Électorat francophone: CAQ et PQ sur le champ de bataille

legault2-300x166Avec 11% des intentions de vote chez les francophones et 82% d’insatisfaits, le Parti libéral de Jean Charest est pour ainsi dire exclu, non du jeu électoral, mais de son champ de bataille principal: celui du vote francophone qui fait et défait les majorités dans les couronnes, à Québec et dans les régions hors-Outaouais.

Votre blogueur favori a pu consulter les tableaux complets du sondage Léger publié ce lundi dans Le Devoir, soit le premier sondage qui traite le parti de François Legault comme un parti comme les autres, c’est-à-dire sans le singulariser dans la question d’intention de vote.

Le premier constat est évidemment que la Coalition Avenir Québec domine, même sans traitement particulier, ce qui atteste de sa force. En excluant les indécis et les discrets, on note chez les francophones une intention de vote de 33% pour la CAQ, contre 20% pour le PQ. Mais il faut compter qu’environ le quart des 7% d’intentions de vote adéquistes vont se reporter sur la CAQ (voir ce calcul plus loin), ce qui porterait le match CAQ/PQ, chez les francophones à 35/20, ce qui est considérable.

C’est ce rapport CAQ/PQ chez les francos qu’il faudra suivre attentivement d’ici l’élection générale.

Notons que ce score a été atteint avant l’excellente prestation de François Legault à Tout le monde en parle ce dimanche, une présence qui lui a valu la complicité de Marina Orsini sur la question des enseignants, ce qui est, en deux mots, politiquement inestimable.

Le PQ frémit légèrement à la hausse, dans la marge d’erreur.

L’effet Layton, sans Layton

Le sondage est utile pour comprendre les forces et les faiblesses du parti de Legault.

Le besoin de changement et de nouveauté, en soi, comme le rejet des autres partis, forment le carburant principal de la Coalition : 68% des électeurs francophones potentiels de Legault le choisissent pour ces raisons.

C’est donc effectivement un vent de changement pur, comme celui qui a motivé le vote néo-démocrate du 2 mai. Cependant, le NPD avait un chef très attractif, ce qui n’est pas le cas pour Legault.

En effet, parmi les raisons de voter CAQ, les « qualités de François Legault » n’attirent que 5% des électeurs potentiels.

A contrario, parmi ceux qui refusent de voter CAQ, 15% le font sur la base des défauts de Legault. Il n’est donc ni la force d’attraction, ni la force de répulsion.

D’ailleurs à la question du meilleur premier ministre, on trouve dans l’ordre, chez les francophones, Legault à 33%, Marois à 14% et Charest à 11%. Il reste 28% d’indécis, signe que la figure de Legault n’arrive pas à capter tous ceux qui voulaient un nouveau chef. En fait, avec 33%, Legault ne tire son parti ni vers le haut, ni vers le bas.

Les idées de la CAQ n’attirent que 12% de ses électeurs. C’est peu.

Quelle importance ? L’essentiel du débat à compter d’aujourd’hui se fera à l’intérieur du bassin d’électeurs francophones actuellement attirés par la CAQ.

Puisqu’ils sont peu attirés par Legault, rien ne sert à ses adversaires de faire de sa personnalité l’enjeu premier du débat. Puisque ses idées ne sont pas, en soi, très séduisantes, pas la peine de s’acharner sur elles.

Non, le nœud de l’affaire tient à la perception, très forte, voulant que la CAQ représente le changement, la nouveauté.

La seule réplique possible est, d’une part, de contester à la CAQ la carte du changement (ce que fait d’ailleurs le PQ dans sa campagne de pub lancée ce lundi) et, d’autre part, de convaincre les électeurs caquistes que la CAQ ne représente pas vraiment le changement. Une très lourde tâche.

Des adéquistes frileux

Une partie de l’électorat adéquiste a déjà fait le transfert vers la CAQ, mais les électeurs restants semblent plus difficile à convaincre.

On note par exemple qu’à la question du « meilleur premier ministre », 47% des électeurs adéquistes préfèrent Gérard Deltell et seulement 9% François Legault – et 7% Pauline Marois !

À la question de savoir si la CAQ de François Legault représente un renouveau politique, 51% des adéquistes répondent Non ! Seulement 26% pensent que c’est le cas.

Interrogés sur le parti le mieux placé pour améliorer le système de santé, les adéquistes ne sont que 1% à penser que la CAQ répond à ce critère, contre 7% pour les libéraux et 6% pour le PQ. Incroyable !

Bref, si, comme c’est probable, la CAQ absorbe l’ADQ, elle enlèvera du jeu électoral la marque de commerce ADQ – ce qui est un objectif important, m’a récemment confié un stratège caquiste.

Mais elle n’attirera qu’une fraction du vote adéquiste restant, environ le quart, surtout si un nouveau parti de droite est créé à partir de dissidents adéquistes mécontents de la fusion avec la CAQ, ce qui est probable.

Les thèmes et la planche de salut linguistique du PQ

Les péquistes ont, toujours chez les francophones, quelques thèmes où ils sont dominants ou compétitifs avec Legault.

La CAQ « possède » pour l’instant les thèmes de l’éducation, de la santé, des finances publiques et de la corruption.

Mais le PQ « tient » le thème de la défense des intérêts du Québec : PQ 28% / CAQ 22% / PLQ 11%

Plus intéressant encore, 17% des électeurs caquistes désignent le PQ comme meilleur défenseur des intérêts du Québec.

Le PQ tient surtout le thème de la défense de la langue : PQ 44% / CAQ 17% / PLQ 5%

Étonnant : les électeurs caquistes sont remarquablement divisés sur la question. 40% pensent que la CAQ est le bon défenseur de la langue, 40% croient au contraire que le PQ est le bon défenseur de la langue.