Conflit JdeM: Mme CSN répond à M. PKP

carbonneauPostes Canada doit être en rogne. D’abord, j’utilise le blogue, plutôt que d’acheter un timbre, pour ma Lettre à PKP: Étonnez-nous ! En retour, M. Péladeau me répond en levant un coin du voile sur le début du conflit au Journal de Montréal.

Voilà maintenant que la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, boycotte les postes et livre sa propre lettre ouverte par mes bons soins. Je ne m’en plains pas. Vous non plus, chers internautes, du moins je le présume.

Résumé des épisodes précédents: dans ma missive, je demandais à PKP de se montrer généreux dans la phase finale du conflit, y compris en contribuant à la survie de RueFrontenac.com. Dans sa réponse, M. Péladeau éludait ce sujet mais affirmait que son syndicat et lui-même avaient signé une entente il y a deux ans, et se demandait pourquoi elle n’a pas été suivie d’effets, ce qui aurait évité tout conflit.

Dans sa réponse envoyée ce dimanche, Mme Carbonneau révèle n’avoir été informée de l’existence de cette entente que plusieurs mois après le début du conflit. Cette signature constitue, selon son terme, une « maladresse » du syndicat des journalistes. Elle contredit par ailleurs PKP sur d’autres points du déroulement du conflit. Jugez vous-mêmes:

Cher Jean-François,

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt vos derniers blogues où vous appeliez PKP à étonner, notamment en réglant le conflit au Journal de Montréal, mais aussi celui où monsieur Péladeau répond. Vous avez raison de souligner que la lettre de monsieur Péladeau appelle une réponse de la CSN. En effet, nous ne pouvons pas appeler à une large solidarité comme nous l’avons fait en invitant le public au boycottage et à manifester dans la rue, sans être transparents sur nos faits et gestes qui pourraient faire obstacle, comme Quebecor l’allègue, à un règlement. Le règlement de ce conflit, qui approche les 23 mois, dépasse largement les enjeux liés à un conflit privé et interpelle les valeurs collectives de justice sociale, de paix industrielle et de démocratie des Québécoises et Québécois.

Oui, il y a eu, dans les jours qui ont précédé le déclenchement du conflit au Journal de Montréal, conclusion d’une entente qui constituait un cadre de règlement entre le syndicat local et le Journal, sans que celle-ci soit portée à la connaissance de la CSN. Toute dérogation à cette entente, bien que formulée en termes de pétition de principe, constitue assurément une maladresse effectuée par un syndicat local confronté à un premier conflit de travail en 40 ans d’histoire.

Lorsque plusieurs mois plus tard, la CSN fut informée de cette situation, elle a fait ce qui devait être fait, c’est-à-dire aller jusqu’en assemblée générale pour dégager tous les mandats nécessaires au respect de cette entente. Ça s’est passé le 7 octobre 2009. Or, 14 mois plus tard, il n’y a toujours pas de règlement ! Voilà dit et avoué en toute franchise et simplicité.

Là où je ne marche plus, c’est quand monsieur Péladeau prétend que le syndicat a renié sa parole devant le médiateur spécial, Jean Poirier, en soumettant, contre toute attente, les offres à son assemblée générale sans aucune recommandation. Cette présentation, la plus neutre possible de la dernière offre patronale, émanait précisément d’une recommandation du médiateur faite au vu et au su de tous et sans aucune objection des représentants de Quebecor à la table de négociation.

C’est, entre autres, parce que Quebecor refusait de discuter de sa position de mettre à pied plus de 80 % de son personnel (maintien de [49*] postes permanents sur 253) et d’assortir le tout d’une clause de non-concurrence, que ce compromis sur la façon de consulter l’assemblée générale a été établi visière levée, en toute transparence et sans la moindre fausse note.

J’ai moi-même téléphoné à monsieur Péladeau au lendemain de son communiqué de presse le 28 octobre dernier, où il criait, une fois de plus, à l’imposture. Je refusai que les parties s’enferment dans des frustrations sans fondement qui créent de la diversion et nous éloignent du fond du litige. De plus, j’ai informé monsieur Péladeau de notre volonté de régler et que les clefs d’un règlement passaient par l’emploi et la clause de non-concurrence. L’assemblée générale avait été claire, l’une ne va pas sans l’autre, sans se fermer, loin de là, à d’importants compromis en vue de régler.

Vous me permettrez, monsieur Lisée, à ce moment-ci, de commenter votre appel au règlement en assurant une diversification des sources d’information, donc une qualité de l’information disponible aux citoyens. Nous pensons respectueusement que le droit du public à l’information ne peut faire l’impasse sur la capacité future du Journal de Montréal d’assumer sa mission. Le plus grand quotidien francophone d’Amérique ne peut être à la hauteur des défis citoyens, avec la plus petite salle de nouvelles au monde et avec une équipe de salariés et d’artisans réduite comme une peau de chagrin.

Facile de reprocher au syndicat d’avoir changé d’idée plus d’un an après qu’il ait courageusement nettoyé l’ardoise ! Monsieur Péladeau devrait certainement se souvenir du commentaire envoyé à Gérald Larose, Anne-Marie Dussault, Bernard Landry et Franco Nuovo où il affirmait dans les jours suivants le début du lock-out :

« Vous avez indiqué que nous voulions réduire 75 postes de journalistes. C’est complètement inexact. Au contraire, le Journal de Montréal n’a aucun intérêt à réduire la qualité de l’information de sa publication dans un environnement toujours plus compétitif et où le contenu est roi. Dès le début des négociations, nous avons indiqué que nous voulions augmenter le nombre de journalistes, d’infographistes et de professionnels de l’information au Journal. »

Peu active à la table de négociation depuis le déclenchement du conflit, Quebecor n’y est souvent venue que pour ajouter des propositions à la baisse !

Depuis plus de 5 semaines, le STIJM a déposé une proposition très ciblée en vue d’un règlement, laquelle reste toujours sans réponse. Je mets monsieur Péladeau au défi de démontrer que cette dernière proposition ne respecte pas en tout point l’entente convenue et qu’elle ne présente pas de surcroît des ouvertures jamais faites. J’affirme que la CSN, la FNC et le CCMM ont non seulement la volonté de régler, mais aussi toute l’expertise pour ce faire comme en font foi, entre autres, les règlements à La Presse, à Radio Canada, pour ne nommer que ceux-là.

Enfin, Quebecor se plaint d’un prétendu agenda caché de la CSN en vue d’obtenir une modernisation des dispositions anti-briseurs de grève. Ces trous dans la loi sont intimement liés à la durée et à la dureté du conflit. Mais qu’est-ce qui empêche donc Quebecor de régler sans y être obligée par des amendements à la loi ? Je l’invite à le faire.

Nous aussi nous demandons à être étonnés par monsieur Péladeau.

Claudette Carbonneau

Présidente de la CSN

(*Correction du chiffre 42 par la CSN depuis la première publication.)

À la suite de la publications de nombreux commentaires, Mme Carbonneau a ajouté quelques précisions dans la section commentaires, que je reproduis ici pour plus de facilité de lecture:

Claudette Carbonneau :
décembre 7, 2010 à 15:07

Bonjour,

J’aimerais apporter quelques précisions :

1- Jamais la CSN ne s’est objectée à l’entente signée au plan local. Le vrai pouvoir appartient aux travailleuses et aux travailleurs concernés.

2- Les difficultés d’application de cette entente relèvent du plan local, pour l’employeur comme pour le syndicat. Peut-être tiennent-elles, en partie, du fait que l’entente était rédigée en termes de principes. « Le diable est dans les détails », nous disent nos amis anglophones. Quant à la CSN, elle a plaidé, jusque devant l’assemblée générale, l’importance du respect des engagements pris.

3- À l’évidence, Quebecor n’accorde pas la même importance à la parole donnée. Un jour, monsieur Péladeau nie vouloir abolir des postes de journaliste. Il disait même vouloir en ajouter. Le lendemain, il propose de réduire, de plus de la moitié, sa salle de nouvelles ! Chercher l’erreur. Je trouve néanmoins notre position plus porteuse pour l’avenir des relations de travail. Qu’en pensez-vous ? Quant à moi, j’ai fait le tour, le reste nous appartient.

Claudette Carbonneau