédéral de nous céder les budgets de
développement économique spécifiques au Québec pour offrir un guichet véritablement
unique. Vous le savez, les PME c’est très important dans l’économie québécoise,
d’autant que nos fleurons de demain sont les PME d’aujourd’hui.

Même chose pour nos entrepreneurs. On va leur offrir un guichet unique et rajouter du
capital patient aux mesures de soutien fiscal qui existent déjà.

Voilà donc l’essentiel de notre programme économique :
· réduire puis éliminer le déficit commercial qui menace notre économie;
· investissements accrus dans les transports en commun;
· politique de souveraineté alimentaire;
· garder nos fleurons et nos sièges sociaux chez nous;
· soutenir nos PME et nos entrepreneurs;
· miser sur la recherche et le développement.

Il y a là une véritable vision à long terme pour enrichir le Québec et Montréal
durablement.

La culture

Dernier élément de notre programme qui n’est pas d’abord de nature économique, mais
qui y participe : la culture. Nous avons prévu donner un bon coup de main au secteur
culturel par diverses mesures. Par exemple, un soutien financier accru pour les
tournées à l’étranger qui permettent à nos artistes, et du même coup au Québec et à
Montréal, de rayonner dans le monde. Nous appuierons aussi davantage le Conseil des
arts et des lettres, ainsi que la SODEC. Nous mènerons à terme tous les projets
culturels déjà inscrits dans le cadre budgétaire du gouvernement.

La culture, c’est très important pour la nation québécoise et aussi pour notre économie,
notre rayonnement et notre fierté. On parle quand même de 97 000 emplois et des
retombées de 12 milliards de dollars. C’est très important pour Montréal. Tout le secteur
pourra compter sur notre appui sans faille.

Les propositions économiques de la CAQ sont différentes. Je n’ai jamais entendu M. Legault parler du déficit commercial, ce qui m’inquiète. En matière de transports en commun, il a décidé d’agir contre le consensus qui a été
patiemment forgé dans toute la région de Montréal. Tout le monde s’entend sur le plan de transport mais lui, il veut tout refaire à sa tête. Il veut aussi rejouer dans les structures de gouvernance à Montréal. Notre façon de voir les choses est complètement à l’opposé. Moi, je veux travailler avec les gens, pas contre eux. Le Plan de transport de Montréal, on va le mettre en oeuvre. Au lieu de multiplier les crises, on va aller chercher des résultats rapides et concrets pour Montréal!

Un gouvernement du Parti Québécois va créer un comité ministériel et il y aura un
ministre responsable de Montréal.

Je prends un engagement devant vous aujourd’hui : nous, Montréal, on va s’en
occuper.

En conclusion vous me permettrez de revenir sur les élections qui auront lieu dans huit
jours. Ces élections sont très importantes. Dans huit jours ce sera à nous, ce sera à
vous de choisir.

M. Charest dirige un vieux gouvernement fatigué et usé. M. Legault veut mettre le
trouble absolument partout et multiplier les crises.

Moi, je veux ramener la paix, remettre de l’ordre et obtenir des résultats pour les
Québécois. Je veux que Montréal soit une vitrine internationale pour le Québec. Je
veux que le français soit vu comme un atout, la culture comme une grande force.
Je pense à des entreprises comme Moment Factory qui nous rendent fiers. Je pense
aux avions que nous construisons, aux médicaments que nous inventons, aux jeux
vidéo que nous concevons et que nous exportons dans le monde entier.

Ce que je veux pour le Québec et pour Montréal, c’est nous affirmer, nous entraider et
nous enrichir.

Je souhaite que Montréal redevienne la métropole d’un pays riche, libre et indépendant.
Merci.