Duchesneau à TLMEP: Le sans-faute de M. Net

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Je ne suis pas de ceux qui reprochent à Jacques Duchesneau d’avoir choisi de parler, ce dimanche soir, devant quelque deux millions de Québécois.

Sans en connaître les détails, on décode qu’il existe un rapport de force entre Duchesneau et le gouvernement Charest. Le simple dédain avec lequel le Premier ministre a, dans un premier temps, accueilli le rapport en est le plus fort témoignage.

Pour faire simple: s’il y a une épreuve de force entre ce gouvernement qui souhaite qu’on en sache publiquement le moins possible sur la collusion dans la corruption et quelqu’un qui semble vouloir le contraire, vous me trouverez du côté de ce dernier.

Or rien ne pouvait davantage augmenter le pouvoir de négociation de Duchesneau que d’aller s’adresser directement au public québécois, dans son émission de plus grande audience.

Un rapport de force, pourquoi ?

Que fera-t-il avec ce rapport de force ? Probablement tenter d’avoir les coudées franches pour prolonger ses enquêtes au cours des six prochains mois, donc jusqu’à la fin de son mandat.

Il a indiqué qu’il souhaitait, ensuite, retourner aux études qu’il a suspendues pour ce projet. Peut-être ne fait-il que reculer pour mieux sauter. Lorsque son second rapport sera publié, en mars, ne se sera-t-il pas rendu indispensable ?

Jacques Duchesneau affirme ne pas vouloir faire de politique. Il en a certainement les réflexes. En entrevue, il a su établir un bel équilibre en affirmant d’une part que la situation de la corruption était très sérieuse et en ajoutant d’autre part que ‘ »le Québec n’est pas à feu et à sang ».

On disait il y a 20 ans que rien ne pouvait être fait contre les motards criminels, a-t-il rappelé, alors qu’il sont en net déclin. Le Québec, a-t-il dit, rassurant, sortira également de cette mauvaise passe.

(On rêve d’avoir un premier ministre qui nous parlerait ainsi, et que l’on croirait sur parole.)

Cinq tentatives d’intimidation

De même, il a remercié le Premier ministre Charest pour l’avoir gardé en fonction malgré les tentatives — il en compte cinq — pour le déstabiliser à la direction de l’unité anti-collusion. Sans nommer de noms, il accuse des journalistes de servir l’intérêt des corrompus. (On veut des noms !) Mais il se fait fort de contredire clairement Jean Charest en appelant à la création d’une commission d’enquête.

Publique ? Sa thèse est que les trois juges conduisant l’enquête devraient d’abord entendre les témoins à huis clos. C’est ce que font d’habitude les commissions. Ce n’est que dans un deuxième temps que les témoins — surtout les suspects — sont exposés aux caméras.

Cependant si on veut assurer la confidentialité de certains témoignages, se poserait le problème de la divulgation de la preuve. L’avocat d’un l’entrepreneur soupçonné d’être membre des « fabulous fourteen » qui se partagent les travaux publics voudra avoir accès aux témoignages utilisés par la commission pour interroger leur client. Ils feront tout pour lever le voile de la confidentialité.

Quoiqu’il en soit, Monsieur Net a passé l’épreuve de TLMEP. Maintenant, la question qui tue se retourne vers le Premier ministre: le laisserez-vous désormais travailler à sa guise ?

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !