Ce qui ne sera pas dans le budget québécois

50 %

C’est le nouveau niveau d’imposition supérieur, introduit mercredi dernier par le gouvernement britannique, au moment du dépôt de son budget. Le maximum précédent était de 40 %. Le changement est important car la Grande Bretagne est, hors Amérique du Nord et même sous le gouvernement travailliste, fiscalement très conservateur. (Les pays scandinaves ont des niveaux de 52 à 59 %.)

Dans son discours, le Chancelier de l’Échiquier (ministre des Finances), Alistair Darling, a ainsi présenté les choses :

Le taux d’imposition de 50 % sera introduit le mois prochain, mais n’affectera que ceux dont les revenus sont de plus de 230 000 $ par an, soit le 1 % supérieur des revenus. Ceux dont les revenus sont de 150 000 $ par an, les 2 % supérieurs, se verront retirer graduellement leur déduction personnelle de base. […]

Si on observe toutes les augmentations de taxes appliquées [par Londres] depuis le début de cette crise globale, 60 % d’entre elles seront assumées par les citoyens qui sont forment les 5 % des plus importants revenus.

Nous n’avons pas augmenté ces taxes par dogme ou idéologie. Nous sommes déterminés à nous assurer que notre régime fiscal global reste compétitif. Mais je crois que ceux qui ont bénéficié le plus de la forte croissance de revenus au cours des dernières années, devraient maintenant contribuer leur juste part.

Le Québec est à 48 % (lorsqu’on combine Ottawa et Québec), l’Ontario à 46 %, l’Alberta à 44 %, le Nouveau-Brunswick à 43 %, l’Alberta à 39 %, les États-Unis à 35 %. Il ne s’agit pas de l’impôt payé sur tout le revenu, mais sur le revenu qui excède, dans le cas des britanniques, 230 000 $, dans le cas des Québécois, 127 000 $.

Si l’on se fie à ce que l’ancien président de la Banque centrale du Canada, David Dodge, a annoncé aux Libéraux fédéraux ce week-end (et ce que tous les gens sérieux savent), le temps des baisses d’impôts est révolu. Celle des hausses est au coin de la rue.

La question est de savoir : qui paiera ? Les néo-libéraux ont réussi le tour de force, depuis un quart de siècle, de nous faire croire qu’il est impossible de hausser significativement le niveau d’imposition des plus riches, alors même que les inégalités de revenus explosent. Il n’y a qu’une faille à leur argument : l’histoire.

graphique-lisee

 

 

 

 

 

 

 

 

Le message de ce petit tableau est on ne peut plus clair. Dans les 80 années qui nous séparent de 1930, le taux marginal d’imposition aux USA — qui donne le ton à tout l’Occident — fut entre 79 et 91 % pendant plus de la moitié de la période (44 ans) ; de plus de 60 % pendant près des deux tiers (50 ans) et de plus de 50 % pendant plus des deux tiers (55 ans).

Le taux était à son plus haut sous Eisenhower, Kennedy et Nixon. Pendant, donc les « trente glorieuses », soit les années de 1945 à 1974 qui ont vu, non pas le déclin de l’entrepreneurship et du travail du à une imposition trop lourde. Mais au contraire l’explosion de la richesse occidentale et, grâce à une vigoureuse redistribution des richesses via la fiscalité et une présence syndicale forte, l’apparition d’une vaste classe moyenne.

Je ne crois pas qu’on puisse revenir un jour à ces niveaux, et j’explique dans Imaginer l’après-crise qu’il faudra utiliser un autre moyen (la fiscalité sur la consommation) pour rétablir la justice économique. Mais il est bon de se rappeler, à l’heure des grands choix, que ce qu’on nous dit aujourd’hui impossible était, hier, parfaitement normal.