Unilinguisme: Don Macpherson strikes back!

600_macpherson_110908_430241-150x150J’ai eu droit, ce jeudi dans The Gazette, au traitement Don Macpherson. Le chroniqueur revient sur les billets consacrés ici à l’unilinguisme. Je vous propose une lecture commentée de son texte.

D’abord, le titre: Why the anglo-dinosaur hunt ? Now it’s trendy to ‘out’ them

Commentaire: le « outing » est l’acte de rendre public le nom de personnes auxquelles on reproche quelque chose. Personne n’a été nommé dans les billets de ce blogue sur le sujet qui n’étaient déjà dans le domaine public.

Sous-titre : Unilingual English-speakers are the exception, not the rule, but some people don’t want to hear that.

En fait, j’ai écrit ce qui suit: La question n’est pas de savoir si la majorité des Anglo-québécois sont bilingues. Ils le sont. La question est de savoir si on trouve aujourd’hui une quantité significative d’Anglo-montréalais, de souche ou d’adoption, qui prennent la décision de rester en marge de la majorité des Québécois.

Don commence son billet avec le cas de la Banque Nationale

When National Bank president Louis Vachon last week refused to fire a vice-president at National’s Montreal headquarters who doesn’t speak French, he said he « will not go English-hunting at the bank. »

Elsewhere, however, the sport of unilingual-anglo hunting is growing in popularity.

C’est tout ce que Don a à dire du fait que l’embauche de cadres unilingues anglais dans de grandes institutions montréalaises contraignent des salariés francophones à parler anglais au travail. Son seul avis est d’applaudir à la décision de Louis Vachon de ne pas agir avec trop de fermeté. Il poursuit:

Long restricted to captains of the Montreal Canadiens and clerks in stores on Ste. Catherine St., the hunt has recently been extended to holders of high federal office and managers in Montreal financial institutions.

High federal office signifie le vérificateur général unilingue récemment embauché à Ottawa et un juge unilingue anglais de plus à la Cour suprême. Don indique ici que la volonté de désigner à ces fonctions des personnes bilingues dans un pays officiellement bilingue équivaut à une « chasse ». C’est noté. Il continue.

And now even private citizens who do not serve a French-speaking public or have authority over Frenchspeaking employees are becoming fair game. Ironically, these unilingual anglos were first targeted by an English-language Montreal radio program.

Last week, the CBC’s morning Daybreak program discovered two anglophones living in the hipster-infested Mile End district who hadn’t learned French after several years in Montreal.

It declared the two a trend – « a new genus of 21stcentury unilingual anglophone » – and invited them into its studio for a gentler version of a Maoist-show trial and public shaming for refusing to learn French.

This led to a Twitter fight between myself and Daybreak that established that the program could neither prove that its « new genus » of wilfully unilingual anglos actually existed nor explain why it would matter to anybody but its own members if it did.

Le mot « genus » veut simplement dire « un groupe ». Dans le débat entre Don et Daybreak dans la gazouillosphère, Don était très fâché et insistait pour dire qu’il n’y avait pas la moindre « tendance » vers une résurgence de l’unilinguisme chez les jeunes anglos venus d’ailleurs pour s’établir dans le Mile-End. Évidemment, c’est très difficile à dire ou à quantifier. Mais Don aurait préféré que personne n’en parle. Comme si poser cette question était un crime commis contre le peuple anglophone.

Ma portion préférée ici est que Don se demande « pourquoi cela aurait de l’intérêt pour qui que ce soit » si cette tendance existait. Cela a à mon avis un grand intérêt. Ottawa ne cesse de nous vanter la qualité et la quantité de jeunes anglo-canadiens qui passent par les programmes d’immersion française à Toronto, Halifax et Vancouver. Qu’on trouve parmi ceux qui viennent s’établir à Montréal des éclopés du bilinguisme nous donne une information sur la pauvreté réelle de l’enseignement du français hors-Québec.

bilinguisme-anglo-canadiens

Ce tableau de Statistique Canada montre d’ailleurs combien le bilinguisme est en baisse chez les jeunes anglo-canadiens hors-Québec

Les témoignages concernant l’unilinguisme des jeunes anglo-montréalais ont encore davantage d’intérêt, selon moi, pour toute la société québécoise. Les commissions scolaires anglophones de Montréal n’arrêtent pas de nous dire qu’ils produisent, grâce à un effort colossal d’immersion et de francisation, des anglos bilingues. Et que, donc, les dinosaures du West-Island qui tiennent à leur unilinguisme sont une chose du passé, ou du moins n’existent que chez les anglos plus âgés.

C’est donc une information importante de savoir qu’au contraire, bon nombre de jeunes anglos qui ont fait 11 ans de scolarité avec français à la clé ne peuvent, en fait, soutenir une conversation en français. C’est un constat, non d’échec, mais de relatif insuccès. Étant proche du milieu de l’enseignement, on me confirme régulièrement qu’à McGill ou dans les cégeps anglophones, il y a deux catégories d’étudiants anglos nés à Montréal: ceux qui parlent bien le français et ceux qui ne peuvent soutenir une conversation. Puisqu’il s’agit des étudiants qui font des études supérieures, ils représentent la crème des étudiants anglo-montréalais. Ne devraient-ils pas tous avoir appris le français à l’école? Avions-nous tort de penser que l’acquisition d’une bonne connaissance du français était une condition d’obtention du diplôme d’études secondaires ?

Mais continuons à lire Don:

This, in turn, brought sovereignist strategist Jean-François Lisée galloping to Daybreak’s rescue. In his blog on L’Actualité magazine’s website, Lisée produced evidence in the form of an anecdote about a party in Mile End in a two-year-old magazine article.

Don fait allusion à l’article publié par Émilie Dubreuil en 2009. D’abord c’est Daybreak qui a signalé l’existence de cet excellent article dans son débat avec MacPherson. Mlle Dubreuil ne s’appuie pas sur « une anecdote au sujet d’un party ». Elle donne plusieurs anecdotes et affirme avoir observé une tendance montante dans le Mile End où elle habite.  « Cette histoire se répète inlassablement » écrit-elle. Don a lu l’article, c’est donc en toute connaissance de cause qu’il en dénature le contenu.

He [Lisee] also put out a call to readers to recount fresher anecdotes about anglophones who had moved to Montreal several years ago and still refused to learn French. The hunt for anglo dinosaurs was on.

Don laisse entendre que j’ai spécifiquement demandé des témoignages prouvant l’existence de la tendance. Lisez plutôt ce que j’ai écrit:

Chers internautes, aidez-nous à saisir l’ampleur — ou l’insignifiance — du phénomène. Dites nous si vous avez, personnellement, été confronté à un unilinguisme assumé de Montréalais venus d’anglophonie depuis plusieurs années et déterminés à le rester. Dites-nous si, personnellement, vous avez davantage de ces contacts aujourd’hui qu’il y a 5, 10 ou 15 ans.

J’ai donc demandé des témoignages positifs ou négatifs. Et, en effet, j’ai eu droit à quelques (rares) témoignages, que j’ai publiés, qui indiquent que le phénomène de l’unilinguisme est en régression. Don continue:

More than a hundred of Lisée’s readers reported their own sightings, and Lisée published « the cream » of their testimony in a subsequent blog post.

Never mind that Bill 101 was never meant to make everybody in Quebec speak French, any more than the federal Official Languages Act was meant to make everybody in Canada bilingual. So it is not actually against the law in Quebec for individuals not to speak French.

En effet, ce n’est pas contre la loi de ne pas être bilingue au Québec.  Cependant je reviens sur mon argument central. Beaucoup de témoignages recueillis attestent de l’existence de jeunes anglo-montréalais, donc qui ont été scolarisés depuis 1977, et qui n’arrivent pas ou décident de ne pas parler français. C’est problématique.

Témoignages aussi d’anglo-canadiens — jeunes, scolarisés, ouverts sur le monde — qui trouvent normal de passer leur vie à Montréal en demandant aux membres de la majorité de passer à l’anglais dans leurs interactions avec eux. Et qui sont agressifs lorsqu’on leur laisse entendre qu’ils devraient apprendre la langue de la majorité.

