À voir (ou pas): The Irishman de Scorcese et le docu Pour Sama

Peut-être mes attentes étaient-elles trop élevées. Il y avait Scorcese à la barre. Il y avait de Niro, un géant. Surtout Pacino, que j’ai toujours adoré. On allait nous raconter une histoire qui balaierait plusieurs décennies et s’étalerait sur 3h30 de cinéma. Pour moi, c’était très attractif.

Mon point de repère était à l’avenant. Le Parrain et ses suites, oui. Aussi Il était une fois en Amérique, de Leone, également de 221 minutes. J’ai écouté The Irishman jusqu’au bout. Ce n’est pas inintéressant. Grâce aux efforts de la technologie, de Niro est rajeuni pendant une partie du film. Ça marche.

Mais je voulais du passionnant. Je sais que de grandes plumes ont crié au génie, affirment que c’est le meilleur film de Scorcese. Peut-être ont-ils raison, mais j’inscris ma dissidence.

Aucun protagoniste ne nous prend aux tripes. Cela tient peut-être du caractère très minimaliste des émotions exprimées par ces truands peu loquaces. Le personnage de de Niro est placé dans une situation de conflit de loyauté extrême. On n’arrive pas à s’apitoyer sur son sort.

Les plus vieux savent qu’une des grandes énigmes américaines du XXème siècle réside dans la disparition du syndicaliste le plus puissant des États-Unis, Jimmy Hoffa. Le film de Scorcese s’appuie sur la confession tardive du malfrat Frank « The Irishman » Sheeran.

Case closed ? Pas du tout. Des experts du cas Hoffa mettent en pièce la thèse du film (et du livre). On peut lire notamment la critique publiée dans Slate par Bill Tonelli, qui accuse Sheeran d’avoir « tout inventé ». C’est convainquant.

On peut lire la réplique de l’éditeur du livre, Chip Fleisher, qui reprend ces accusations une à une. C’est également convainquant. Bref, on reste dans le noir.

Faut-il voir The Irishman ? Par respect pour Scorcese, de Niro et Pacino, oui.

Sur Netflix


Naître et grandir sous les bombes

Le documentaire For Sama, disponible en ligne (version arabe sous-titrée en anglais), offre une toute autre expérience.

Étudiante en cinéma, la jeune Waad al-Kateab est inscrite à l’université d’Alep, en Syrie, alors qu’éclate les premières manifestations contre le régime Assad. Pour les étudiants, cette révolte est une fête. Mais le régime syrien se défend et, avec l’aide de l’aviation russe, s’acharne sur Alep, devenue symbole de la résistance.

Waad al-Kateab filme ce processus. Elle marie un des médecins qui tiennent l’hôpital d’Alep et ils ont une fille Sama, à qui le film est dédié. Le documentaire n’est ni politique, ni militaire. Il éclaire le quotidien d’une population, et d’un bébé, dont la vie est constamment interrompue par des bombardements. Le contraste entre l’éveil de Sama, les moments de calme, l’aménagement d’un jardin derrière la maison d’une part, et les scènes de carnage d’autre part donne au film une qualité singulière.

La famille de Sama, comme plusieurs autres, est déchirée. Il est possible de s’échapper de l’enfer d’Alep mais, alors, n’est-ce pas une désertion face aux autres, qui restent et résistent ? Pour Sama est donc un témoignage sur l’expérience humaine de la guerre.

Il y a bien un moment où on voudrait en savoir plus. al-Kateab et ses amis sont de toute évidence des laïcs. Arrive un moment où elle arbore le hidjab. Elle explique que « les fondamentalistes tentent de prendre le contrôle de la rébellion », mais on n’en saura pas plus.

Récompensé cet été à Cannes comme à South by Southwest, je recommande chaudement For Sama


La bande annonce de ma dernière balado Lisée101:

La bande annonce d’une récente balado Lisée202:

 

 

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !