La leçon de journalisme faite à Maclean’s

QuebecCorruption_MacLeansArticleLe Conseil de Presse du Québec a rendu publique ce mardi sa décision concernant le fameux dossier de Maclean’s « The most corrupt province ».

L’utilisation de Bonhomme.

Concernant l’utilisation du Bonhomme pour symboliser le Québec, le CPQ estime qu’il « s’agissait d’une utilisation caricaturale de ce symbole, servant à illustrer le sujet principal du magazine. Cette pratique ne contrevient pas aux règles déontologiques reconnues. »

Je suis d’accord.

Le titre: la province la plus corrompue.

Le jugement du CPQ tombe comme une brique:

Puisque le Conseil considère que jamais l’article de M. Patriquin ni aucun autre article du magazine n’apportent la démonstration du fait que le Québec serait la province la plus corrompue du Canada, il retient à l’unanimité (7/7) les griefs pour manque de rigueur journalistique et expression de préjugés contre la direction du magazine Maclean’s pour avoir coiffer la une du magazine et l’article de M. Patriquin d’un titre affirmatif (The most corrupt province) laissant croire à une analyse comparative alors que l’affirmation n’est jamais démontrée et que l’article porte plutôt sur des perceptions.

Le commentaire d’Andrew Coyne

Le columnist vedette du magazine avait affirmé que les Québécois étaient pathologiquement corrompus. Il est évidemment difficile de sanctionner une opinion, même outrancière. Le CPQ se limite à relever les erreurs de faits.

Une majorité de ses membres (4/7) lui reprochent de s’appuyer sur des préjugés et des opinions non fondées, notamment lorsque Coyne affirme que:

les scandales de corruption qui ont frappé le Québec sont «more likely if politicians are operating in a general climate of public acceptance of such activities » (plus probables si les politiciens évoluent dans un contexte où le public accepte de telles activités), une affirmation qui est cette fois-ci visiblement contredite par la réalité, considérant la forte réaction du public au dévoilement des scandales en question.

Le texte principal

Le Conseil est particulièrement dur, et à 6/7, contre le texte principal, de Martin Patriquin:

Après analyse, le Conseil constate que M. Patriquin s’est limité à recueillir plusieurs points de vue rapportant l’existence d’une série de cas de corruption au Québec, mais n’a jamais démontré le fait que le Québec serait la province la plus corrompue au Canada. Le journaliste ne présente aucune enquête comparative, rigoureuse et exhaustive menée au Canada permettant de comparer le Québec avec les autres provinces. Le seul élément de comparaison qu’évoque M. Patriquin est un commentaire approximatif de l’historien américain, M. Samuel Huntington qui a écrit en 1968 que la province « is perhaps the most corrupt area (in) Australia, Great Britain, United States and Canada ». Le Conseil considère que cet élément d’information est nettement insuffisant pour considérer le Québec comme champion canadien de la corruption.

De plus, M. Patriquin évoque les derniers déboires du gouvernement Charest en les qualifiant de « long line of made-in-Quebec corruption that has affected the province’s political culture at every level ». Cette phrase soutient que la corruption a atteint toutes les sphères de la culture politique québécoise, une affirmation qu’il ne démontre pas.

La majorité des membres du Conseil juge que ces deux affirmations, lourdes de sens, ne sont pas suffisamment étayées par l’auteur, M. Patriquin, et estime, en conséquence, qu’elles témoignent d’un manquement aux impératifs de rigueur en matière journalistique. On est ainsi forcé de conclure qu’elles relèvent de préjugés, d’autant plus condamnables dans les circonstances qu’ils portent préjudice à l’ensemble des Québécois.

Maclean’s n’a pas présenté de défense devant le Conseil. Sans doute n’en avait-il pas.

Pour lire ce que j’ai écrit à ce sujet, et qui rejoint en plusieurs points l’avis du Conseil, voir ici.