Coalition: le cancer d’Ignatieff, le remède de Duceppe

3076236842_d78e965e0eCoalition. C’est le mot de départ de la campagne fédérale, édition 2011.

Depuis 48 heures, il domine le débat. Pourquoi et à l’avantage de qui ?

D’abord, Stephen Harper a tout fait, depuis deux ans, pour introduire ce thème. Son calcul est simple. L’électorat canadien s’est habitué à sa présence au pouvoir, mais continue à craindre un gouvernement conservateur majoritaire. Que ferait Harper, si on lui donnait carte blanche ?

En brandissant le spectre de la coalition, Harper ne tourne pas le dos à cette crainte, il l’affonte, en lui opposant une crainte plus grande encore: celle d’une coalition libéral/NPD/Bloc.

Certes, les électeurs du NPD et du Bloc ne craignent pas cette coalition. Mais une partie des électeurs libéraux, oui. C’est à eux qu’Harper parle. Aux électeurs libéraux modérés et centristes, ceux qui ont aimé le couple Chrétien/Martin qui a équilibré les budgets, défendu le libre-échange. Ceux qui voudraient bien, demain au pouvoir, le retour d’un Parti libéral sage et prévisible, mais pas d’un Parti otage du NPD et du Bloc.

Au jeu de l’insécurité, Harper joue la surenchère. Vous craignez un gouvernement majoritaire conservateur ? dit-il aux électeurs qui hésitent entre lui et Ignatieff. Eh, bien, cela fait nettement moins peur qu’un monstre à trois têtes.

Mis sur la défensive, Ignatieff riposte en affirmant qu’en aucun cas il ne formera une coalition et que, s’il devait former un gouvernement minoritaire, il gouvernerait « au cas par cas » — comme vient de le faire Stephen Harper.

Ce faisant, il confirme cependant l’alternative avancée par Harper: un gouvernement conservateur, stable, majoritaire ou un gouvernement libéral, instable, minoritaire.

041128bush-duceppe-harper-layton_nLe retour à l’avant-scène de la tentative de Stephen Harper de former une coalition avec le Bloc et le NPD en 2004 brouille le message de Harper et le rend coupable de mauvaise foi. Cela ne change cependant rien à la question posée en 2011. Le 2 mai, on sait que les conservateurs ne formeront pas de coalition. Le risque reste du côté libéral.

 

Duceppe à l’offensive

Comme d’habitude, au Québec, c’est différent. Gilles Duceppe n’a aucune hésitation à moudre tout son grain sur le moulin de la coalition. Le thème lui va à ravir et ne fait que renforcer sa position.

D’abord, les Québécois sont les seuls Canadiens à être majoritairement favorables à un gouvernement de coalition. En 2008, il y avait même une majorité favorable à ce que le Bloc ait des ministres dans un gouvernement de coalition — une situation politiquement impensable, mais une indication de la popularité de l’idée.

L’argument fédéraliste favori contre le Bloc est son incapacité à peser dans la gestion des affaires à Ottawa. Mais l’idée de la coalition donne la gangrène à cet argument. Elle indique au contraire que le Bloc est au centre du jeu. Peut faire et défaire des gouvernements, influencer les politiques. Qu’il est, non seulement utile,  indispensable.

C’est un cauchemar pour les forces fédéralistes québécoises. D’autant qu’ici, la possibilité d’un gouvernement conservateur majoritaire suscite une réelle crainte.

Et lorsque Stephen Harper déclare, comme il l’a fait ce dimanche, « un vote pour le Bloc, c’est un vote pour Michael Ignatieff », il n’est pas certain qu’il mette Gilles Duceppe en rogne…