Les Québécois et le Crucifix

502537156_80768fef54-150x150On apprenait ce vendredi que la chef de l’opposition à la Ville de Montréal, Mme Louise Harel, n’avait jamais remarqué qu’il y avait un grand crucifix dans la salle du Conseil.

« À dire vrai, a-t-elle dit au journaliste Karim Benassaieh de La Presse, c’est votre appel qui m’a fait réaliser qu’il y avait un crucifix. Ma foi, je trouve que c’est un accommodement raisonnable qu’il demeure là où il est. »

 

Il n’y a aucune raison de penser qu’une fois saisie, le Tribunal des droits de la personne ne demande pas le retrait de l’objet sacré, comme à la ville de Saguenay.

Le principe est clair: dans un lieu de pouvoir, gérant les affaires des tous les citoyens quels que soient leurs allégeances religieuses, un symbole religieux n’a pas sa place.

Ce qui renvoie, évidemment, au crucifix placé par Maurice Duplessis en 1936 dans le Salon bleu de l’Assemblée nationale. Pour connaître l’histoire et le contexte de cette décision, voir l’article de Jean-Pierre Proulx ici. (C’est Jean Drapeau qui avait placé celui de la ville de Montréal.)

Qu’en pensent les Québécois ?

J’ai retrouvé les résultats d’un sondage réalisé en juin dernier pour l’Association des études canadiennes.

Au total, 58% des Québécois souhaitent qu’il reste à sa place, 33% souhaitent le déplacer et le reste ne savent qu’en penser. Le plus étonnant est que ce niveau est assez stable, peu importe le groupe d’age, la langue, le revenu, le niveau de scolarité ou la région.

Ma théorie est que ce résultat est au moins partiellement explicable par la réaction anti-accommodements raisonnables d’une forte majorité des Québécois. Nos concitoyens ne seraient pas à un crucifix près s’ils n’étaient pas témoins d’une réinsertion du fait religieux par le biais des accommodements.

Le sondage les a aussi interrogés sur la présence des crucifix dans les écoles et dans les hôpitaux. Le résultat est presque identique: 54% oui, 41% non. Les francophones sont légèrement plus favorables, les anglos, moins.

Oui, mais, les signes religieux ?

Mais lorsqu’on leur demande si les employés des écoles et des hôpitaux devraient avoir le droit de porter des signes religieux au travail, la majorité change: 50% voudraient leur interdire, contre 46%. Chez les francophones, la majorité est plus nette: 54% pour l’interdiction, versus 41%.

Cela indique que le crucifix a valeur de symbole, un peu désincarné. Lorsqu’il s’agit de le porter sur soi, ou de porter d’autres symboles, les Québécois changent d’avis. Leur élan laïcisant s’exprime davantage.

Je n’ai pas vu passer de sondages sur la prière. (Merci de me les signaler si vous en voyez). Mais j’ai l’impression qu’on verrait aussi un décrochage. Oui pour le crucifix, symbole passif. Non pour la prière, élément actif.

Pour terminer, une anecdote.

Je ne me souviens plus pourquoi, mais la question de la prière a un jour été discutée au conseil des ministres, sous le gouvernement Bouchard.

Robert Perreault, ancien conseiller du Rassemblement des citoyens de Montréal (RCM), intervient : « Nous, au RCM, on a remplacé la prière par un moment de recueillement et ça n’a posé aucun problème ».

La réplique est venue de Bernard Landry: « Oui, le parti qui a fait ça a complètement disparu deux ans après mais, à part ça, il n’y a eu aucun problème… »