Charest et les étudiants: C’est pourtant pas compliqué !

1391256173Si on avait un Premier ministre qui voulait vraiment que l’entente de samedi ait une chance raisonnable de faire sortir le Québec de la crise étudiante, voici ce qu’il aurait fait, et ce qu’il peut encore faire:

1) Dès lundi matin, il aurait constaté que les contradictions, dans le discours, entre les leaders étudiants et les porte-parole gouvernementaux polluaient les chances d’adoption de l’entente;

2) Dès lundi après midi, il aurait compris que le message ne passait pas et que la décision de dernière minute, pendant la négo, de retirer des clauses voulues par les étudiants était une erreur fatale;

3) Dès 18h00 lundi, il aurait reconvoqué toutes les parties à Québec pour apporter des « précisions » à l’entente. Il aurait suffi alors de revenir au libellé de samedi à l’aube:

–  Que toute les économies trouvées dans la gestion des universités par le nouveau Conseil des universités fassent en sorte de réduire l’ensemble de la contribution étudiante, et non seulement les FIO [donc également les droits de scolarité];

– Que le conseil [des universités] puisse choisir ses 2 membres de la communauté économique et son président par consensus afin d’assurer la parité et;

-Que le paiement différé [des FIO] s’applique sur 2 ans et soit renouvelable si nécessaire.

Il pourrait ajouter que s’il y a des économies excédantes, elles seront réinvesties dans les universités.

Il est possible que ces économies soient virtuelles, difficiles à trouver ou inexistantes. Mais puisqu’il s’agit de la demande étudiante, il est essentiel que chacun — au premier chef le gouvernement — montre sa volonté de livrer toute la marchandise livrable.

Avoir introduit ces changements dès lundi soir aurait pu corriger le signal négatif envoyé par le gouvernement dimanche, attester de sa bonne foi, donner aux leaders étudiants des munitions pour renverser la tendance.

Et maintenant ?

Maintenant ? Voici l’échange de ce mercredi matin en période des questions entre Pauline Marois et Jean Charest:

Mme Marois: Merci, M. le Président. Hier, le premier ministre a semblé manifester une certaine ouverture en disant vouloir créer un espace de discussion avec les étudiants. Je sais que le premier ministre comprend, contrairement à d’autres adeptes de la pensée magique, qu’un retour en classe passe par un retour à la table de négociation.

Compte tenu qu’il reste de moins en moins de temps et d’espace dans le calendrier, est-ce que le premier ministre peut nous dire si le négociateur du gouvernement, Me Pierre Pilote, a convoqué les parties pour aujourd’hui, M. le Président?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Charest: Depuis toujours et depuis le début, depuis que nous avons, il y a de cela bien au-delà d’un an, annoncé une décision formelle de revoir le financement des universités, que nous avons été ouverts à tous ceux et celles qui s’intéressent à cette question-là, M. le Président, sans faute. Sans faute. On a fait une consultation qui était ouverte, qui était rigoureuse, qui était sincère. Nous avons annoncé publiquement notre intention de faire une nouvelle politique de rehaussement du financement des universités pour l’avenir de nos universités avant le budget de 2011, livré dans le budget de 2011, bien reçu au moment où ça a été annoncé dans le budget de 2011, M. le Président.

Depuis que des associations et des représentants d’associations étudiantes ont manifesté une opposition à la politique, nous avons été ouverts, M. le Président. Le 5 avril dernier, on annonce des changements. Le 15 avril dernier nous annoncions également que nous étions ouverts à discuter d’une proposition de la FEUQ pour créer un conseil des universités. Le 27 avril dernier, M. le Président, nous annonçons également des changements puis des assouplissements. Ça, ce n’est que de l’ouverture et de l’écoute qui ne nous a jamais fait défaut, qui ne nous a jamais un seul instant quitté parce que nous voulons travailler avec ceux qui s’intéressent à l’avenir des universités.

Et l’appel que nous avons toujours fait, c’est qu’il n’y a pas de raison de boycotter les cours. À notre avis, il n’y a jamais eu de raison de boycotter les cours. Et nous demandons à ceux qui ont boycotté de retourner mais, à tout le moins, de respecter le choix de chaque citoyen du Québec qui veut étudier, et j’espère aujourd’hui que la chef de l’opposition officielle qui porte encore le carré rouge aujourd’hui, qui porte encore le carré rouge, se lèverait à l’Assemblée nationale aujourd’hui…

Le Président: En terminant.

M. Charest: …et qu’elle ferait, elle ferait exactement comme tous ceux et celles qui sont…

Le Président: Première complémentaire, Mme la chef de l’opposition.

Mme Marois: M. le Président, je répète au premier ministre: Le carré rouge, priorité à l’éducation, équité. Je repose ma question au premier ministre, M. le Président. Nous sommes toujours dans une impasse. Nous sommes toujours dans un cul-de-sac. Je souhaite comme lui que les étudiants retournent dans leurs classes mais cependant je crois que le premier ministre a un devoir et une responsabilité, c’est de se rasseoir à la table de négociation.

Est-ce qu’il va le faire? Est-ce qu’il donne un mandat en ce sens à son négociateur, M. le Président?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Charest: Pour qu’on soit clairs là-dessus, et la chef de l’opposition officielle qui croit beaucoup à l’adaptation de son discours disait le 26 avril dernier, à l’Assemblée nationale, que «le carré rouge, c’était une opposition à la hausse des frais de scolarité». Fin de la citation, M. le Président.

Et aujourd’hui encore, elle fait… elle est encore ambiguë dans son langage. Nous demandons, nous espérons, nous voulons, nous croyons que chaque personne qui veut étudier a le droit d’avoir accès à ses cours. Je pense que ce n’est pas trop demandé à la chef de l’opposition officielle de dire la même chose aujourd’hui et je lui donne l’assurance que nous allons et nous faisons tout pour rester en lien avec les associations étudiantes…

Le Président: En terminant.

M. Charest: …et s’assurer que nous puissions maintenir et créer cet espace de discussion, M. le Président.

Le Président: Deuxième complémentaire, Mme la chef de l’opposition.

Mme Marois: M. le Président, je veux entendre un message clair de la part du premier ministre. Nous sommes dans une impasse et dans un cul-de-sac. Je demande au premier ministre s’il a donné un mandat à son négociateur, à sa ministre pour s’asseoir avec les représentants des étudiants et discuter de la façon dont on va sortir de cette crise, M. le Président?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Charest: M. le Président, je ne sais pas, peut-être qu’on ne vit pas au même endroit, là, la chef de l’opposition officielle n’a peut-être pas remarqué que, depuis le début, nous avons gardé cette porte ouverte, que ce mandat dont elle parle a toujours existé, on n’a pas besoin de le créer aujourd’hui. Je ne sais pas pourquoi elle se lève aujourd’hui, puis elle pense soudainement qu’il faudrait créer un mandat puis donner des mandats à des gens pour essayer de sortir de la crise puis de créer un espace de discussion. Alors, c’est clair.

Maintenant, est-ce que va être claire aujourd’hui? Va-t-elle assumer ses responsabilités, se lever puis dire: Les étudiants qui veulent étudier ont le droit d’étudier, et je n’appuie pas… elle va dire qu’elle n’appuie pas ceux et celles qui contreviennent aux lois et bloquent…

Le Président: En terminant.

M. Charest: …l’accès aux cours, M. le Président?

Le Président: Troisième complémentaire, Mme la chef de l’opposition…

Mme Marois: M. le Président, principale, s’il vous plaît.

Le Président: Je m’excuse. Alors, principale, Mme la chef de l’opposition.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je crois que le message a été clair. J’espère que le premier ministre va s’asseoir, et négocier, et discuter avec les étudiants.

C’est consternant. Supposons que M. Charest fait le bouffon à l’Assemblée mais souhaite vraiment une sortie de crise, il devrait annoncer, dans les heures qui suivent, ceci:

– Il désigne Michelle Courchesne comme négociatrice de sortie de crise (elle a davantage la confiance des étudiants que Line Beauchamp);

– Courchesne convoque toutes les parties dans les heures qui viennent;

– Retour au scénario du début de la page.

Mais je ne suis pas optimiste…