Le passage par les cégeps anglophones de milliers de francophones et d’allophones provoque-t-il chez eux une anglicisation significative ? Le bon sens disait que oui. Les bons chiffres affirment que l’effet anglo est massif.
Merci au jeune Institut de recherche sur le français en Amérique d’avoir interrogé 3200 étudiants de sept cégeps de l’Île de Montréal. Les tableaux qu’il a publiés ce mardi comparent le comportement linguistique des anglos, allos et francos, selon qu’ils suivent leurs cours dans un Cégep francophone ou anglophone.
En voici quelques uns. Le premier qui retient mon attention compare la propension des uns et des autres à parler le français ou l’anglais lorsqu’ils travaillent dans des commerces. On y voit clairement que, dans les trois cas, même chez les francos, l’utilisation du français chute lorsque l’étudiant fréquente un cégep anglophone.
On nous parle anglais au centre-ville. Les cégeps anglos : un facteur aggravant?
Cet autre tableau tombe sous le sens: le réseau d’amis est-il davantage franco ou anglo ? La réponse coule de source…
Des écarts écrasants…
Un des très grands facteurs de francisation est évidemment le réseau social que l’on crée lorsqu’on est jeune adulte, y compris et jusqu’à l’exogamie, facteur essentiel de l’intégration.
Cet autre tableau mesure la consommation culturelle la plus disponible qui soit: l’écoute d’émissions de télévision francophones:
Pourtant, les émissions sont aussi bonnes au Vieux qu’à Dawson…
De l’eau à mon moulin
L’étude de l’IRFA vient combler un vide dans notre compréhension du comportement linguistique des cégépiens. Elle a cependant un défaut: elle ne distingue pas, parmi les allophones fréquentant les collèges anglais, ceux qui proviennent des filières allophones «historiques» (grecs, italiens, juifs ashkénazes) et qui ont donc effectué leurs primaires et secondaires en anglais, et ceux post-1977, qui ont reçu leur enseignement en français puis ont choisi le cégep anglais.
Certes, les écarts de comportement sont tels qu’on peut conclure que l’anglicisation joue pour tous — puisqu’il affecte aussi les francophones des cégeps anglos.
Cependant la proposition péquiste actuelle propose de ne soutirer des cégeps anglophones que le second groupe: les allophones post-1977, donc les enfants de la loi 101. Pour appuyer cette proposition, il faudrait donc affiner les tableaux pour isoler ces allophones.
On verrait alors que les plus anglicisés d’entre tous sont les allophones historiques, que la proposition péquiste de prolongement de la loi 101 aux cégeps laisseraient derrière, dans un contexte anglo/anglicisant. Ils n’auraient plus aucun contact avec les 4% de francophones présents dans les cégeps anglos — eux aussi interdits de Dawson par le PQ — ni aux allos qui sortent du secondaire francophone.
Mes lecteurs habituels savent que je souhaite embrasser la totalité des cégépiens québécois, allos historiques ou post-loi 101, francos ET anglos, dans un système collégial intégré, en français, et dans lequel les étudiants qui le désirent auraient accès à une session d’immersion en anglais.
(Bravo à ceux qui suivent de près: oui j’ai modulé ma proposition par rapport à la version d’origine, qui aurait rendu obligatoire la session d’immersion.)
Je l’ai dit et je le répète. Le degré de difficulté politique, pour un gouvernement péquiste, sera équivalent selon qu’il propose d’appliquer la loi 101 aux cégeps anglos — donc de leur retirer la moitié de leur clientèle — ou qu’il propose un tronc commun à tous les collégiens québécois pour mieux leur faire connaître la culture majoritaire et provoquer un salutaire brassage autour de l’identité québécoise.
Grâce à l’IRFA, nous pouvons maintenant chiffrer le pouvoir anglicisant du ghetto collégial anglophone qu’on laisserait de côté, s’il fallait pratiquer une ségrégation exclusive, plutôt qu’une intégration inclusive, chez ceux qui seront, demain, l’élite technique et professionnelle québécoise.