Les « faits troublants qui soulèvent des questions » de M. Charest

ASS: Delagation du QuebecPrenons le premier ministre au mot. Il ne savait pas. Il fut très étonné d’apprendre que son ministre Tony Tomassi avait eu une carte de crédit qui lui permettait de faire des emplettes pétrolières à même les finances de la compagnie BCIA, d’un de ses proches.

Et sitôt appris, sitôt mis dehors : du conseil des ministres et du caucus. Et hop ! à la SQ pour une enquête.

Passons sur le fait que cette histoire de carte est grave, mais pas davantage que celle sur le financement illégal, via des prête-noms, dévoilée par La Presse et pas davantage que celle, dévoilée par l’opposition péquiste, de la réallocation par le ministre d’un certain nombre de places de garderies à des entreprises faisant miraculeusement partie de son réseau.

L’important est que le premier ministre et chef libéral ait fait une gigantesque admission : il ne savait pas. Ce qui appelle plusieurs questions.

1) Qu’a-t-il fait pour savoir? Depuis des mois que des allégations sont faites sur le comportement de son ministre de la Famille, a-t-il mandaté quelqu’un — de son entourage, du Parti, de l’externe — pour poser des questions, rencontrer l’exécutif du ministre, interroger Tony lui-même ? A-t-il voulu savoir s’il y avait un peu de feu derrière toute cette fumée, pour connaître la vérité au moins quelques minutes avant les médias, l’opposition, le DGE ?

2) Si oui, qu’a-t-il appris ? Si non, pourquoi ne l’a-t-il pas fait ?

3) Et puisqu’il admet qu’il ne savait pas, que fera-t-il maintenant pour savoir s’il y a autre chose à savoir ?

4) Et puisqu’il admet qu’il y a des choses qu’on lui cache, qu’existent, selon ses mots, des « faits troublants qui soulèvent des questions », comment peut-il continuer à refuser que la lumière soit faite sur tous les « faits troublants qui posent des questions » dans le domaine de la construction et du financement électoral ?

Le premier ministre sait que le renvoi de Tony Tomassi creuse un trou de plus dans sa ligne de défense, dans sa crédibilité. Il a pris soin de virer son ministre pour un écart — la maudite carte — qui n’a aucun lien avec les garderies ou la construction. Ce n’est pas un hasard.

Le premier ministre, c’est du moins mon hypothèse, sait ce qu’il sait et sait qu’il y a des choses qu’il ne sait pas. Il semble préférer ne pas les apprendre, du moins pas par une commission d’enquête. Il sait qu’il en apprendra bien des bribes, via l’opposition, les médias, les enquêtes de la SQ, au cours des trois ans à venir.

Il fait toujours le même calcul : ce sera dur, mais ce sera moins dur qu’un exercice de torture à-la-Gomery.

Maintenant, il ne peut que gouverner à vue. Il compte les dodos jusqu’à la fin de la session parlementaire en juin. Il remaniera son gouvernement, fin juin ou fin août. Cela changera peu de choses, mais il n’a pas de meilleure carte à jouer. Il espère que l’été sera beau et que les Québécois se reposeront de lui, et lui des médias. Puis, viendra l’automne. Et quoi ? Ça, il ne le sait pas. Il verra. Et on verra avec lui.