Rentrée: L’annonce de la mort du PQ est-elle prématurée ?

091002falardeau-cercueil_4Dans sa lettre de démission de son poste de président du PQ de Montréal-Centre, l’ami Atim Leon écrit que « le PQ est en train de foncer dans un mur électoral historique ». On lit ailleurs qu’il pourrait ne se retrouver qu’avec 4 ou 5 députés lors des prochaines élections. Est-ce possible ? Oui, bien sûr.

Mais il faudrait pour y arriver que la situation politique qui prévaut en septembre 2011 reste inchangée jusqu’au jour du scrutin, qui pourrait ne survenir que dans deux ans. Il s’agirait d’une stabilité rare en politique québécoise.

Plus précisément, il faudrait:

a) que François Legault reste aussi populaire qu’il l’est maintenant, après tout ces mois d’exposition à l’opinion — et à la critique. C’est fort peu probable.

b) qu’aucune nouvelle péripétie concernant la corruption et la construction ne vienne rappeler à l’opinion le refus de Jean Charest de sévir. Alain Gravel est-il en année sabatique? Non.

c) que les souverainistes continuent à s’entredéchirer sans discontinuer. Là, je vous l’accorde, c’est possible.

Il est périlleux de tenter de préfigurer ce que sera le prochain débat électoral mais voici ce qu’on peut en dire aujourd’hui et pourquoi, dans ces conditions, le PQ y sera toujours compétitif.

L’élection tournera autour de trois ou quatre enjeux-clés et autour d’un thème: le changement.

Le changement

C’est la carte que détient François Legault. C’est peut-être la plus importante du jeu. Mais ce n’est pas un Joker. Elle n’emporte pas toujours la mise.

3chefs-150x150En 1998, Jean Charest fraîchement arrivé à la tête du PLQ détenait une avance considérable sur Lucien Bouchard (+13%) mais dilapida ce crédit dans une campagne désastreuse.

En 2005, André Boisclair incarnait le changement (47% d’intention de vote à son arrivée) mais n’arriva jamais à bâtir sur cet élan une image de premier ministre en devenir et se laissa doubler par Mario Dumont sur un thème essentiel: l’identité.

En 2007 et 2008, Mario Dumont incarnait le changement mais d’erreurs de communication en cafouillages, lui et son équipe inexpérimentée ont convaincu l’électorat qu’ils n’avaient pas le jugement nécessaire pour accéder au pouvoir.

En 2011 Jack Layton incarna le changement — il livra une campagne sans faute.

La question n’est donc pas: François Legault incarne-t-il le changement? La question est: pourra-il capitaliser sur cet élément ou va-t-il, comme bien d’autres avant lui, le dilapider en multipliant les faux pas ?

Personne n’est devin, mais le simple relevé de ses prestations non scriptées des derniers mois est éloquent.

Alors qu’il a fait du renoncement à la quête de souveraineté la condition du rassemblement politique qu’il veut créer, il affirme aux journalistes qu’il ne tiendra pas de référendum « dans un premier mandat » — ce qui laisse entendre que sa volonté souverainiste pourrait se déployer ensuite. Mais il revient vers les scribes une heure plus tard pour affirmer que, tout bien réfléchi, il ne tiendrait pas ce référendum pendant sa vie politique.

Alors que l’absorption de l’ADQ par son nouveau parti est une condition de sa future victoire, alors que le chef de l’ADQ, Gérard Deltell, fait le maximum pour laisser croire que leurs positions sont convergentes (ce qui, notamment sur la santé, est clairement faux), Legault laisse dire par un porte-parole que Deltell n’est « pas assez nationaliste » pour faire partie de son écurie.

Puis, il avise ses futurs candidats que son parti ne sera à Québec que pour un mandat, se libérant ainsi de la sanction électorale après l’adoption de ses réformes. Il se ravise le lendemain en déclarant que ce sera plutôt deux mandats.

Notez: la campagne n’est pas commencée et François Legault est seul à se contredire. Imaginons un instant les problèmes de cohésion lorsque l’équipe Legault comptera davantage de candidats.

Bref, tout laisse penser que la bulle Legault va se dégonfler, peut-être considérablement, redonnant de l’oxygène électoral aux deux autres acteurs principaux, le PLQ et le PQ. Dans ce contexte, les enjeux de la campagne reprennent de l’importance.

Mais il n’y a pas que le dégonflement de la bulle Legault qui joue au jeu du changement, mais le gonflement des promesses de changement venus des autres joueurs. On ne voit pas comment Charest pourrait en être le porteur (si, comme je le pense maintenant, il mène ses troupes au combat électoral). Mais il y a des potentialités du côté du PQ, ce dont je discuterai un autre jour.

