30 ans après : le Canada, « qu’ossa donne » ?

13 %

C’est la remarquablement faible proportion de Québécois francophones qui estiment que « le développement du Québec a été facilité par son appartenance à la fédération canadienne ». Le double, 26 %, croient au contraire que ce développement a été ralenti par cette appartenance ; 41 % croient que cela n’a fait aucune différence et 20 % ne savent tout simplement pas quoi en penser.

Ces chiffres sont tirés du sondage CROP réalisé pour le compte de nos amis de l’Idée fédérale et dont les médias ont fait état ce mercredi. Le projecteur fut mis sur le fait que 58 % des Québécois estimaient le débat sur la souveraineté « dépassé ». Une proportion similaire aurait pu être trouvée en 1972, 1983, 1987, 2000. Chaque fois, ensuite, la souveraineté est redevenu d’actualité, puis majoritaire, brièvement en 1980, puis de 1989 à 1994, puis en 1996 et 2005. D’autres réponses attestent de l’indécision des Québécois et de leur propension légendaire pour l’entre-deux-chaises.

Mais à mon avis, ce sondage apporte un nouvel indice de la lente mais sûre désagrégation du lien canadien des Québécois. Que seulement 13 % des francohones (et 20 % de l’ensemble) affirment que le lien canadien fut une bonne chose pour le Québec est un terrible échec pour la cause fédéraliste. Que 67 % des francophones (62 % de l’ensemble) croient que ce lien fut néfaste ou sans effet atteste du découplement en cours dans les esprits entre le parcours québécois et le parcours canadien*.

L’an dernier, 55 % des répondants affirmaient à l’Idée fédérale que le Québec aurait fait mieux ou aussi bien que le Canada dans la crise économique. C’était déjà une nouvelle.

Une certitude : la décision de mai 1980 de rester au Canada et l’appartenance à la fédération n’a rien fait, selon les répondants, pour assurer l’avenir du français : 57 % de l’ensemble — et 67 % des francophones — estiment que l’avenir du français est moins bien assuré qu’il y a 30 ans.

Le reste du sondage, produit pour le 30e anniversaire du référendum de 1980, mesure la résignation des Québécois face à une situation qu’ils croient durablement bloquée. S’ils ne croient pas voir la souveraineté d’ici 30 ans, ils ne croient pas non plus voir un Canada réformé.

Mais les prédictions des uns et des autres nous disent toujours moins de choses sur l’avenir que l’évolution des tendances plus lourdes, comme j’en ai discuté ici, sur l’identité, l’estime de soi et, dans ce dernier sondage, sur l’état anémique de l’importance accordée à l’appartenance canadienne par les Québécois.

Bref, les Québécois ne voient plus très bien à quoi leur sert le Canada.

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*Merci à l’alertinternaute J. Côté-Paré pour avoir repéré une erreur de calcul, maintenant corrigée.

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !