Canada-Europe: oui à l’emploi, non à la dictature du marché

L’extrait de mon discours du CORIM du 11 février portant sur l’accord de libre-échange Canada-Europe

Verbatim : 

Parlons d’abord commerce et politique commerciale et de l’accord commercial Canada-Europe en voie de négociation.

Sur cette tribune, en avril dernier, Mme Pauline Marois avait évoqué à la fois son appui au principe de l’entente, mais son inquiétude sur plusieurs de ses modalités. D’abord elle dénonçait le manque de transparence jusqu’alors affiché par les gouvernements canadien et québécois dans la négociation.

Depuis notre élection, mon collègue Nicolas Marceau et moi avons innové en donnant aux membres de la société civile un accès direct à l’équipe québécoise de négociation. Deux séances d’information ont eu lieu, une première en octobre et une seconde le mois dernier, lors d’une longue conférence téléphonique ouverte à une cinquantaine de groupes intéressés. Le négociateur, Pierre-Marc Johnson et son équipe ont aussi rencontré plusieurs des acteurs principaux au cours des mois et, en décembre, les porte-parole de l’opposition, pour répondre à toutes les questions.

Plus généralement, nous avons fait en sorte que la négociation respecte les balises strictes que nous avons posées. Notre objectif, dans les négociations commerciales, est certes de rendre nos entreprises plus actives dans le monde, et ainsi créer davantage d’emploi au Québec. L’accord en voie de négociation avec l’Europe éliminerait des tarifs douaniers allant de 6 à 14% sur plusieurs de nos produits exportés en direction d’un demi-milliard de consommateurs. Cela donnerait à notre économie un avantage concurrentiel considérable.

Mais notre intérêt pour l’ouverture réciproque des marchés s’arrête lorsque les ententes menacent notre capacité, en tant que démocratie, de faire nos propres choix de politiques publiques. Ce n’est pas négociable.

L’éducation, la santé, l’eau, la gestion de l’offre, rien de cela n’est négociable ou en voie de négociation. Rien dans l’accord n’incite nos gouvernements ou nos villes à privatiser quelque service que ce soit. Rien n’entame notre capacité de favoriser des choix sociaux ou environnementaux. Il s’agit tout au plus de permettre à des entreprises européennes d’entrer en compétition avec des entreprises québécoises et canadiennes pour un plus grand nombre de contrats qu’auparavant, mais dans le cadre légal québécois d’aujourd’hui et de demain. Et, oui, les entreprises européennes, comme toutes les autres, seront soumises à la loi 1 sur l’intégrité dans les contrats publics.

Nous avons longtemps été très choqués du fameux « chapitre 11 » de l’ALENA qui donnait aux investisseurs la capacité de poursuivre un gouvernement qui aurait modifié sa politique environnementale, par exemple. Permettez-moi d’être un peu technique pour une minute, mais le sujet l’exige.

Depuis l’ALENA, cette capacité a été sévèrement balisée. Une entreprise ne peut plus se plaindre de modifications législatives ou réglementaires, ni de changements au régime de la propriété intellectuelle. L’investisseur ne peut plus prétendre à un recours punitif. La période où sa plainte peut être déposée est réduite. Le processus est désormais transparent. Pour l’essentiel, il ne s’agit plus maintenant que de permettre à l’investisseur de contester spécifiquement une mesure vexatoire ou arbitraire qui lui causerait un tort direct.

C’est ce canevas, de bon sens, que nous défendons au sein de la négociation en cours et dans toutes les autres.

Nous avons également établi avec force que nous ne pourrions signer un accord si nous n’étions pas satisfaits des clauses qui protègent la culture. C’est pourquoi nous avons travaillé de concert avec la Coalition pour la diversité culturelle. Nous nous sommes assurés que leurs experts et les nôtres soient pleinement convaincus que le libellé adopté offrait à notre action culturelle une solide protection.

9 avis sur « Canada-Europe: oui à l’emploi, non à la dictature du marché »

  1. La véritable raison d’être des accords de libre-échange est de réduire le pouvoir des états de réglementer de façon à faciliter l’expansion des entreprises.
    En autant que ces accords se limitent au commerce, ils ont un côté fort positifs. Mais de plus en plus, ils s’intéressent à bien d’autres secteurs : l’industrie, la finance, l’agriculture, les services publics, l’eau, l’environnement. Telle une pieuvre, le libre-échange étend son hégémonie dans tous les secteurs d’activité et tente de paralyser l’action réglementaire des gouvernements.

    • le problème étant? Le secteur privé est synonyme d’innovation et de réduction des couts; le secteur privé est synonyme de stagnation et de couts élevés

  2. Le terme « libre-échange » est une trouvaille qui, en fait, ne reflète en rien la réalité.
    Le libre-échange n’existe pas dans les faits.
    Deux, trois ou plusieurs états négocient des ententes d’échange de biens et services. Ces négociations conduisent à un traité d’échange qui est alors entériné par les états concernés. L’échange de biens et services ne touchent que les biens et services qui en font partie. Il y a toujours des biens et services qui sont exclus. Alors le terme de « libre-échange » est menteur et sert plutôt à vendre le tout à la population. En effet, qui oserait s’opposer au « libre-échange? Surtout que, à des fins de propagande, on lui oppose le terme de « protectionnisme » qui évoque le repli sur soi.

  3. Bonjour
    Ce qui me fait peur dans le dossier, c’est que les produits du Québec ne soient pas reconnus avec toutes leurs spécificités, y compris l’empreinte carbone. C’est un énorme avantage comparatif sur un marché européen réglementé. Si les produits ne sont reconnus que comme « canadiens » c’est l’empreinte carbonique canadienne » beaucoup moins intéressante qui y sera accolée.

  4. Le marché, c’est vous, c’est moi, ce sont les actions (et les non-actions) de tous les humains à chaque jour. « dictature du marché » est un terme misanthrope qui révèle une nature plutôt autoritaire de son auteur, parce que la seule autre alternative est le dirigisme gouvernemental

  5. J’ai travaillé en inspection des viandes durant 15 ans comme vétérinaire.

    Je n’ai jamais signé en 15 ans un seul certificat d’exportation de viande en direction de l’Europe, que ce soit de la viande bovine, porcine, ou autre. Ce, dans les temps ou le prix d’un kilo de viande porcine rapportait au producteur à peine 95¢, alors que leurs producteurs en récoltaient 2$ le kilo.

    Les entreprises qui pouvaient se classer comme étant reconnu par l’union européenne en vu d’exporter des produits de viande se comptaient sur les doigts d’une main au niveau canadien, à cause de la sévérité des normes. Ils avaient toutes sortes de restrictions qui sont trop longues à énumérer, quand ce n’étaient pas le design des usines de transformation jusqu’aux médicaments qui sont utilisés au Canada.

    Je ne suis pas optimiste en ce qui regarde le libre échange avec l’Europe. Mon expérience à cet égard est plutôt négative. À mon avis, même si l’accord est signé, attendez-vous à voir ressurgir toutes sortes de freins à nos exportations.

  6. Que l’eau et les services publics soient protégés, ça c’est effectivement crucial.

    Le chapitre sur les poursuites des entreprises face aux gouvernements, aussi!

    Merci de clarifier ces points importants!

  7. Bonjour,

    Je viens de parcourir les documents emis lors de l<annonce de la n/gociation union europeenne-Etats-Unis.

    Il mettent en lumi'ere les rendements dans les 10%-20% qui pourraient provenir de l<harmonisation de la reglementation dans divers secteurs qu<ils enumerent et soulignent que ces rendements sont de beaucoup plus importants que ceux decoulant de la disparition des tarifs ( dans les 4%)

    Il me semble que l<on passe rapidement sur ces volets de l<entente Canada-Europe.

    Domaine difficile. Serons nous dans une situation ou nous devonr subir ulterieurement les pressions am/ricaines pour leur offrir les memes conditions que celles qu<ils auront negocie avec les europeens.

    Rendement plus eleve du cote de l<hamonisation de la reglementation signifie pressions significatives d<harmonisation pour nous.

    On attend pour en parler, ou on prepare les << interesses<< en en discuttant un peu plus.

    Bien a vous,

    Pierre-Paul Proulx
    Professeur Honoraire,
    Universite de Montreal.

  8. Dommage que vos collègues du PQ ne semblent pas avoir lu le passage de votre livre « Pour une gauche efficace » traitant de l’éducation et des frais de scolarité. Vous devriez leur en glisser une copie avant le sommet.

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