Je n’ai jamais été frileux envers les exportations d’électricité québécoise. Si on peut, ici, produire davantage d’énergie propre que ce qu’on consomme, exporter les surplus aux States et engranger un profit, tous mes feux sont au vert.
Mais voilà qu’on apprend qu’il n’y aura plus de profit. Plutôt des pertes.
Selon Jean-Thomas Bernard, titulaire de la Chaire en économique de l’énergie électrique de l’Université Laval, la chute du prix de l’énergie aux États-Unis est telle que notre surplus de production énergétique devra être vendu… à un prix moindre que son coût de revient. Autrement dit, à perte !
Pourquoi ? À cause des gaz de schistes. Non, pas les nôtres. Ceux des États-Unis, qui font chuter le prix du gaz naturel, donc de la production électrique dans les centrales thermiques. Une chute de prix qui pourrait durer… 8 à 10 ans !
Ce qui annonce une décennie pendant laquelle les Québécois, par leurs impôts ou par leurs tarifs d’électricité majorés, subventionneront nos exportations aux États-Unis ! On a beau aimer nos voisins, il y a une limite !
Tous les calculs du gouvernement Charest, et d’Hydro, sont déjoués par cette évolution qui n’était, soyons clairs, pas prévisible au moment du déclenchement des grands travaux hydroélectriques il y a plus de cinq ans.
Reste que nous avons un problème sur les bras. Vont bientôt entrer en ligne des barrages, dont celui de la Romaine, qui vont augmenter notre production électrique et… nous endetter!
Il n’y a, à mon humble avis, qu’une solution à ce problème. Plutôt que d’exporter à perte à nos voisins, il est urgent d’accélérer l’électrification des transports au Québec pour utiliser, ici, nos propres kilowatts, et réduire notre consommation de pétrole, donc nos importations.
Et en s’appuyant sur nos forces pour fabriquer, ici, avec nos travailleurs, les véhicules — autobus, tramways, trains légers, etc — électriques qui remplaceront nos buveurs de pétroles.
Parmi d’autres, le projet d’abord développé par Pierre Couture (l’inventeur du moteur-roue) de relier les principales villes du Québec d’un monorail rapide, sur l’emprise actuelle des autoroutes, mérite un examen poussé. Le ministre Sam Haddad a le dossier sur son bureau, ainsi que la note chiffrée produite par l’Institut de recherche en économie contemporaine (ici, pdf).
L’Institut calcule que la construction de la ligne Québec-Montréal coûterait 3 milliards — trois fois moins qu’un TGV — , dont les deux tiers resteraient au Québec. Le calcul de substitution du pétrole n’est cependant pas fait. (Si vous cliquez ici, vous aurez une simulation de ce à quoi cela pourrait ressembler.)
Le gouvernement Charest semblait vouloir prendre le virage de l’électrification sans se presser. Les nouveaux paramètres de l’économie continentale de l’énergie appellent un changement de vitesse. Un changement de grande vitesse.