Ce que le Québec doit au Kosovo

KosovoAP_450x300-150x150Projetons-nous dans l’avenir. Après le prochain référendum, gagnant, sur la souveraineté.

Dans l’hypothèse où le parlement fédéral, appliquant la loi C-20 qui lui donne droit de veto sur l’avenir du Québec, refusait de reconnaître la décision des Québécois, la Cour internationale de justice (CIJ) reconnaîtrait-elle une Déclaration unilatérale d’indépendance émise par l’Assemblée nationale du Québec ?

La réponse est Oui, selon l’analyse que présente le juriste André Binette, qui avait préparé la défense du Québec devant la Cour suprême du Canada avec Me André Joli-Coeur.

Sur le site de l’aut’Journal, Me Binette énumère les précédents créés le 22 juillet dernier par la CIJ qui pourraient, après demain, servir le Québec.

1. Normalement, seuls les États déjà souverains peuvent plaider leur cause devant la CIJ. Or, pour le Kosovo, la CIJ s’est donnée le droit de convoquer les représentants kosovars pour entendre leurs arguments (et les retenir).  Un précédent qui s’appliquerait comme un gant au gouvernement québécois.

2. La Serbie, opposée évidemment à l’indépendance de son ex-province, prétendait que le droit interne serbe, la constitution serbe, interdisait au Kosovo de devenir souverain. Exactement ce que dirait le Canada si le parlement canadien refusait de juger suffisante une majorité de oui à 54%, par exemple, ou si une province sur 10 refusait d’entériner un amendement constitutionnel légalisant l’indépendance québécoise.

La CIJ a rétorqué qu’elle n’avait tout simplement pas à se préoccuper du droit interne et que sa réponse ne s’appuyait que sur le droit international. Pour le Québec, cela équivaudra(it?) à rejeter la loi C-20 de Stéphane Dion là où elle doit être mise: aux poubelles de l’histoire.

3. L’avis de 1998 de la Cour Suprême du Canada (qui, chemin faisant, a fait très mal au camp fédéraliste) est-il, dans les restrictions qu’il pose au cheminement indépendantiste québécois, une référence en droit international ? Non, répond la CIJ. L’avis de la Cour canadienne est trop restrictif. Il tente d’établir une règle de droit affirmant à quelles conditions une déclaration unilatérale est acceptable alors que, selon la CIJ, le simple fait que cette déclaration ne soit pas prohibée en droit international suffit.

4. On rétorque souvent que le Québec ne peut proclamer son indépendance sans l’accord d’Ottawa car il n’est pas une colonie et n’est pas opprimé par une puissance étrangère. Or il le faut pour prétendre au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La CIJ affirme que cette phase d’indépendance d’ex-colonies fut précédée et suivie par des déclarations d’indépendance non liées à l’oppression: « Il est toutefois également arrivé que des déclarations d’indépendance soient faites en dehors de ce contexte. La pratique des États dans ces derniers cas ne révèle pas l’apparition, en droit international, d’une nouvelle règle interdisant que de telles déclarations soient faites. »

André Binette conclut:

Il est évident que le jugement de la CIJ du 22 juillet 2010 sur le Kosovo est un précédent majeur favorable à la légalité d’une future DUI [Déclaration unilatérale d’indépendance] du Québec. Ce jugement ne repose nullement sur les faits propres au cas particulier du Kosovo, mais sur une règle du droit international général en vigueur depuis au moins trois siècles qui écarte la pertinence du droit interne de l’État prédécesseur. Pour ceux et celles qui à Ottawa en doutaient encore, la légalité de la DUI des États-Unis d’Amérique du 4 juillet 1776, qui n’a jamais reposé sur sa conformité avec le droit britannique, est confirmée par ce jugement.

Voir ici mon analyse de la Loi sur la clarté.

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !