Internautes : incivils et anonymes s’abstenir

blogDe France et des États-Unis nous viennent des initiatives, une législative, l’autre journalistique, qui vise à réguler la discussion sur Internet.

La plus controversée est le projet de loi du sénateur français Jean-Louis Masson. Il voudrait forcer les blogueurs à indiquer leur nom, adresse et (là on dérape) numéro de téléphone. Il s’agirait d’étendre ainsi aux blogues les obligations couvrant déjà la presse écrite. Voici la justification du sénateur :

« Quand on se couvre derrière l’anonymat d’internet pour tenir des propos diffamatoires, injurieux ou délibérément malveillants, de même que lorsqu’on le fait par écrit par l’intermédiaire d’une lettre, d’un tract ou d’un journal, on doit assumer ses responsabilités vis à vis de la justice. »

Le voici répondant aux questions très sérieuses du blogueur français (non anonyme) Jean-Christophe Dupuis-Rémond :

Ce projet de loi fait évidemment beaucoup réagir en France. Un Appel pour la protection de l’anonymat a été lancé et on trouvera ici plusieurs liens pertinents. Un des axes de débat est la protection des blogueurs anonymes qui sont des salariés dénonçant le comportement de leurs entreprises. Un beau cas.

Le projet ne s’étend pas aux réponses des internautes commentant les blogues, qui eux resteraient anonymes s’ils le désirent. Les propos diffamatoires tenus seraient sous la responsabilité du  blogueur ou de son entreprise — comme pour le courrier des lecteurs d’un journal.

Et les commentaires ?

Cette question des internautes anonymes avait été soulevée au Canada par mon estimée collègue Chantal Hébert, dans une chronique du Toronto Star (et sur son blogue) sur le torrent de commentaires anonymes anti-Québec (et anti-ROC) dans les jours suivant la controverse sur la rareté du français à la cérémonie d’ouverture des olympiques de Vancouver. Son avis :

Quelqu’un qui ne connaît pas le pays et qui lirait les commentaires sur les sites des médias canadiens en tirerait souvent la conclusion que nous sommes un groupe de grincheux intolérants. […]
En théorie, que de respectables médias ouvrent leurs sites internet à des distorsions et des faussetés est contraire à leur mission.

(Transparence totale : j’ai ensuite pris position en faveur de la fin de l’anonymat des internautes lors d’une discussion animée par Christiane Charette. Cependant, les numéros de téléphone ne m’intéressent pas !)

Dans le New York Times de ce week-end, le chroniqueur linguistique a proposé un nouveau mot qu’on pourrait appliquer avec profit au monde des blogues et des commentaires : civilogue.

La définition :

Un dialogue civilisé dans lequel ceux qui expriment un désaccord ne le font pas en lançant des insultes et des généralisations qui confinent aux clichés.

C’est Jeffrey Weiss, de Politics Daily, qui en est le concepteur. Il propose une croisade contre la «mesquinerie politique» et publie un Manifeste, appelant à réagir chaque fois que quelqu’un dégrade la discussion en affirmant une grossièreté (Obama = Hitler, par exemple).

Cohérent, le site Politics Daily avise ses internautes/commentateurs qu’il réclamera sous peu la fin de l’anonymat. Je traduis :

Souhaitant encourager le même niveau de dialogue civil entre les lecteurs de Politics Daily que nous réclamons de nos rédacteurs — un « civilogue » — nous allons bientôt réclamer des commentateurs d’afficher leurs identités AOL ou AIM dans leurs commentaires. Les attaques personnelles (contre les rédacteurs du site, d’autres internautes, Nancy Pelosi, George W. Bush ou qui que ce soit) ne seront pas publiés, point à la ligne. Nous ferons place à une discussion entre ceux qui ont des idées à partager et à discuter.

Un échange civil, non anonyme. Intéressant concept !

Ce contenu a été publié dans Médias par Jean-François Lisée. Mettez-le en favori avec son permalien.

À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !