Il est très facile de décoder les signaux en provenance du bureau du Premier ministre Charest au sujet de la tenue prochaine d’élections. Il suffit de prendre entre les mains un cercle argenté montrant, d’un côté, une reproduction de la Reine et, de l’autre, plus souvent qu’autrement, un orignal, de la faire virevolter en l’air puis, lorsqu’elle retombe, de déclarer, si c’est l’orignal, que le signal est véridique et, si c’est la reine, que c’est faux.
Ou vice-versa. Pourquoi cette espièglerie ? Parce qu’en décembre, les signaux venant du bureau de Charest pointaient dans la direction d’une élection très rapide. Dès février-mars peut-être.
Le Premier ministre allait faire une tournée monstre en janvier, faisant grand cas des promesses du Plan Nord et de ses retombées dans le sud (c’est du deux pour un: deux emplois dans le sud pour un dans le nord, dit-il).
Fort des fruits de cette campagne de promotion, il verrait son taux d’insatisfaction fléchir, son intention de voter monter un peu. Au moment de déclencher l’élection, il serait toujours en retard sur la CAQ et Legault, mais Jean Charest étant Jean Charest, il prendrait sur lui de moucher cet impétrant pendant la campagne, puis au débat, pour l’emporter in extremis à la ligne d’arrivée.
Car, comme lui avait dit l’ex-brève-chef-conservatrice Kim Campbell: « Jean, tu est toute une tortue! » (Venu loin de l’arrière, Charest avait presque battu la favorite Campbell dans la course au leadership conservateur en 1993.)
Pourquoi cette précipitation pour un mandat qui se termine en décembre 2013? Pour empêcher François Legault de s’organiser ? C’est un peu hasardeux, car l’inorganisation est pour l’instant son principal atout. Legault gagne à être méconnu.
Non, la crainte, m’a-t-on expliqué, est la Commission Charbonneau qui siégera à l’automne avec ses premiers vrais témoins. Même si aucun élément ne vient mouiller des ministres ou le PLQ lui-même, le simple retour, quotidien, du thème de « l’industrie de la corruption », pour citer le PM, causera un tort immense à l’image de marque (!!) libérale. C’est un argument recevable.
C’était le scénario de décembre. Je n’y croyais pas. Du moins, oui, je croyais que Charest tenterait d’ouvrir la fenêtre électorale avec sa tournée, mais je pensais qu’il n’y arriverait pas. Qu’il n’y aurait donc pas d’élection au printemps.
Ce lundi, changement de cap: un proche et deux conseillers de Charest affirment à Patrick White, du Huffington Post, qu’il n’est pas question de tenir une élection.
« M Charest a pour l’essentiel pris sa décision de n’aller à l’élection qu’en 2013, possiblement aussi tôt qu’avril 2013″ affirme au Post une « source libérale proche du premier ministre ». Ce qui serait presque crédible si Patrick ne citait pas ensuite deux sources « membres du bureau du PM » affirmant que « le temps n’est pas venu pour une élection en 2012″.
Tous les témoignages concordent: pas d’élections hâtives. C’est pourquoi je n’y crois pas un instant.
Si les sources libérales s’ingénient à faire croire qu’il n’y a pas d’élections en vue, c’est probablement parce qu’ils espèrent qu’il y en ait une, mais qu’elle nous surprenne !
Voici pourquoi je ne les crois pas à deux étages. Étage un: je ne crois pas qu’il ne veuille pas d’élection, je pense au contraire qu’ils en veulent. Étage 2: je ne crois pas qu’il y aura une élection, leur tentative de décollage ne réussira pas.
Vous me suivez ?