DSK en taule. La gauche française libérée ?

glam___pas_glam_mode_783694550_north_585xL’affaire n’est pas entendue. Mais, vous le savez bien, l’affaire est entendue. La première est judiciaire. La seconde est politique.

Il faudra des mois avant de savoir si Dominique Strauss-Kahn sera, ou non, condamné à la prison ou exonéré de tout blâme.

Mais on sait déjà que son avenir politique est compromis. À moins que la présumée victime n’avoue qu’elle a tout inventé, la marque laissée sur la carrière de DSK est indélébile.

Posons aujourd’hui trois questions: Y a-t-il complot ? Quel impact sur la campagne présidentielle ? La gauche est-elle lestée ou délestée par le départ de son favori ?

Pourquoi la thèse du complot est improbable

Libération rapporte ce lundi une conversation tenue le 28 avril — il y a deux semaines — entre DSK et un de ses journalistes.

DSk : “Oui j’aime les femmes. Et alors ? Depuis des années, on parle de photos de partouzes géantes, mais je n’ai jamais rien vu sortir. Alors qu’ils les montrent !”

Puis il évoque la campagne pour les primaires socialistes – trop longue à son goût – et énumère les difficultés à venir : « le fric, les femmes et (sa) judéité« . Il imagine alors « une femme violée dans un parking et à qui on promettrait 500.000 ou un million d’euros pour inventer une telle histoire« …

Prémonitoire ? Non. Simplement logique. Si quelqu’un voulait le faire tomber…

Mais cela supposerait que, sans DSK, la droite française aurait le champ libre. Que seul ce candidat pouvait empêcher la réélection de Sarkozy aux présidentielles du printemps prochain.

Or, rien n’est moins vrai. Comme on l’a déjà indiqué ici, les sondages français sont stables depuis deux saisons:

1) La gauche a trois candidats probables pour l’élection présidentielle: Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry et François Hollande.  Il n’y a pas de différence significative entre l’intention de vote de l’un ou de l’autre pour l’emporter au premier tour;

IMF-US-CRIME-FRANCE-STRAUSS-KAHN2) Dans un second tour face à Sarkozy, il est vrai que DSK aurait harnaché une majorité plus considérable ( 65 vs 35 dans le dernier sondage). Mais Aubry l’emporterait aussi (56 vs 44) et Hollande (60 vs 40).

3) Dans tous les cas de figure, une majorité de l’électorat (56 vs 36 ) souhaitent une victoire de la gauche aux présidentielles. L’électorat est donc disposé à reporter ce voeu sur un candidat crédible. Si ce n’est DSK, ce sera Aubry ou Hollande… ou encore le maire de Paris, Bertrand Delanoë, qui songe maintenant à entrer en piste.

Que des sondages ?

Ce ne sont que des sondages. Mais c’est également la seule chose qu’ont sous la main les commanditaires présumés d’un coup monté contre DSK. Songez-y. Vous êtes l’équivalent français des frères américains Koch (qui financent le Tea Party). Vous souhaitez éviter la prise du pouvoir par la gauche française ?

Vous êtes sans doute assez intelligent pour savoir que cette éventualité est plus que probable. Souhaitez-vous donc avoir à la présidence le moins à gauche des candidats, DSK, ou la plus à gauche, Aubry, ou le plus compétent, Hollande ?

Et si vous savez que DSK est un chaud lapin qu’on peut faire tomber dans un « honey trap », n’est-ce pas préférable de le faire tomber discrètement, de prendre les photos, de les garder sous clé, puis de les utiliser une fois DSK au pouvoir ou — mieux encore — pendant la campagne électorale ? Juste avant le premier tour ?

Certes, il y a des escrocs incompétents. Tous les comploteurs de droite ne sont pas des génies. Mais c’est beaucoup demander au destin.

Plus besoin d’équipe de Bimbo Alert !

Évidemment, aujourd’hui, dans la gauche française, tout le monde est « sous le choc ».

Mais si DSK n’était pas derrière les barreaux, tout le monde aurait été, pendant des mois et des mois, « sur la corde raide ». L’attrait quasi irrésistible qu’exerce sur DSK la présence féminine aurait été le cauchemar de ses conseillers pendant toute la présidentielle.

Un épisode allait-il refaire surface à un moment inopportun ? Un nouvel épisode allait-il se produire pendant la campagne ? Un coup monté allait-il être révélé ? On pense à la campagne de Bill Clinton où une équipe avait été  désignée pour gérer les « Bimbo Alerts » — l’irruption dans les médias d’ex-conquêtes, volontaires ou non.

Hors jeu, DSK emporte avec lui le suspense, le danger, le plus terrible qui planait sur la campagne socialiste à venir.

La gauche français libérée ?

Voyez cette extraordinaire caricature publiée ce lundi sur Rue89, du dessinateur de gauche Chimulus:

dskDe gauche ? C’est pas prouvé !

Il résume très exactement le premier des dilemmes dans lesquels se trouvait la gauche avec DSK: on ne savait pas exactement en quoi il était de gauche !

Depuis plusieurs années il avançait le concept de « socialisme de production ». On comprend qu’il voulait s’attaquer en amont aux problèmes de l’inégalité mais, on avait beau lire, on n’arrivait jamais à savoir précisément de quoi il s’agirait.

Non qu’il ne maîtrise pas la langue de gauche, comme on peut le lire dans ce texte de 2004 — tout en affichant sans complexe sa « social-démocratie », ce qui est courageux dans la gauche française.

Mais cela manquait un peu de concret. Sans doute, un président Strauss-Kahn aurait été immensément préférable au président Sarkozy. Mais voyons maintenant ce qu’Aubry, Hollande et Delanoë ont à offrir.

Jusqu’à hier, l’énorme ombre portée par l’inévitabilité de la victoire de DSK menaçait de confisquer à la gauche la tenue d’un vrai débat entre candidat à la candidature, d’un réel examen des projets et des programmes.

Leur chef désigné étant désormais en taule, les socialistes français sont libérés.

Ce contenu a été publié dans France par Jean-François Lisée. Mettez-le en favori avec son permalien.

À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !