Santé aux États-Unis : entre colère et soulagement

50 % / 40 % – ou l’inverse

Voici ce que donne la moyenne des quatre sondages tenus depuis l’adoption, il y a une semaine, de la réforme de la santé américaine : 50 % contre, 42 % pour. Mais lorsque Gallup demande aux Américains si l’adoption de la réforme par le Congrès est « une bonne chose », la réponse s’inverse : 49 % oui, 40 % non.

Bref, comme les Québécois et la souveraineté. Ils se disent contre, mais croient que ce serait une bonne chose si ça arrivait ! Tout à coup, on se sent moins seuls…

Un quart de colériques

Le sondage du Washington Post de ce dimanche illustre à merveille le marais dans lequel se situe l’opinion publique. On y découvre que 26 % des Américains sont « en colère » contre l’adoption de la réforme, contre seulement 15 % d’« enthousiastes ». Il y a donc un bassin considérable de colère (un Américain sur quatre) qui explique les inexcusables menaces proférées, et les actes de vandalisme perpétrés, contre des élus démocrates ces derniers jours.

Les Républicains sentent d’ailleurs d’où vient le vent en promettant de renverser la réforme, soit au Congrès après la prochaine élection s’ils en sont capables, soit par la voie judiciaire : 46 % des Américains sont avec eux. Mais on est sur le fil du rasoir car en additionnant les partisans de la réforme (46 %) aux opposants qui ne veulent quand même pas d’un retour en arrière (5 %) la réforme retrouve, comme dans Gallup, sa majorité (51 %). C’est la force d’inertie au travail. (Notons qu’il est irréaliste de penser que les Républicains pourraient faire suffisamment de gains en novembre pour renverser la réforme aux deux chambres du Congrès — et obtenir la signature du président !)

Une opinion incrédule

On est cependant frappé de constater le niveau d’appui, même si ténu, à la réforme d’Obama lorsqu’on constate qu’aucun des messages favorables à la réforme n’est passé dans l’opinion.

*Obama (et le crédible Congressionnal Budget Office) affirment que la réforme va réduire le déficit : 65 % des sondés pensent le contraire.

*Obama jure — et c’est une certitude — que la réforme va améliorer la couverture des assurés privés actuels, car leurs compagnies ne pourront plus leur refuser des traitements : 80 % des assurés n’y croient pas.

*Pire encore, Obama promet — autre certitude — que la réforme va permettre aux non-assurés d’avoir enfin une couverture : 50 % d’entre eux refusent d’y croire.

En fait, le seul message à avoir été entendu 5 sur 5 est le refus des Républicains de faire des compromis : 63 % jugent qu’ils n’ont pas été de bonne foi dans le débat.

La réalité à la rescousse

Bref, la faiblesse de l’appui à la réforme tient pour beaucoup au refus de l’opinion de croire à ses bienfaits. C’est là que la réalité, du moins sur les nouveaux droits des assurés et des futurs assurés, peut livrer aux démocrates un regain de soutien. Si, dans les sept mois qui nous séparent de l’élection de novembre, le changement réel vient au secours de la réforme en en validant les promesses, les démocrates auront vraiment gagné leur pari politique. D’autant qu’ils ont maintenu la faveur de l’opinion pour les élections de mi-mandat (48 % Démocrates / 43 % Républicains chez les électeurs inscrits).

Sinon, ils auront — seulement — fait faire à l’Amérique un progrès majeur.