Les enjeux

Je répète qu’il est risqué d’émettre des prévisions qui concernent l’avenir, mais je pense qu’on peut raisonnablement estimer que la prochaine campagne se jouera autour de quatre grands axes:

1. L’éthique, la probité, l’honnêteté.

Jean Charest est la victime de ce thème, et non son porteur. François Legault ne fait pas de ce thème une priorité. Il en parle à peine. Il ne le possède pas. Le PQ, au contraire, a tout fait pour se l’approprier. C’est son grand avantage au plan des enjeux.

2. La maîtrise des ressources naturelles

Jean Charest est ici encore la victime de ce thème, car suspect de brader les ressources. La bataille se fera entre Legault et Marois pour savoir lequel est le plus offensif dans la « reprise de contrôle » des ressources. Québec Solidaire participera à cette enchère.

3. La réforme de l’Etat

Jean Charest est aussi hors jeu sur ce thème. S’il avait pu réformer l’Etat, il l’aurait déjà fait. C’est le thème que Legault voudra imposer et incarner. Cependant son message est brouillé du fait que ses propositions ne sont pas particulièrement révolutionnaires et que le PQ en a de semblables. Il a quand même l’avantage de ce concentrer sur le thème.

4. L’identité

C’est le thème que le PQ voudra imposer. Il est seul sur la glace à ce sujet, avec des propositions fortes (transparence totale: j’y ai participé) allant d’un renforcement de la loi 101 à l’école et au travail jusqu’à une Charte de la laïcité, une réforme linguistique majeure de l’immigration et une citoyenneté. Charest est absent, sinon suspect, et Legault, dans son dernier document, a fait le choix des demi-mesures.

5. Les rapports Québec-Canada

Compte tenu de la détérioration, discutée dans un précédent billet, de la place du Québec au Canada, une partie de la campagne pourrait se jouer sur le parti le mieux à même de parler avec force. Charest et Legault se sont exclus de ce débat, le premier par un à-plat-ventrisme qui n’est que l’expression du réalisme pour un fédéraliste québécois, le second par sa décision d’agir dans le stricte pré-carré laissé au Québec, sans rien réclamer.

Quelle que soit la formulation que le PQ maintienne ou adopte d’ici l’élection — de la réclamation de nouveaux pouvoirs, à la concrétisation de la gouvernance souverainistes jusqu’à la promotion active de la souveraineté — le fait est qu’il est seul en piste pour rejeter le statu quo, donc le déclin politique du Québec, seul à proposer une opposition active au pouvoir fédéral conservateur honni.

Les thèmes absents:

Notons que la réduction de la dette ne semble pas vouloir s’imposer au centre du débat. Legault a une proposition limitée (verser la moitié des redevances à la dette), Charest minimise l’enjeu, comme le PQ. Il faudrait qu’il y ait, d’ici l’élection, crise de la dette pour que chacun doive se positionner.

De même, je ne crois pas que l’économie devienne un enjeu majeur, quoique ce sera la volonté de Charest de s’en faire le défenseur en jouant la carte du Plan Nord. Le problème est que la proportion de Québécois en emploi n’a jamais été aussi forte, que cette situation se maintiendra — voire s’améliorera — ces deux prochaines années est que cette condition est désormais considérée comme « normale » par l’opinion. Elle ne veut pas la changer et n’a personne à remercier. Quant au Plan Nord, il peut être porteur d’investissements et d’emplois, cependant il renvoit constamment à un des talons d’Achille de Charest: le contrôle des ressources naturelles.

Encore un fois, une nouvelle crise économique viendrait modifier la donne de façon importante.

Finalement, chaque parti aura bien sur des propositions sur la santé. Mais j’estime que, sur ce point, l’électeur québécois est aux abonnés absents. Il ne croit plus. Il n’écoute plus. Il s’attend au pire, c’est tout.

Un terrain compétitif

Bref, sur le plan du changement et sur le plan des idées, on se trouve avec une bataille à trois extrêmement compétitive et, sur le papier, favorable au PQ. En fait, la seule raison pour laquelle le PLQ est compétitif est sa chasse gardée de circonscriptions dominées par le vote non-francophone. C’est un élémént structurel, il faut faire avec. (Un avantage libéral qui augmenterait, il faut le dire, en cas de proportionnelle.)

Mais pour que le PQ et Pauline Marois puisse profiter des éléments qui peuvent jouer en sa faveur, il faut qu’ils sortent de la crise qui mine en ce moment la totalité de son message. C’est difficile. Ce n’est pas impossible. Mais c’est pour un autre billet.

 

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Vous lisez la série Rentrée politique 2011:

Déja parus:

1. La forêt qui cache l’arbre
2. L’annonce de la mort du PQ est-elle prématurée?
mercredi et jeudi:

3. Des Etats-Généraux? La recette de l’échec
4. Comment le PQ peut retrouver le chemin des électeurs