Gilles Duceppe s’est levé ce dimanche matin avec un monstre à sa porte. Le monstre du succès. S’il devenait chef du PQ, affirme le sondage, il pourrait non seulement sortir le parti de sa crise, mais le porter au pouvoir.
Il détient donc la clé — ou du moins une des clés — de l’avenir politique immédiat du Parti québécois et du Québec. S’il parle et se dit « disponible pour servir la cause et la nation », les critiques de la chef actuelle pourront venir à bout de l’exceptionnelle résilience de Pauline Marois. S’il parle et affirme qu’il n’est « en aucun cas candidat, même en cas de vacance du poste, et souhaite être derrière Pauline Marois au prochain scrutin », il se retire du jeu.
Le silence, par contre, n’est pas une option.
Certains d’entre vous peuvent penser qu’il s’agit d’une décision facile à prendre. Rien n’est moins vrai. Voici à quoi pourrait ressembler la liste des pours et des contres du citoyen Duceppe. Ils ne sont pas par ordre d’importance.
Pour se lancer dans l’aventure
1. La politique est toute ma vie, et je m’ennuie
2. La population veut de moi
3. Je ne veux pas finir ma carrière sur la défaite du 2 mai dernier
4. Je pourrais devenir Premier ministre
5. Je serais en position de faire avancer la cause souverainiste et, qui sait, de faire du Québec un pays ?
6. Si je n’y vais pas et que le PQ se casse la gueule à l’élection, je m’en voudrai — et beaucoup me le reprocheront
Contre se lancer dans l’aventure
1. J’ai assez donné et j’ai quand même 64 ans en juillet!
2. Le dernier sondage m’appuie, mais ce sont les mêmes Québécois qui m’ont jeté à la rue il y a six mois.
Que diront-ils dans six mois, dans un an? Je ne pourrais pas vivre ce rejet une seconde fois.
3. Chef du Parti québécois ? Est-ce vraiment un cadeau ?
4. Le sondage dit que les électeurs péquistes me veulent. Mais les députés me veulent-ils ? Je n’ai jamais eu beaucoup d’appuis dans le caucus.
5. D’après tout ce que j’entends, ce caucus est très difficile à gérer. Aurais-je la patience ? Accepteront-ils mon autorité ?
6. Supposons que je me dise disponible, Pauline partirait-elle rapidement ? Ou devrais-je diriger une guérilla qui fera de moi un bourreau, un brutus ?
7. Supposons qu’elle parte, rien ne dit que je serai couronné. Il pourrait très bien y avoir une course. Pierre Curzi pourrait se présenter. Et si lui, Drainville y sera aussi. Et pourquoi pas Aussant ? Or je n’ai jamais été intéressé à me battre dans une course au leadership — je me suis retiré en mai 2007 pour ne pas avoir à faire de course contre Pauline.
8. Et s’il y a une course contre Curzi et les autres, et même s’il n’y en a pas, il va y avoir de gros débats:
– ils vont vouloir savoir quelle est ma stratégie pour faire la souveraineté et certains vont vouloir me pousser à m’engager à tenir un référendum dans le premier mandat, ce qui serait un engagement suicidaire;
– ils vont vouloir savoir si j’appuie le programme du Parti qui parle de la loi 101 dans les Cégeps et d’une Charte de la laïcité, ce sur quoi je n’ai jamais été chaud chaud auparavant;
9. Supposons que je franchisse toutes ces étapes et que je devienne chef, mais que l’indiscipline continue à régner — c’est quand même la norme au PQ — est-ce que je veux vivre des saisons et des saisons de pression et de remise en question ? Et si Parizeau trouve que je ne suis pas assez pressé et le dit publiquement ?
10. Et si je suis premier ministre et que je n’arrive pas à faire la souveraineté ?
La conclusion de cet exercice ? Elle ne peut être tirée que dans la tête du principal protagoniste. Cette décision lui appartient entièrement.
Admettons tout de même qu’elle n’est pas simple. Il doit cependant se décider, d’ici Noël, car le silence, en l’espèce, est destructeur.