Ce que le NPD peut apprendre du PS français

primaires_socialistes01En mars prochain, le NPD choisira la personne qui aura le plus de chances de remplacer, au prochain scrutin, Stephen Harper.

Pour l’instant, seuls les 86 000 membres en règle du NPD ou les gens devenus membres d’ici février pourront participer à cette décision.

À mon avis, cela ne suffit pas. Le Parti socialiste français vient de donner une recette beaucoup plus intéressante pour ouvrir le processus de sélection à une population plus large pour ainsi donner un réel élan au futur porte-étendard du combat contre la droite.

Qu’on en juge. Aux dernières nouvelles, le Parti socialiste français comptait 200 000 membres. Plus de 14 fois ce nombre, 2,8 millions d’électeurs, ont participé à la primaire. Donc se sont engagés personnellement dans le processus. Donc se sentent propriétaires du résultat.

La légitimité du chef ainsi désigné est, c’est le cas de le dire, décuplé.

Si le NPD réussissait le même exploit, plus de 1,2 million de Canadiens entreraient dans un bureau de scrutin pour choisir le futur chef de l’opposition.

Comment ça marche ?

Pour voter aux primaires socialistes, il suffisait :

1) d’être inscrit sur la liste électorale ou de prouver qu’on aurait 18 ans le jour de l’élection;

2) de verser un don volontaire d’au moins un euro (1,30 $);

3) de signer la déclaration suivante: « Je me reconnais dans les valeurs de la Gauche et de la République, dans le projet d’une société de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité, de justice et de progrès solidaire. »

On voit l’avantage. Beaucoup d’électeurs de la gauche au sens large — centristes, écologistes — se sont présentés aux urnes pour peser sur le résultat.

Des électeurs de droite, venus fausser le jeu ? Sûrement un certain nombre, mais il fallait qu’il se pince le nez en versant une aumône à l’adversaire et qu’ils se parjurent en signant la déclaration.

Au Canada, combien de libéraux progressistes se déplaceraient pour participer, et ainsi faire un pas, le premier de leur vie peut-être, vers le NPD ? Et est-il indispensable d’ajouter que le PS ne s’est pas gêné pour vendre des cartes de membres pendant le scrutin ?

Combien de gens, sachant qu’ils allaient ou simplement pouvaient participer, ont porté davantage attention aux propositions des candidats, aux débats, aux résultats ? Même pour ceux qui ne se sont pas déplacés, le simple fait d’avoir eu le droit de participer est un gain — pour eux et pour le Parti.

Le problème québécois

L’adoption par le NPD de cette innovation démocratique lui permettrait de contourner l’énorme problème qu’il vient de se créer avec son électorat québécois. On sait que le NPD ne compte en ce moment que 1 700 Québécois parmi ses membres.

Ce qui signifie que le Québec, grâce à la vague orange, forme 57% de la députation néo-démocrate mais, à cause du manque de tradition partisane, seulement 2% des membres.

Le fait que la direction du NPD ait refusé de considérer une règle qui aurait corrigé ce déséquilibre est, en soi, très troublant, à la fois pour le simple principe d’équité et pour son intérêt réel envers l’engagement du Québec dans le processus de sélection du futur chef.

L’adoption du principe des primaires aurait pour effet d’élargir le processus et de mettre tous les citoyens canadiens, y compris québécois, sur un pied d’égalité. Bien évidemment, le NPD mobiliserait davantage d’électeurs dans les provinces, comme la Colombie Britannique, où ses réseaux sont impressionnants. Cependant, rien n’empêcherait les syndicalistes, progressistes, voire les bloquistes québécois de gauche de décider de participer.

Ce serait un beau geste. Pour la démocratie surtout. Pour le Québec aussi.

Ce contenu a été publié dans Le NPD et le Québec par Jean-François Lisée. Mettez-le en favori avec son permalien.

À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !