Élections imminentes: Le scénario «grotesque» de Jean Charest

Le Premier ministre l’a dit clairement ce vendredi. Les scénarios de déclenchement d’élection à la faveur de la crise étudiante sont « grotesques » et « immondes ». Il faut donc… les prendre très au sérieux. Voici pourquoi.

1. La décision, ce vendredi matin, de rendre publique une offre aux étudiants, et de montrer ainsi pour la première fois de la flexibilité, est tout ce qui manquait au gouvernement Charest pour compléter son discours électoral. Il a été ferme, dira-t-il, mais il n’a pas été fermé. Jean Charest fait le tour des studios pour étaler sa toute nouvelle bonne foi;

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2. La proposition a été fignolée pour être à la fois sérieuse et inacceptable. Sérieuse du point du vue du gouvernement libéral car réellement en retrait par rapport et à sa position initiale — et elle sera applaudie par tous ses alliés. Inacceptable à cette étape de la grève et par la CLASSE (qui n’aurait jamais rien accepté d’autre qu’une impossible reddition complète) mais aussi par la FEUQ, dont les troupes se sont radicalisées ces dernières semaines;

3. Le gouvernement Charest sera donc, au lendemain de ce refus étudiant la semaine prochaine, dans la position idéale qu’il cherchait;

4. Il peut donc escompter une amélioration des chiffres qui, en ce moment, lui font miroiter la possibilité d’une victoire électorale. Pour un gouvernement qui est campé dans le parking de l’insatisfaction à plus de 70%, l’ouverture ne sera sans doute jamais aussi belle.

La dernière intention de vote pour le PLQ était de 30% (Crop/LaPresse de lundi). Il lui en faut entre 35 et 37, selon la répartition. Or, ce vendredi, 35% des Québécois rejettent sur le mouvement étudiant la responsabilité de la crise (Léger/QMI), soit un bassin de gain de 5 points pour les libéraux, si cette question était centrale à l’élection. Après les refus étudiants de la semaine prochaine, cet écart favorable aux Libéraux augmentera.

Ce vendredi, 58% des Québécois appuient la position gouvernementale dans le conflit étudiant, un bassin de 28 points par rapport à son intention de vote. Avec la proposition faite aux étudiants, cet écart augmentera.

Or il n’existe aucune autre question sur laquelle le PLQ a un potentiel de gain. Aucune. Ni l’économie, ni l’éthique, ni la langue.

L’occasion de déclencher maintenant et de prendre de court la commission Charbonneau et les allégations de copinage et de collusion qui vont inévitablement débouler sur le PLQ d’ici quelques mois est donc grotesquement et ignoblement irrésistible.

3. Le défi de M. Charest ne sera pas de déclencher l’élection sur le thème du conflit étudiant. C’est déjà dans la poche. Son défi sera de maintenir ce thème comme dominant pendant les quatre semaines qui le sépareront du jour du scrutin.

Il aura pour ce faire des alliés présents, visibles et bruyants: les fédérations étudiantes. En manifestant à chaque apparition de campagne du chef du PLQ, les étudiants l’aideront à maintenir le thème au centre du débat. En se présentant, carré rouge sur la veste, aux assemblées de Pauline Marois, ils enfonceront le clou.

Le défi du PQ, de la CAQ et de Québec solidaire sera de sortir la discussion électorale de l’ornière étudiante solidement creusée depuis 10 semaines. C’est faisable. Mais ce ne sera pas une mince affaire.