Intégrité et commerce extérieur québécois

Nous avons lancé cet automne un important plan de développement du Commerce extérieur. Et j’ai eu la chance, lors de missions en Afrique, en Chine, en Inde et en Europe, d’être accompagné d’un grand nombre d’entreprises.

Mais comment aider les entreprises du Québec à l’étranger tout en s’assurant que l’intégrité règne.

J’ai abordé la question devant les entreprises qui m’accompagnaient, au premier jour de notre mission en Afrique de l’Ouest, en septembre dernier. Voici un extrait du discours:

Vous savez, la première fois qu’on dit oui ou non à un corrupteur est déterminante. Si on commence par dire oui, car on se dit que tout le monde le fait, ensuite on peut être tenté de devenir des champions de la corruption.

Certaines entreprises se sont aussi dit qu’elles pouvaient se le permettre, car les régimes avec qui elles faisaient affaire seraient en place pour des générations.

Eh bien dans plusieurs endroits au cours des dernières années, le voile s’est levé sur tous ces secrets et la réputation de grandes entreprises a été souillée pour des années. Elles sont exclues de grands marchés internationaux.

Ce sont les entreprises qui ont dit non au premier corrupteur, quitte à perdre un certain nombre de contrats, qui sont aujourd’hui en position de prendre le relais, alors que certaines de leurs vis-à-vis, les entreprises qui avaient dit oui, se retrouvent pour des années dans des salles d’audience et de procès, devant des juges et des procureurs, et peut-être, espérons-le, pour certains dirigeants, en prison.

L’intégrité ce n’est pas seulement la bonne chose à faire. C’est la bonne décision d’affaires, à moyen et à long terme. C’est la bonne décision d’affaires dans un environnement où il y a encore des corrupteurs et des corrompus, et où leur date d’expiration est beaucoup plus rapprochée qu’elle ne l’était.

Et être corrompu aujourd’hui, en Afrique comme ailleurs, c’est vivre très, très dangereusement, et ne pas pouvoir profiter pendant sa retraite des biens mal acquis.

Le gouvernement du Québec est extraordinairement actif en termes d’accompagnement international, pour aider les entreprises sur les marchés mondiaux, faire des maillages, rencontrer les autorités publiques, pour ouvrir des portes.

Comment avons-nous décidé de procéder pour le recrutement des entreprises lors de cette mission, dans cette période de transition, où nous sommes en train de faire un grand ménage au sein des entreprises québécoises?

D’abord, si des entreprises avaient tenté d’obtenir leur certificat de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et avaient échoué, ils ne pouvaient pas s’inscrire à cette mission, tout simplement. Je précise que ce refus du certificat de l’AMF est aussi lié à une condamnation pour corruption d’agents publics étrangers au cours des 5 années précédentes. C’est-à-dire que si des gens se sont dit qu’ils seraient intègres au Québec et corrompus à l’étranger, ça a des conséquences au Québec, puisque le certificat ne sera pas émis.

Évidemment en ce moment toutes les entreprises ne sont pas soumises à obtenir ce certificat, puisque nous sommes dans un processus graduel où on applique cette nécessité aux contrats de 40 millions et plus, et ensuite ce sera 30, 20, 10 millions, jusqu’à 1 dollar. On ne sait pas combien de temps ça prendra, mais on s’y rendra.

La décision que nous avons prise dans l’intervalle, c’est que les entreprises qui sont en processus d’obtenir ce certificat ou qui ne l’ont pas encore demandé pouvaient participer à la mission, mais les entreprises dont les noms ont été associés à des pratiques douteuses ne pourront pas participer à des rencontres ministérielles.

C’est-à-dire que pendant la mission je rencontre des ministres sectoriels, et j’invite des entreprises qui ont des dossiers importants à participer à ces rencontres. C’est très important, ça ouvre des portes, ça sensibilise. Mais ça ne sera pas le cas pour des entreprises dont le nom est associé à des pratiques douteuses et qui n’ont pas encore soit obtenu un certificat, ou qui n’ont pas encore demandé leur certificat. C’est la pratique que nous appliquons.

Et donc ça vaut la peine d’avoir un certificat. On sait que pour des entreprises qui ont été fautives dans le passé, l’AMF donne la feuille de route pour retrouver la capacité d’obtenir ce certificat. Nous savons aussi que plusieurs grandes entreprises, notamment en ingénierie, travaillent très fort à l’interne pour faire les changements nécessaires à retrouver l’intégrité et convaincre l’AMF que c’est le cas. Et l’AMF est très pointilleuse.

Dans la prochaine année, nous allons nous pencher aussi sur le niveau d’application de la norme BNQ 21000, qui est la norme québécoise de Responsabilité sociale des entreprise. Nous allons aviser les entreprises en amont de commencer à l’intégrer dans leur fonctionnement, et notre objectif c’est qu’à terme, les entreprises qui participent avec nous à ces missions à l’étranger soient en processus d’adoption de la norme, ou l’aient déjà intégrée.

Voilà, c’est un travail à faire, c’est une culture, que certains d’entre vous connaissez déjà et avez déjà intégrée. Mais le signal que le gouvernement du Québec donne au Québec est le même que celui que nous donnons à l’étranger. L’intégrité fait partie de la réputation que nous voulons projeter. Le gouvernement doit être irréprochable, les entreprises, les institutions, les ONG doivent l’être aussi. C’est ce qui nous permettra de mieux rayonner à l’étranger et d’être très fiers de ce que nous faisons dans tous les secteurs.

Je vous remercie.

9 avis sur « Intégrité et commerce extérieur québécois »

  1. L’intégrité et le commerce extérieur est un sujet très intéressant. Je note souvent le manque de préparation des entreprises québécoises à faire des affaires à l’international, surtout lorsqu’il s’agit de comprendre le rôle joué par la culture. En tant que médiatrice interculturelle, je considère posséder la formation académique et l’expérience professionnelle pour aider les entreprises et PME à savoir s’ajuster au contexte local, sans toutefois nier leurs propres valeurs.

    Dommage que si peu de ressources soient consacrées à la formation dans ce domaine!

    Pour en savoir plus, je vous invite à visiter mon site web: http://www.objectifterre.ca

    Au plaisir,

    Caroline Morin
    Médiatrice interculturelle

  2. Excellente initiative que de se pencher sur l’application de la norme BNQ 21000 ( http://www.bnq21000.qc.ca/methode/autoevaluation ) La promotion de l’application de cette norme pourra non seulement soulever l’importance du volet 1.3 portant sur l’éthique des affaires mais aussi permettre d’appliquer plus globalement de bonnes pratiques qui peuvent accroître la productivité des PME (puisqu’en définitive, si on veut accroître les exportations il faut aussi viser l’accroissement global de la productivité des PME du Québve).

    La promotion de l’application de la norme BNQ 21000 sera aussi l’occasion de stimuler l’intérêt pour l’exportation en rejoignant les quelques 8 000 entreprises exportatrices et, dans une perspective prospective, les quelques 14 000 entreprises qui font commerce au Canada hors Québec et les quelques 4 000 qui ont l’intention d’exporter (selon http://www.iCRIQ.com).

    Pour lancer une campagne de cette envergure, en la prolongeant par des services professionnels et en tenant compte des contraintes budgétaires, il s’agit de mettre en place une architecture de services qui assurera le suivi des relations d’un grand nombre de professionnels en région et qui rapportera mensuellement les résultats au MRIFCE.

    Pierre Dumas, M.Sc.
    Président du Regroupement des professionnels de l’exportation
    http://www.linkedin.com/in/pierredumas1/fr
    http://www.exportpro.org
    http://www.dotationquebec.org

  3. Le Québec pourrait lancer une bourse d’études pour les jeunes africains qui décident de travailler au bien de leur pays, grâce à une bonne éducation. C’est à mon avis, le moyen par excellence pour améliorer le sort des pays plus pauvres dans le monde, soit en leur permettant d’avoir des gens compétents pour assurer un futur développement. Incroyable le nombre de jeunes qui ne peuvent pas étudier parce qu’ils n’en n’ont pas les moyens.

  4. Une bonne idée M. Ministre ! Du nouveau ne fera pas de tord au Québec, toujours l’initiative ,soyons corporatif .
    Je vous souhaite un temps des fêtes dans la nouveauté de vos désirs.

  5. Merci M.Lisée, vous et votre gouvernement faites un travail remarquable et qui me rend très fière de travailler avec le Parti Québécois.Joyeuses Fêtes.

  6. Je partage tout à fait l’avis du ministre.
    Comme je suis Chinoise d’origine, les gens m’ont toujours posé cette question de corruption dans les affaires depuis plus de 15 ans et ce, depuis l’Europe jusqu’au Québec.
    Ma réponse a toujours été: Soyons un citoyen corporatif exemplaire. Ce sera toujours payant à long terme car les pays avec lesquels qu’on fait les affaires se sentent respectés et par conséquent, nous respectent aussi. J’ai toujours été reconnassantes vis à vis des gens d’affaires lorsqu’ils montrent l’exemple. Avec certains, j’ai aussi bcp appris. Les bonnes façons de faire les affaires des Occidentaux ont aussi bcp apporté à un pays tel que la Chine. Les gens ne sont pas stupides. Lorsqu’ils en voient les avantages, ils vont adopter la même méthode et attitude,ce qui contribuerait probablement à une évolution positive dans certains pays.

  7. Bravo Monsieur Lisée,

    La mise en place d’une telle stratégie est un coup de Maître.

  8. Ne sommes-nous pas tous pour la vertu, surtout lorsque qu’elle nous profite? Jeter la pierre aux corrupteurs est facile, mais bien plus difficile de débusquer les corrompus -, on l’a vu dans nos villes et nos gouvernements. Oui on va couper le bras de ceux qui donnaient, mais va-t-on tailler les ongles de ceux qui recevaient? à voir avec de la patience.

    gp

  9. Que les hommes d’affaires tentent de faire de l’argent, parfois par des moyens illégaux et sans scrupules, c’est, hélas, dans la nature des choses dans leur monde de prédateurs.

    Il faut, cependant, que tous les représentants des citoyens (petits et hauts fonctionnaires, députés, ministres et présidents), du plus petit au plus grand, soient tout à fait incorruptibles. C’est à eux de jouer à visière levée, en toute honnêteté.

    Les tentatives de corruption tomberont à plat et, par conséquent, renaîtront la confiance et le respect mutuels.

    Voilà le voeu que je formule avant tout pour notre société québécoise à l’aube de 2014.

    Merci à vous, monsieur Lisée ainsi qu’au gouvernement du PQ, de montrer la voie et d’indiquer précisément les balises.

    Bonne année à vous et à tous les Québécois !

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