Immigration: l’ère de l’inconscience

slider_img_2Je serai peut-être le seul, mais je note officiellement le premier novembre 2011 comme la date où, en toute connaissance de cause, le gouvernement du Québec a décidé d’adopter une politique d’immigration qui allait mettre en péril l’avenir du français dans la métropole, donc au Québec.

Ce n’est pas d’hier que notre politique d’immigration est imprudente. Je l’écris depuis plus de dix ans. Mais au cours des 18 derniers mois, trois informations nouvelles auraient du provoquer une prise de conscience, donc un changement de cap.

1) Le Vérificateur général a démontré dans un rapport cinglant que le contrôle de la connaissance du français des candidats à l’immigration était déficient dans la moitié des dossiers. Et qu’il est donc impossible d’affirmer que le Ministère de l’immigration sélectionne véritablement une majorité de personnes connaissant le français.

2) Une étude de l’Office de la langue française a conclu que la composition linguistique actuelle de l’immigration allait conduire inexorablement à une minorisation du nombre d’habitants de l’île de Montréal qui ont le français comme langue première, au cours des quelques années qui viennent. Le phénomène déborde aussi sur les banlieues.  Cette certitude en entraîne une autre: l’affaiblissement de l’attractivité du français et de la volonté de défense de la langue française. En effet, on peut adorer sa langue seconde, mais elle reste, par définition, secondaire.

3) Le livre Le remède imaginaire de Guillaume Marois et Benoit Dubreuil, a fait la synthèse de la recherche récente sur l’impact économique réel de l’immigration pour établir que, contrairement aux mythes courants, l’immigration n’entraîne pas un enrichissement de la société d’accueil. Au mieux, elle n’y change rien. Plus probablement, elle réduit légèrement la richesse par habitant.

Elle n’arrive surtout pas à combler les pénuries de main d’œuvre, car l’arrivée de 50 000 immigrants par année (la cible actuelle) équivaut à ajouter une petite ville avec tous ses besoins supplémentaires de main d’œuvre. Au net, il faut 50 immigrants pour combler un emploi vacant dans la population d’accueil. Il en faudrait donc 35 millions pour combler les chimériques 740 000 postes à combler dans les prochaines années.  Ces démonstrations n’ont suscité aucune réplique crédible de la part du ministère.

Bref, en 18 mois, les décideurs québécois ont été mis devant l’évidence que la poursuite de la politique actuelle d’immigration était, avec certitude, néfaste pour la pérennité du français et probablement inutile pour l’économie québécoise.

Comment empirer les choses

Comparons ce qui aurait été nécessaire pour corriger le tir avec la réponse apportée dans la politique annoncée ce 1er novembre par le gouvernement :

1) S’assurer que l’immense majorité des nouveaux arrivants ont le français comme langue première

C’est la mesure de bon sens qu’il faudrait adopter pour l’avenir prévisible, tant que l’on observe un déclin de la proportion de citoyens qui ont le français comme première langue dans la métropole.

Mais, tenez-vous bien, la politique gouvernementale ne s’en préoccupe aucunement. On ne saura d’ailleurs pas si les 51 000 immigrants par an auront, ou non, le français comme première langue. Cette information, essentielle pour l’avenir du français dans la métropole, n’est même pas sollicitée. Ce qui fait que, dans le savant pointage qui avantage tel ou tel candidat, le fait de vivre en français, plutôt que de le connaître plus ou moins bien, ne confère aucun avantage. On croit rêver !

2) S’assurer que l’immense majorité des nouveaux arrivants ont une réelle connaissance du français

Cela serait déjà imprudent car insuffisant dans le contexte de précarité linguistique que nous connaissons, on a vu pourquoi. Mais, tenez-vous encore mieux, la politique n’essaie même pas. Elle annonce qu’un immigrant sur trois arrivera au Québec sans aucune connaissance du français. Aucune. Il est donc certain qu’entre 15 et 20 000 personnes arriveront au Québec chaque année sans pouvoir commander un café en français.

Pour les autres, nous serons toujours dans le noir quand à leur véritable connaissance du français. L’imposition à tous les candidats d’un test standardisé ne réglerait-il pas ce problème ? Certainement, affirme le ministère, qui se félicitait l’an dernier d’avoir fait passer le nombre de candidats qui font ce test de 953 (1% de tous les candidats) à 1616 (2%)! Le seul chiffre acceptable est évidemment 100%. À ce rythme, nous y arriverons en l’an… 2109 !

Dans quels pays ces tests linguistiques sont-ils obligatoires ? L’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni. Trois pays anglophones !

3) S’assurer au moins que les immigrants choisis ont un contrat de travail en poche

C’est ce que le Vérificateur général, citant les politiques de plusieurs gouvernements étrangers notamment l’Australie, suggérait, mais ce à quoi le gouvernement du Québec se refuse, préférant un modèle « équilibré » — donc moins performant. C’est ainsi que le Québec s’organise sciemment pour faire venir une immigration à l’impact économique sous-performante, pour les candidats et pour le Québec.

Qui est responsable ?

Qui sera, demain, responsable de la fragilisation du français ? Les immigrants ? Absolument pas. Ils ont respecté toutes les règles que nos gouvernements ont édictés. Les Québécois allophones qui parlent également le français? Au contraire. Ils ont démontré une grande capacité d’adaptation.

Non, les seuls responsables du déclin du français, de la fragilisation de son pilier essentiel — la proportion de citoyens pour qui le français est la langue première — est le gouvernement du Québec qui mène cette politique funeste avec enthousiasme.

Ce contenu a été publié dans Immigration, Parti libéral du Québec par Jean-François Lisée. Mettez-le en favori avec son permalien.

À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !