L’amiante et moi

2685315mrxgb-150x150J’ai passé l’été de mes 18 ans à califourchon sur une poutre, à 10 mètres au-dessus du sol. Devant moi, cinq centimètres de poussière de roche et d’amiante accumulées sur la poutre au cours des derniers six mois.

Dans ma main, un petit balai utilisé pour envoyer la poussière vers le bas, donc la mettre en suspension dans l’air pour un bon moment. J’allais plus tard balayer le plancher. Sur ma bouche, un des trois premiers masques de la journée, qu’on jetait finalement car, l’humidité aidant, la poussière collait dessus et la respiration devenait quasi-impossible.

C’était en 1976. Ce procédé hautement insalubre a été interdit depuis et les moulins d’amiante ressemblent désormais davantage à des usines de yaourt qu’à celles que j’ai connues, étudiant. Mais si l’amiante ne s’est pas attachée durablement à mes poumons (nous savions déjà que le fait de fumer augmentait extraordinairement les risques de maladie — et je ne fumais pas) elle ne m’a jamais quitté.

D’abord elle a accompagné mes premiers pas de journaliste. Je couvrais pour CKAC (qui ne faisait pas que du sport) la grève de l’amiante (pas celle de 1949, celle de 1975). Ma première première page, au quotidien indépendantiste Le Jour, était consacrée au candidat péquiste Jacques Parizeau promettant de nationaliser la totalité de l’industrie québécoise de l’amiante. L’Environnemental Protection Agency a attendu que je sois correspondant à Washington pour bannir temporairement la fibre diabolique. Puis j’étais au bureau du premier ministre lorsque la France a fait de même, juste avant une visite officielle de mon patron à Paris.

Je connais donc relativement bien le dossier. (Transparence totale: j’ai été officiellement désigné Ambassadeur de Thetford Mines, avec Louisette Dussault, Paul Hébert, Michel Louvain et plusieurs autres. Titre honorifique, sauf pour Michel qui a eu sa propre rue !)

Tout cela pour vous dire que, pendant ces décennies, je n’avais jamais vu de reportage aussi équilibré sur la question que celui réalisé récemment par Catherine Kovacs, de Radio-Canada, et qu’on peut voir ici.

(Photo: origine inconnue)