Poursuivons:

Well, not yet at least, though television personality Guy A. Lepage said recently it should be an « obligation for everybody » to do so.

Actually, Daybreak’s « new genus » isn’t new. There have been unilingual anglos living in Montreal for the past 251 years, since the British captured the city.

And, although it would have deprived him of a couple of blog posts, Lisée could have found more complete evidence of the presence of unilingual anglos simply by consulting the results of the 2006 census. It turns out that his readers missed quite a few of them.

There were 209,725 people living on the island of Montreal at the last census who spoke English but not French. And there were 262,810 in the Montreal census-metropolitan area, which also includes Laval and mainland suburbs.

Even so, it appears that unilingual-anglo Montrealers are what conservationists might consider a « nearthreatened » species. Statistics Canada couldn’t provide me with census data on bilingualism among anglos at the local level. But in 2006, 68.6 per cent of Quebec anglos, who are concentrated in the Montreal area, said they were bilingual.

That represented a steady increase, from 66.1 per cent at the 2001 census and 61.7 per cent five years before that. And it was twice the 35.8-per-cent bilingualism rate of French-speaking Quebecers, besieged as they are by the surrounding English-speaking hordes.

That’s an exceptional phenomenon. Try to think of another community of comparable size of speakers of the world’s dominant language, so many of whom have adopted a second language. And it began nearly a decade before the adoption of the first pro-French legislation in Quebec, when anglophones in St. Lambert initiated the first French-immersion classes in 1965.

Je me réjouis, avec Don, de constater que le taux de bilinguisme des anglos de la région de Montréal soit passé de 61,7% en en 1996, à 66,1% en 2001, puis à 68,6% en 2006. Ce qui fait une progression d’un demi point de pourcentage par an. Don exprime le fond de sa pensée lorsqu’il écrit qu’il s’agit là d’un « phénomène exceptionnel ». Don nous dit finalement qu’on devrait être très reconnaissant que deux anglos sur trois parlent le français.

Qu’une minorité linguistique dans un nation qui parle une autre langue soit aussi nombreuse à s’être donné la peine d’apprendre la langue de la majorité, il trouve ça magnifique. Moi, je trouve ça normal. La moindre des choses. Et j’ai un bon point de comparaison à lui donner: la minorité francophone hors Québec. Elle est bilingue à 84%.

Don conclut:

In fairness, it’s not always easy to spot bilingual-Montreal anglos.

Here’s another anecdote about language in Montreal: Sometimes I address a stranger in French, begin an exchange in that language and only realize after a while that I’m speaking French to another anglophone.

But then, nobody’s looking for those anglophones anyway. It seems to be more gratifying to hunt down the ones who still conform to old stereotypes for trophies, especially since they are getting to be harder to find.

La lecture de la chronique de Don est éclairante car il s’agit là d’un anglo-montréalais ouvert sur la réalité francophone. Pourtant, il est complètement froid devant le retour de la contrainte de parler l’anglais dans des divisions de grandes institutions financières francophones et complètement sourd aux témoignages en nombre écrasant de francophones affirmant qu’il est plus difficile aujourd’hui qu’il y a dix ans de se faire servir en français à Montréal.

Je crois tout à fait à son anecdote de deux anglos se parlant français entre eux. Je l’ai écrit, il y a de tout à Montréal. Mais j’ai personnellement ressenti l’hostilité de quelques commerçants et de préposés au stationnement du centre-ville de Montréal devant mon insistance à me faire servir en français. Il y avait là un rapport de force. L’anglo, devant servir sa clientèle majoritairement francophone, voulait m’imposer de passer à sa langue.

Les témoignages sur les enseignants (encore une fois jeunes et éduqués) qui se targuent de pouvoir vivre à Montréal sans jamais passer au français attestent, selon moi, d’un courant réel mais difficile à quantifier de volonté de dissociation avec la langue majoritaire.

Je pense qu’on n’a pas fini d’en parler.