Tenez vous bien, pour ce premier billet de campagne, j’innove. Je vais remercier deux fois le chef du camp adverse: Jean Charest. Puis, je vais prendre un engagement, en exclusivité pour vous, chers internautes.
D’abord Charest. Vous avez peut-être lu dans les gazettes et sur les internets que je suis très monté contre le cynisme ambiant. J’estime qu’une réélection de Jean Charest serait le comble du cynisme et plongerait le Québec encore davantage dans le cynisme pour quatre longues années.
Quelques quarts d’heures à peine après que j’ai terminé mon discours de lancement de campagne sur ce thème ce samedi, Jean Charest est vaillamment venu illustrer la justesse de ma démonstration en s’adonnant, en flagrant délit, au cynisme dont je l’accuse.
Il a affirmé:
J’ai de la difficulté à m’expliquer pourquoi une personne comme M. Lisée ou toute autre personne aborderait un exercice démocratique en disant aux gens de désobéir et de prendre la rue.
Or voici précisément ce que je venais de dire, dans mon discours:
Et j’appelle les Québécois à une mobilisation générale, pas, cette fois-ci, dans la rue ou avec des casseroles, mais avec le militantisme, le crayon et bulletin de vote, dans l’action politique. Je les appelle à désobéir à Jean Charest en faisant de cette élection celle du réveil du Québec et celle de la fin du cynisme. Ça signifie prendre sa carte de membre, comme je l’ai fait hier, devenir bénévole, convaincre ses voisins et ses parents, contribuer de mille façon à la défaite du cynisme et à la victoire de l’engagement le quatre septembre. (Vérifiez vous-mêmes ici, à 1’35 »)
Donc, oui, merci à Jean Charest de démontrer sur-le-champ que son mode d’opération est le cynisme. Merci de justifier la colère des québécois envers cette forme de politique faite de manipulation et de malhonnêteté intellectuelle. (Chapeau, en passant, au blogueur de The Gazette Kevin Dougherty pour avoir précisément fait la comparaison entre les deux citations.)
Je dois maintenant m’excuser auprès de vous, chers internautes, pour vous faire subir le visionnement de cette vidéo où un Jean Charest visiblement fatigué tente de faire une autre démonstration de cynisme. La vidéo est de Taîeb Moalla, du Journal de Montréal:
Vous me connaissez, ma position est la même depuis plus de quinze ans, il ne faut pas s’engager à tenir un référendum dans le premier mandat, mais il faut souhaiter le tenir dans le premier mandat.
Ici, M. Charest, qui a pourtant fait des études de droit, fait semblant de ne pas savoir la différence entre un engagement et un souhait. Pire, il espère que son auditoire ne sait pas non plus la différence. Il insulte sa propre intelligence et celle de ses auditeurs. Je suppose qu’il croit que ce cynisme est électoralement payant.
Je veux être clair: je ne me plains pas personnellement que M. Charest déforme mes propos. Je sais qu’il le fait abondamment, avec beaucoup de gens. J’utilise mon exemple (car je suis d’assez près ce que je dis) pour démontrer combien le cynisme est maintenant la marque de commerce du chef du gouvernement.
Jean Charest: bon pour mes ventes !
J’avais déjà signalé que M. Charest avait fait la promotion de mon livre Comment mettre la droite K-O en 15 arguments, ce printemps à l’Assemblée nationale. Il a remis ça samedi, citant encore des extraits. Je le remercie pour cette promo, d’autant qu’il ouvre un tout nouveau marché pour mes ventes, celui de l’électorat libéral.
Il est vrai que M. Charest est récidiviste. Il avait parlé deux fois de mon livre Le Tricheur pendant la campagne de 1998. Je l’ai ensuite recontré dans un cocktail, et l’ai personnellement remercié d’avoir fait doubler les ventes du livre la semaine précédente. « Ah oui ? » a-t-il demandé. « Oui, on en a vendu deux ! » ai-je précisé. (transparence totale: je blaguais).
Toi aussi, François ?
Je suis en désaccord avec François Legault sur un certain nombre de questions. Mais j’ai pour lui plus d’estime que j’en ai pour Jean Charest. Et des attentes plus hautes.
C’est donc avec une certaine tristesse que j’ai constaté qu’il commençait à utiliser le même cynisme que celui qu’il veut remplacer. Encore une fois, j’ai noté un exemple me concernant.
Il y a quelques jours, il a demandé sur twitter si j’étais toujours favorable à « une fusion entre le PQ et la QS ». Des membres de la gazouillosphère lui ont immédiatement signalé qu’il faisait erreur et que je n’avais jamais proposé de fusion, seulement une alliance tactique.
Il a pourtant réitéré cette « ligne » qu’il sait factuellement fausse, sur son fil twitter ce samedi, puis en point de presse dans la journée:
«J’ai vraiment hâte de voir si M. Lisée est toujours en faveur d’une fusion avec Québec Solidaire. Est-il en faveur d’une fusion avec Amir Khadir ou non? »
Moi qui pensait qu’il voulait rétablir l’intégrité dans la politique québécoise. Allez François, ressaisis-toi, tu peux faire mieux.
Un engagement
Je suis venu en politique pour défendre des idées, des projets, une vision de ce que le Québec est et devrait être. Et j’estime que le débat politique québécois devrait être nettement distinct de ce qu’il est devenu aux États-Unis et de ce qu’il est en train de devenir au Canada-anglais: un espace où les mensonges sur les uns et les autres sont la norme, plutôt que l’exception.
Il m’arrivera d’être terrible, cassant, direct, brutal. De vouloir mettre K-O tel argument ou telle proposition que je crois nuisible au bien commun.
Mais je prends aujourd’hui l’engagement de ne pas sciemment déformer les propos de mes adversaires, de ne pas dire blanc lorsque je sais que c’est noir.
Je sais qu’en politique on force le trait, on généralise, on montre son adversaire dans la pire lumière possible. Mais il y a une frontière que je me refuse à franchir: celle du mensonge et du cynisme. La rigueur et la vérité doivent retrouver toute leur place dans le débat politique. Par respect pour les électeurs, les médias et même — oui, absolument — pour ses adversaires politiques.
Les lecteurs attentifs de ce blogue savent que je suis prompt à corriger des erreurs factuelles lorsqu’elles me sont communiquées. C’est le respect des faits, et le respect des lecteurs. C’est essentiel, il me semble, en journalisme, même pour une chronique d’opinion. C’est encore plus important, j’en suis sûr, en politique.
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(On peut lire la version intégrale de mon discours de lancement ici.)