Ouf ! Grrr ! Bruits post et pré-budgétaires à Québec

Ouf !

Le Premier ministre Charest et son ministre des Finances Bachand craignaient le pire. Eux qui ont avec Ottawa une relation d’haine-haine depuis des années, cauchemardaient à l’idée d’une nouvelle réduction de la péréquation (ils avaient déjà casqué d’un milliard il y a un an), de réductions dans certains transferts, ou alors d’une décision d’Ottawa de fouiller dans la poche des contribuables, ce qui l’aurait vidée avant que l’argentier québécois y passe.

L’inquiétude était suffisante pour que la vice-première ministre fasse une sortie mercredi pour s’en ouvrir, ce qui était inutile et instructif. Inutile, car le budget était déjà écrit. Instructif, car cela indiquait que les ponts étaient à ce point coupés avec Ottawa qu’on ne savait rien, à Québec, de ce qui se préparait.

Grrr !

MM Charest et Bachand font semblant qu’ils sont fâchés de ne pas recevoir le deux milliards de dollars de compensation pour l’harmonisation de la TPS demandés depuis… le gouvernement Bouchard. Font semblant, car il fallait croire au père Noël pour penser irriter Ottawa pendant un an puis être récompensé.

Non, ils font Grrr ! parce qu’Ottawa leur a enlevé quelque prétexte que ce soit pour justifier l’inaction, ou les demi-mesures, dans leur propre budget. MM Charest et Bachand sont renvoyés à eux-mêmes et au climat catastrophiste qu’ils ont créé ces derniers mois sur les questions fiscales.

Voici ce que disent les quatre économistes conseil qu’ils ont choisis, au sujet du scénario le plus probable du budget québécois, soit la trajectoire annoncée jusqu’ici :

[Ce scénario] permet de rétablir l’équilibre budgétaire en 2013-2014 – puisque c’est la base même de l’option analysée. Par contre, et en l’absence d’initiatives additionnelles, on constate la réapparition rapide d’un déficit structurel après cette date [et] l’alourdissement de l’endettement est réel. On est placé ainsi en 2013-2014 dans une situation que l’on ne peut considérer comme durable.

 

⎯ Aucune mesure n’ayant été annoncée pour rétablir un équilibre structurel entre les revenus et les dépenses, on assiste de nouveau à une dégradation des finances publiques.

 

⎯ Cela se produit alors que la situation financière du Québec est pire qu’avant la récession de 2009. La dette a augmenté de près de 30 milliards de dollars – soit de 18 % – en quatre ans.

 

⎯ En augmentant ses revenus, le gouvernement a défini une fiscalité encore moins compétitive par rapport à ses concurrents. En 2013-2014, chaque adulte québécois doit assumer des prélèvements additionnels de l’État de 1 200 $.

Les quatre économistes savent qu’ils ont élargi la marge de manoeuvre du gouvernement en allant plus loin que ce que le client demandait. Ce faisant, ils ont cependant aussi placé la barre de ce qui constitue, selon eux, une action responsable.  On peut être d’accord ou non (ils me convainquent sur l’objectif, pas sur les moyens). Mais ils ont coincé Charest sur sa droite. Il risque maintenant de décevoir ses alliés naturels et la portion de l’électorat qui, par inclination idéologique ou par conditionnement médiatique, rêve d’une «Révolution culturelle», donc de moins d’État.

L’heure de vérité de Jean Charest

Le ministre fédéral des Finances a donc offert au Premier ministre du Québec le cadeau de la page blanche. Il n’a pas nui, il n’a pas aidé. Il donne ainsi à Jean Charest son heure de vérité. Arrivé au PLQ en 1998 en clone de Mike Harris — voulant une «Nouvelle révolution tranquille» néo-libérale, Jean Charest s’est transformé après 2003 en une réincarnation de Robert Bourassa — le velléitaire incarné, sur toutes les questions sauf la souveraineté.

Ce blogueur pense que M. Charest prépare sa sortie. Elle se concrétisera fin 2011, début 2012. Le budget auquel il met la dernière main est donc sa dernière occasion de laisser une marque. Les budgets suivants seront déjà pré-électoraux. Il peut choisir la prudence, puisqu’il ne sera pas là pour ramasser les pots cassés, en 2013-2014. Ce serait plus simple. Moins de mécontents, moins de gens dans la rue. Ou il peut choisir l’audace et les grands travaux.

Quel que soit son choix, il y aura toujours des gens pour dire Grrr ! et Ouf ! Mais il doit décider ce qu’il dira, lui, lorsqu’il se regardera dans la glace, après huit ans de pouvoir.