Antisémitisme: le modèle québécois encore derrière l’Ontario

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Nombre d’actes antisémites commis au Québec / en Ontario en 2009.

Il n’y a rien à faire, le Québec est toujours à la traîne. Ce mercredi, comme chaque année, le B’nai Brith a rendu public son relevé des incidents antisémites commis au pays.  Les communautés juives étant les plus présentes au Québec et en Ontario, c’est là que le nombre d’intolérants est le plus grand. Un seul acte antisémite en est un de trop, mais ces chiffres sont intéressants en regard du procès permanent d’antisémitisme fait au Québec. On trouvait encore la semaine dernière cette perle, de Lorne Gunter, chroniqueur politique régulier du National Post.

Il y a toujours un important élément « pure laine » dans le mouvement souverainiste qui veut un Québec indépendant précisément pour y réduire l’influence des Juifs, des anglophones et des immigrants.

Je m’étais intéressé de près à ces questions, dans les années 1990, quand Mordecaï Richler décrivait le Québec dans les gazettes américaines comme une endroit tribal, obsédé, hautement anti-sémite mais avec de bons restaurants. J’avais noté le phénomène: en termes bruts, la vie est significativement plus dure pour la communauté juive en Ontario qu’au Québec. C’est injuste en soi, et injuste en mathématiques, puisque les Ontariens sont plus nombreux que nous.

Or, même ramené en proportion de la population, les Ontariens sont plus enclins aux gestes antisémites que les Québécois. En 2009, il faudrait qu’on ait recensé au Québec une trentaine d’actes de plus pour que l’intensité soit la même dans les deux provinces. Ou autrement calculé, les Ontariens auraient dû en commettre 50 de moins pour s’ajuster au niveau québécois.

Il y a donc un paradoxe, car historiquement les Québécois expriment aux sondeurs davantage d’opinions antisémites que ne le font les autres Canadiens. Le récent sondage de l’Association d’études canadiennes, déjà cité ici, donne cette ventilation des opinions très défavorables exprimées par les Ontariens et les Québécois envers des minorités.

Les Ontariens ont une opinion «très défavorable» :

5,5% des Amérindiens
5,2% des francophones
4,0% des immigrants
2,1 % des Juifs

Les francophones, eux, ont une opinion «très défavorable» :

6,5%  des Juifs
4,0% des Amérindiens
3,3% des immigrants
1,5% des Canadiens-anglais

Cette inversion est en soi intéressante. Les Canadiens-français sont les Juifs des Ontariens.

Plus intéressant encore: même si les Québécois avouent en bien plus grand nombre que les Ontariens une opinion défavorable des Juifs, ils sont moins enclins que les Ontariens à passer à l’acte antisémite.

Pour une fois, il faut féliciter les Québécois d’être des grands parleurs, mais des petits faiseurs… et espérer qu’ils ne soient ni l’un ni l’autre.

Note en petits caractères :

Les billets « Temps durs pour les détracteurs du modèle québécois » ne prétendent pas que tout est parfait au Québec, tant s’en faut. L’auteur a d’ailleurs proposé, dans ses ouvrages et sur ce blogue, des réformes nombreuses et importantes visant à surmonter plusieurs des importants défis auxquels le Québec est confronté. Cependant, la série permet de percer quelques trous dans le discours ambiant qui tend à noircir la situation globale du Québec qui, pourtant, affiche d’assez bons résultats comparativement aux autres sociétés semblables.
Ce contenu a été publié dans Temps dur pour les détracteurs du modèle québécois par Jean-François Lisée, et étiqueté avec . Mettez-le en favori avec son permalien.

À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !