Obama dans son Spoutnik

sputnik1-150x150La tâche de Barack Obama, dans son discours sur l’État de l’Union ce mardi, était relativement simple. Il n’avait aucune grande réforme démocrate à proposer — rien de ce qu’il n’a pu réaliser depuis deux ans (bourse du carbone, réforme du code du travail) ne pourra l’être d’ici deux ans.

Il n’avait aucune illusion sur l’avenir des propositions qu’il allait évoquer pendant son discours (augmentation des budgets de recherche et développement, par exemple). La majorité Républicaine à la Chambre, qui refuse toute nouvelle dépense, va les déposer directement dans la déchiqueteuse.

Non, sa tâche était simple. Devenir Dwight Eisenhower, le président républicain modéré des années 50. Pourquoi ? Parce qu’il désire, pour assurer sa réélection en 2012, rallier derrière lui l’électorat démocrate et l’électorat modéré. Et ne laisser au futur (ou à la future) candidat(e) républicain la seule frange radicale de la droite — une frange extrêmement nombreuse, il faut le dire.

Obama a donc parlé comme un Républicain-bon-père-de-famille des années 50. Libre entreprise. Commerce international. Éducation. Un bon réseau routier (mis à jour avec les trains à grande vitesse). Une réduction du déficit et de la dette. Que de la tarte aux pommes.

À la clé, le « moment Spoutnik ». En 1957, en mettant en orbite le premier satellite, les Soviétiques avaient humilié les Américains et le président Eisenhower, et donné prétexte à la course à l’espace, donc au rebond scientifique américain.

Aujourd’hui, pour Obama, le moment Spoutnik est le fait que les Chinois ont désormais sur leur sol l’ordinateur le plus puissant au monde et détiennent le plus grand centre de recherche privé sur l’énergie solaire.

Des exemples qui n’évoquent en rien la consternation suscitée par Spoutnik en 1957 (mais qui devraient la susciter, l’élan de la Chine étant plus diversifié que celui, très ciblé à l’époque, des Soviets).

Le fait est que l’ensemble du discours n’était qu’une bande annonce. La pub du nouveau Obama. L’Obama II. Complètement différent de l’Obama I.

Obama I

La décision personnelle d’Obama, dès janvier 2009, de faire avancer tous les dossiers de réforme à la fois — relance, santé, énergie, réforme de Wall Street, travail, etc — était essentielle. Il probablement a réussi, dans le contexte politique qui était le sien, à réaliser le maximum de ce qui était réalisable avant l’élection de mi-mandat.

Cela a donné de lui l’image d’un président extrêmement activiste, prêt à tout chambouler, à accroître le rôle de l’État dans l’économie, à dépenser sans compter.

Ce qui l’a déphasé par rapport au centre de gravité politique du pays, et lui a aliéné les électeurs indépendants qui l’avaient appuyé en 2008.

Obama II

Le nouvel Obama n’a plus rien d’un activiste. Puisqu’il ne peut rien faire, il a choisi de s’installer dans le rôle de celui qui ne veut rien faire d’essentiel — surtout rien qui soit identifié à la gauche.

Dans son discours, il a insisté sur les thèmes les plus rassembleurs possibles. Il a tendu la main sur le plus d’aspects possible — sachant qu’elle ne serait pas prise par les Républicains, mais sachant surtout que c’est ce que les indépendants veulent entendre.

La danse qui s’ouvre, et qui durera deux ans, se déroulera entièrement sur le parquet du centre et du centre-droit. En acceptant, en décembre, de s’entendre avec les Républicains sur les baisses d’impôt en échange de plusieurs de ses dernières réformes (les gais dans l’armée, le traité START, entre autres), Obama a démontré aux indépendants qu’il était un bon danseur.

Les Républicains sauront-ils faire la même démonstration? Obama pense que non. Et que leur radicalisme, ou du moins leur aile radicale, va constamment les pousser dans le rôle des empêcheurs de danser.

Pendant ce temps, Obama-Eisenhower espère engranger les victoires tactiques, une à une, jusqu’à l’élection.

Voilà la bande annonce. Reste à produire le film.