Élections: la « fin du monde » libérale

Jack Layton a beaucoup de nouveaux amis, ces jours-ci. Je ne parle pas des électeurs. Leur rôle est de choisir, d’élection et en élection, le parti et le candidat qui sied le mieux à leur volonté du moment. Ceux qui choisissent le NPD, au Québec comme ailleurs, exercent leur droit démocratique, ni plus, ni moins.

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Jack a beaucoup, beaucoup de nouveaux amis…

Je parle des institutions et des consignes de votes données par le Toronto Star et, dans une moindre mesure, par La Presse.

Le Star est le grand quotidien ontarien historiquement lié au Parti libéral. Or, ce samedi, il a appelé ses électeurs à voter NPD, sauf dans les circonscriptions où ce vote pourrait faire passer les conservateurs.

Il s’agit d’un revirement majeur. Et d’une nécrologie pré-constat de décès de ce qui fut le parti naturel de gouvernement du Canada:

L’effondrement du parti d’Ignatieff au Québec pose la question de savoir si le PLC peut désormais vraiment être vu comme une force pancanadienne. Les gouvernements libéraux ont construit l’essentiel de ce qui est admirable en ce pays — mais les électeurs envoient clairement le message qu’ils ne doivent rien aux Libéraux pour ce qu’ils ont fait dans le passé. Les élections portent sur l’avenir et les Libéraux n’ont pas convaincu qu’ils pourraient être les porteurs du changement en 2011.

Ouch ! Comme le dit un vétéran libéral anonyme à Chantal Hébert au sujet de toute la campagne: « C’est la fin du monde ». Selon le site 308, il est encore possible que Michael Ignatieff soit chef de l’opposition lundi soir. Son avance sur le NPD est encore de six sièges.

Si Ignatieff réussit à arracher ne serait-ce qu’un siège de plus que Layton lundi soir, tout reste possible. Car l’avenir d’un gouvernement conservateur minoritaire ne se mesurera qu’en quelques semaines. Mais si Jack Layton devient chef de l’opposition, il faudra en effet envisager la fin du monde pour le PLC, une fin qui se traduira soit par une longue marginalisation, soit par une absorption dans le nouveau super-NPD.

« Refouler le Bloc: un énorme service au Canada »

Pour les éditorialistes du Star, le NPD de Jack Layton est plus mûr, plus recentré, plus proche de l’entreprise que le NPD d’avant-Layton, ce qui le rend plus acceptable pour des anciens Libéraux qui applaudissaient naguère les Chrétien et Paul Martin. Cependant la percée du NPD au Québec est citée comme la première des raisons de porter Jack au pouvoir:

Le NPD est sur le point de faire une percée historique au Québec, ce qui l’aiderait grandement à s’imposer comme un réel parti pancanadien. Refouler le Bloc Québécois est un énorme service à rendre à tous les Canadiens. Pour l’avenir à long terme de l’unité du pays, il est vital d’avoir un leader nationaliste qui a obtenu la confiance des Québécois.

Dans La Presse, traditionnellement favorable au PLC ou aux Conservateurs, André Pratte poussait vendredi l’audace jusqu’à… ne pas donner de consigne pour un parti en particulier. Il indiquait l’importance pour les Québécois de voter pour les candidats de valeur du PLC, du Parti Conservateur et du NPD. (Après ce qu’on suppose être une longue recherche, André n’avait cependant trouvé aucun député du Bloc bon pour la réélection ou apte à « mieux faire entendre la voix du Québec moderne au Parlement ».)

L’important pour André Pratte est de réinsérer des Québécois dans des postes clés des partis fédéraux pour mieux arrimer le Québec au Canada. Et s’il faut pour y arriver parfois applaudir le NPD, dont il  juge la plateforme électorale « irresponsable », eh bien, il s’exécute:

Si les néo-démocrates en viennent à former l’opposition officielle, ils seront au coeur du bouleversement politique dont nous parlions plus haut. Les Québécois doivent en être.

Bouleversement ? La fin du Bloc, bien sûr, mais aussi le fait que « notamment sur la question constitutionnelle, le NPD s’est rapproché des sensibilités politiques des Québécois ».

C’est ainsi que, d’Amir Khadir à André Pratte, en passant par 30% ?  40% ? 50% ? des électeurs québécois, se répand la notion que le parti de Jack Layton saura répondre positivement à l’incessant besoin d’autonomie du Québec.

Dans les faits, je l’ai beaucoup expliqué ici, ici et ici, rien n’est moins sur. Mais au-delà des défaites nationales appréhendées du Parti libéral du Canada (qui pourrait être fatale) et du Bloc Québécois (qui pourrait être débilitante pour lui) l’introduction dans l’esprit politique du Québec d’un espoir d’être enfin entendu par un chef fédéral accommodant pourrait structurer tout le cycle politique qui s’ouvre.

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !