Délires…

green-ladies-communist-shirt-443-150x150Il se dit et s’écrit des choses étranges, délirantes, ces temps-ci au Québec.

L’exemple vient de haut. Le Premier ministre du Québec et ministre de la jeunesse, Jean Charest, expliquait ce lundi que « Ce n’est plus un débat sur la hausse des frais de scolarité. C’est l’extrême-gauche qui tente d’intimider la population. »

On lui accorde que l’extrême gauche existe, que les casseurs existent, que des ignobles envoient des lettres avec de la poudre et que tout cela doit être dénoncé.

On lui souligne aussi que le pourrissement de la situation dont il est le grand responsable contribue à radicaliser des jeunes qui, autrement, seraient sagement en train de préparer leurs examens.

Autrement ? Oui. Car on ne dit pas assez que cette crise aurait pu se conclure le 31 mai, si le gouvernement Charest avait simplement accepté la dernière offre étudiante, à coût nul pour l’État, et par laquelle les étudiants offraient de payer de leur poche droite — baisse de leur crédit d’impôt — ce qu’ils ne voulaient pas payer par leur gauche — la hausse des deux premières années. Il faut le rappeler: c’est par pur réflexe de relations publiques, soit la crainte de sembler reculer, que le gouvernement a refusé cette offre et a préféré mettre un terme aux négociations.

Parmi les délires qu’on lit à répétition il y a donc celui voulant que les étudiants n’aient cédé sur rien. Or ils ont cédé sur leur revendication principale, l’annulation de toute la hausse. A deux reprises, ils se sont montrés prêts à renoncer à cette position en échange d’un gel temporaire, financé autrement, et d’une promesse de discussions qui n’entrainaient aucun résultat certain.

Mais revenons à l’extrême gauche du Premier ministre. Sa volonté de définir l’ensemble d’un mouvement social autour de sa seule faction violente est d’une malhonnêteté intellectuelle qu’il a peut-être héritée de l’Union Nationale qui assimilait, jadis, PQ et FLQ. Sa ministre de la culture en a fait autant, équivalant carré rouge et violence, même lorsque des poètes arborent le carré.

Nous approchons-nous de « l’insurrection appréhendée » ?

Nous sommes donc aux prises avec une volonté gouvernementale affichée de diaboliser les centaines de milliers de québécois de tous âges qui expriment, dans la rue, leur opposition au régime. Cette diabolisation peut être utile en préparation de l’application de la délirante loi 78 dont on verra toutes les dents à la mi-août, au moment de la reprise forcée des cours. Il sera intéressant de suivre l’application de l’article 30, selon lequel « quiconque aide ou amène une autre personne à commettre une infraction visée par la présente loi commet lui-même cette infraction ».

C’est à ce moment que, selon ce qu’en a dit sa ministre responsable Michèle Courchesne à l’Assemblée, les policiers et juges détermineront si l’envoi d’un courriel ou d’un message tweet favorable à la poursuite de la grève pourra être ainsi passible d’une amende équivalente à celle imposée à un étudiant qui tente effectivement de bloquer le passage ou à un professeur qui jugera qu’il ne peut donner son cours dans ce climat ou à un directeur d’établissement qui posera le mêle jugement.  Nous sommes, là, dans le délit d’opin’ion.

Le cas Amir

Vient s’ajouter à ce contexte délétère un tir groupé, plus large, sur le député de Québec solidaire. D’abord autour de son arrestation lors d’une manifestation illégale à Québec. De partout, y compris du PQ, on a entendu dire qu’il y avait une règle non écrite selon laquelle les élus ne pouvaient se mettre en situation de désobéissance civile contre une loi qu’ils considéraient comme contraire aux droits fondamentaux.

Cette règle n’existe pas. Chaque élu doit se déterminer en fonction de ses convictions et, bien sûr, en subir les conséquences. Des dizaines de députés péquistes ont d’ailleurs participé à des manifestations de casseroles dans leurs patelins, manifs qui étaient non seulement non-conformes à la loi 78 mais dont l’existence même exprimaient un rejet de la loi.

La seule différence ici est que les députés péquistes ont participé à des cortèges dont ils pouvaient penser qu’ils seraient tolérés par la police (qui n’applique pas la loi) et qu’Amir, lui, avait de bonnes raisons de penser que la police de Québec allait l’appliquer, comme c’est son habitude.

Déserté par des parlementaires qui auraient pu montrer un peu plus de sollicitude, le député Khadir devait subir ce lundi une extraordinaire chronique de Joseph Facal, imaginant un Québec dictatorial, présidé par un Amir Khadir ayant ordonné l’exécution de ses opposants politiques, y compris de gauche, et venant visiter Facal dans sa cellule.

Passons sur l’insensibilité qu’il faut pour décrire comme un geôlier sanguinaire un homme dont la fille est au même moment en cellule et sur la décision du scribe de s’en prendre, en plus, à cette jeune femme dans son délire.

Mais ce texte participe d’une tentative plus globale d’assimiler Québec solidaire et son programme radical, certes, mais écologiste, féministe et foncièrement démocratique à la gauche stalinienne avec laquelle il est pourtant en rupture totale.  On sent, ici, une claire volonté de désinformer ou alors une volonté ferme de rester désinformé.

On est d’autant plus surpris du procédé que Joseph est membre d’une famille politique, souverainiste, régulièrement diabolisée par certains de ses critiques, qui ne se gênent jamais pour associer la défense du français à du nazisme.

Amir et le 1%

Bon, je ne puis cependant terminer ce tour d’horizon des délires sans souligner celui commis par Amir Khadir lui-même dans le dernier texte où il explique pourquoi une entente tactique avec le PQ n’est ni souhaitable, ni envisageable. Il y parle de la « dictature effective » du 1%, avec lequel dans les faits ( quoi qu’en dise son programme) le PQ a toujours montré qu’il n’a pas de problème! »

Soupirs… On est pas sortis du bois !

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !