Facéties sur le Discours du Trône

SFT-feature-2009-sft1D’abord, cramponnez-vous, voici la phrase la plus intéressante du discours livré à Ottawa au nom du gouvernement par Son excellence Michaëlle Jean :

Notre pays laisse encore couler de l’encre sur les pages de son histoire.

C’est dans la version française. Je suis allé voir la version anglaise pour m’assurer que nos compatriotes anglophones avaient eu droit à une envolée stylistique d’aussi bonne tenue. Mais voici ce qu’on a préparé pour eux:

We are a country whose story is still being written. (Ma traduction: Nous sommes un pays dont l’histoire s’écrit encore.)

Vous aurez remarqué l’injustice ? Pour les francos, une phrase lyrique, très songée, offrant malheureusement une image de doigts tachés. Au moins, un effort culturel certain. Pour les anglos, rien : une platitude.

Vous me direz, c’est un détail qui n’intéresse que l’ex-scribe de discours que je suis. Certes. Il y a beaucoup plus dans ce long texte post-prorogation. Toute une section se présente, du moins à mes oreilles, comme une publicité pour que le Québec fasse immédiatement sécession du Canada. Vous en doutez ? Jugez vous-mêmes :

Il y a deux ans, nous avons célébré le 400e anniversaire de fondation de la ville de Québec. Cette année, nous soulignons le quadricentenaire de la fondation de Cupids, à Terre-Neuve-et-Labrador. Dans deux ans, notre gouvernement conviera des millions de citoyens à approfondir leur connaissance du Canada et à en tirer fierté. Il les mobilisera en fait à l’occasion de la commémoration du bicentenaire de la guerre de 1812, un conflit qui a contribué à façonner l’identité canadienne et, par la suite, à donner naissance à notre pays. La même année, les Canadiens fêteront le 60e anniversaire de l’avènement de Sa Majesté la reine Elizabeth II, Reine du Canada, et notre gouvernement a chargé un comité du jubilé de diamant de préparer cet événement historique. [… et 2010 est] une année où Sa Majesté la reine Elizabeth II célébrera la fête du Canada en compagnie des Canadiens.

Si ça ne vous donne pas envie de déguerpir avant ce déluge d’anniversaires, je ne sais pas ce qui le fera. Mais il y a plus. Pour qui sait décoder les signaux envoyés, Harper ouvre directement la porte à Gilles Duceppe. Nous remettant en mémoire une promesse jamais tenue, il fait dire par Michaëlle que son gouvernement continuera à « respecter les champs de compétence des provinces et à restreindre l’emploi du pouvoir fédéral de dépenser ». Bon d’accord, il annonce par ailleurs qu’il va accroître sa présence chez les étudiants universitaires et dans la formation, qui sont des champs québécois. Mais on ne va pas chipoter. En expliquant son plan de retour à l’équilibre budgétaire, il tend cette perche :

[Le gouvernement] entreprendra un examen des services administratifs afin d’en accroître l’efficience et d’éliminer le chevauchement.

Éliminer le chevauchement ? Mais on a plein de bonnes idées pour vous, Monsieur le Premier ministre. Un seul rapport d’impôt ? Un seul ministère de la culture ? de l’Agriculture ? du développement régional ? On en a plein. Gilles, au travail !

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !